Le patrimoine et la culture sont les atouts les plus attractifs qui motivent les touristes pour visiter une destination. Ceci se traduit par le pourcentage qu'ils détiennent par rapport aux autres types de tourisme. Selon l'organisation mondiale du tourisme (OMT), 47% des arrivées touristiques internationales représentent le tourisme culturel (OMT, 2018). Ce qui amène les acteurs touristiques à valoriser ce secteur et repenser leurs stratégies marketing dans le but d'offrir aux visiteurs une expérience culturelle mémorable ! Par ailleurs, bien que le tourisme fût traditionnellement perçu comme une industrie à caractère humain, il ne pourra désormais être dissocié de la technologie. Ce changement de l'offre est dû en quelques sortes au changement de la demande. Aujourd'hui, les habitudes des consommateurs ont muté en fonction de l'innovation technologique, le touriste s'attend à trouver les dispositifs qu'il avait l'habitude d'utiliser chez soi, voire d'autres plus sophistiqués, afin d'enrichir son expérience de visite pendant le séjour et plus particulièrement, lorsqu'il s'agit d'un visiteur de sites patrimoniaux culturels qui nécessitent une explication exhaustive de chaque petit détail. Dans un site patrimonial, chaque coin raconte une histoire qui remonte à une époque ancestrale. Le touriste culturel a donc la soif de découvrir les merveilles cachées derrière une muraille, une jarre ou un char ! Il n'a peut-être pas besoin d'un casque audio qui raconte la même histoire pour tous les visiteurs, le touriste à l'ère du numérique souhaite explorer et interagir librement avec les lieux ! A titre d'exemple, dans un musée, chaque œuvre a un espace limité contenant une phrase, voire un petit paragraphe qui n'assouvit pas la curiosité du visiteur. Par le biais de la RA (Réalité augmentée), l'espace devient illimité, il suffit d'y ajouter un QR-code (un code-barres à deux dimensions avec des pictogrammes formant un carré) que l'utilisateur peut scanner par son smartphone pour visualiser plus d'informations : des textes enrichis, images, audio, vidéos ou pages web. Il a donc la possibilité de choisir le mode qui lui convient. Concernant les sites patrimoniaux, la RA pourra jouer le rôle d'une machine à remonter le temps ! Comme le cas par exemple du site archéologique de Volubilis au nord de Meknès, vestige de sa gloire passée. Qu'il soit totalement ou partiellement dévasté, il garde toujours son « empreinte ADN » qui pourra lui redonner vie, du moins virtuellement. C'est dans ce contexte que l'application de la RA : superposition d'informations virtuelles en 3D dans l'environnement qui nous entoure, tel que nous le percevons et en temps réel, pourra servir de remède. Cette expérience peut être vécue par le biais d'une application mobile qui utilise certaines fonctionnalités des smartphones ou tablettes comme la caméra, la boussole ou l'accéléromètre (détecte l'orientation du téléphone et sa mise en mouvement) pour intégrer en surimpression sur les ruines du site archéologique actuel la modélisation virtuelle. Le visiteur pourra alors se laisser vivre une expérience immersive d'un voyage dans le temps ! Derrière cette application basée sur la RA il y a une équipe pluridisciplinaire d'archéologues, historiens, professeurs universitaires chercheurs, informaticiens et infographistes dont chacun apportera sa pierre à l'édifice et essaiera de synchroniser les temps, entre le passé et le présent ! Une recherche documentaire historique et archéologique de plusieurs mois, voire plusieurs années, est donc nécessaire pour pouvoir restituer un modèle scientifiquement valide permettant de produire une proposition crédible du site touristique tel qu'il était auparavant et retrouver enfin sa renaissance. L'intégration de la RA dans les sites patrimoniaux et culturels compte plus d'une décennie dans certains pays et continue toujours à s'étendre et à s'améliorer dans d'autres avec des techniques qui suivent l'innovation technologique. Il y a deux ans, dans le cadre d'une collaboration entre la compagnie d'assurance australienne Budget Direct et l'agence de marketing NeoMam Studios, sept des châteaux en ruine les plus uniques d'Europe, à savoir château de Samobor, Croatie ; château Gaillard, France ; château de Dunnottar, Ecosse ; château de Menlo, Irlande ; château d'Olsztyn, Pologne ; château de Spiš, Slovaquie et château de Poenari, Roumanie ont retrouvé leur charme d'autrefois. En octobre 2021, le château Fougères (Ille-et-Vilaine), le deuxième château le plus visité en Bretagne, recevant près de 100.000 visiteurs par an, a bénéficié d'un programme de reconstruction virtuelle, dans l'objectif d'atteindre 120-140.000 visiteurs. Faisant partie des objectifs du programme France-Manche-Angleterre, avec un budget allant jusqu'à 7,8 millions d'euros financés par les fonds européens Feder, le projet est développé avec huit partenaires dont la Région Bretagne, l'Ecole supérieure d'Art de Bretagne (EESAB) et la NEOMA Business School. Après quatre ans de travaux continus, le château mets désormais à la disposition de ses visiteurs de nouveaux dispositifs numériques innovants : Salles immersives et tablettes permettent de visualiser la forteresse médiévale à différentes époques, de l'an mil à nos jours. « On est sur le haut de gamme des sites patrimoniaux », déclarait le professeur Erwan Mahé de l'EESAB. Le Maroc, carrefour de civilisations, regorge de patrimoine matériel et immatériel dont certains sont déjà classé « patrimoine mondial de l'humanité » par l'UNESCO, tandis que d'autres nécessitent une mise en valeur afin de les faire sortir de l'oubli ! Valoriser les sites patrimoniaux culturels avec des expériences basées sur la RA, constituera une vraie valeur ajoutée pour le tourisme culturel mais aussi pour les Marocains qui peuvent admirer et se réapproprier de cette manière une partie de leur richesse patrimoniale !
Imane Ezzaouia* *Doctorat d'Etat en Tourisme, Economie et Gestion