Les mesures mises en place par le gouvernement, en plus d'avoir compensé l'effet de la pandémie sur la pauvreté et la vulnérabilité, se révèlent aussi avoir été pro-pauvres. Cet impact se renforce nettement avec la généralisation des allocations familiales, particulièrement en milieu urbain, estime le PCSN dans un récent Policy Paper. Intitulée « Généralisation des allocations familiales et impact sur la pauvreté et la vulnérabilité monétaires des enfants en période Post-Covid au Maroc », cette analyse a pour objectif d'analyser, d'une part, l'impact de la pandémie et des mesures compensatoires prises par le gouvernement pour atténuer l'incidence de la crise sanitaire et, d'autre part, de la généralisation des allocations familiales sur la pauvreté monétaire et la vulnérabilité de la population. Ceci s'inscrit dans le cadre de la refonte du système de protection sociale devenue une priorité nationale. Nous utilisons un modèle micro simulé appliqué sur les données de la vague 2019 de l'Enquête Panel de ménages (EPM) de l'observatoire national du développement humain (ONDH), relève-t-on dans ce Policy Paper, élaboré par Touhami Abdelkhalek et Dorothee Boccanfuso, professeurs à l'Université Mohammed VI Polytechnique. « La pandémie de la Covid-19 a eu et a toujours des impacts économiques et sociaux importants partout dans le monde. Le Maroc n'y échappe pas. Il est dès lors légitime de penser que les ménages les plus pauvres et vulnérables sont ceux supportant le fardeau le plus lourd de cette crise... Les enfants de moins de 5 ans et les adultes (plus de 18 ans) se sont révélés en être les plus touchés », soulignent-ils. Pandémie, mesures compensatoires et allocations familiales
Après avoir procéder à des simulations, ces deux professeurs font savoir que les mesures de compensation du gouvernement ont plus que compensé les effets négatifs de la pandémie sur le revenu des ménages. Chiffres à l'appui, la consommation moyenne par tête a augmenté de près de 4% en zones urbaines et de 1,5% en milieu rural. Ceci se traduit par une baisse de l'incidence de la pauvreté de 15,52% à l'échelle nationale et de la vulnérabilité (-17,57% pour le Maroc). Dans ce contexte, poursuive la même source, la généralisation des allocations familiales entraine une baisse de la pauvreté de 18,10% et de 24,30% de la vulnérabilité au niveau national par rapport à la situation de 2019, malgré la pandémie. Ces baisses de pauvreté et de vulnérabilité sont plus importantes pour les enfants de 5 à 17 ans en milieu urbain mais qu'en milieu rural ce sont les enfants de moins de 5 ans qui profitent le plus des allocations familiales, tiennent à souligner les auteurs de cette étude. Les mesures compensatoires mises en place par le gouvernement, auxquelles sont ajoutées les allocations familiales, bénéficient à tous les Marocains, ajoute le Policy Paper, notant que seuls les 40% les plus riches de la population, en milieu urbain, ont un taux de croissance de leur revenu inférieur au taux de croissance de la moyenne. « En toute vraisemblance, une grande partie de cette population bénéficiait déjà des allocations familiales étant donné son occupation dans le secteur formel ou encore dans le secteur public », estime ma même source. En milieu rural, les auteurs de cette analyse font le même constat pour la classe aisée. Ils concluent que la généralisation des allocations familiales est une mesure clairement pro pauvre, puisque tout le monde gagne (taux de croissance tous positifs). Ils constatent, par ailleurs, que la contribution des transferts des MRE (Marocains Résidant à l'Etranger), même si ceux-ci ont été plus importants qu'anticipés, n'a eu qu'un effet marginal sur la baisse de l'incidence en milieu rural. Par contre, les mesures de compensation mises en place par le gouvernement sont venues compenser au-delà de l'effet négatif de la Covid-19. Finalement, souligne-t-on, la contribution des allocations familiales est, tel qu'attendu, positive puisqu'elle contribue à expliquer la baisse de l'incidence de la pauvreté à 42,5 % en milieu urbain et à 34,6 % en milieu rural. Coût des aides anti-Covid
Autre constat soulevé dans ce Policy Paper : le coût des aides anti-Covid auraient coûté au gouvernement 11,24 milliards de dirhams, majoritairement distribuées en milieu urbain (71,8%). De plus, ramenées par tête dans la population, les mesures anti-Covid s'élèvent à 376,75 dirhams par bénéficiaire. Cette analyse fait également ressortir que le coût par tête est 50% plus élevé en milieu urbain qu'en milieu rural. Par ailleurs, la généralisation des allocations familiales coûterait annuellement au gouvernement 6,71 milliards de dirhams, représentant 188,79 dirhams par individu, indique le Policy Paper. Et de poursuivre que quatre ruraux sur cinq vivent dans des ménages bénéficiant des allocations familiales, alors que seulement deux urbains sur trois seraient dans une situation semblable. Ceci s'explique notamment par le fait qu'une partie des ménages urbains bénéficiait à la base du système d'allocations familiales déjà en place et donc exclus de facto par la mise en place de la généralisation simulée. De même, grâce à la généralisation des allocations familiales, l'inégalité entre les deux milieux se réduit, ce qui est un argument supplémentaire en faveur de cette politique sociale. Pour relativiser le coût de la généralisation des allocations familiales, le Policy Paper constate que sur la base de la valeur du PIB marocain de 2020, estimé à 1 081,63 milliards de dirhams, cette mesure ne représenterait que 0,62% du PIB. En comparaison, et pour la même année, le budget de la caisse de compensation, qui est aussi une mesure de protection sociale, représente 1,25% du PIB. Conclusions
En guise de conclusion, l'étude montre que les mesures mises en place par le gouvernement ont compensé le choc négatif de la pandémie et confirment l'effet clairement pro-pauvre de la généralisation des allocations familiales tant en milieu urbain que rural. Elle montre aussi que la généralisation des allocations familiales parait être une mesure relativement peu coûteuse pour le Maroc, avec un ciblage simple et des effets favorables sur la pauvreté et la vulnérabilité. Néanmoins, l'étude estime que d'autres programmes, à l'image de Tayssir, Daam, d'un million de cartables, etc, peuvent être aussi révisés, harmonisés et intégrés en conséquence. De telles opérations permettraient de mieux cibler les populations qui méritent de bénéficier de ces mesures et d'augmenter l'efficacité du système de protection sociale, relève-t-on de même source. A. CHANNAJE