Lors d'une réunion d'échange organisée la semaine dernière en Italie, la ville de Tanger a présenté l'état d'avancement de son projet qui vise de réduire à 0% la pollution plastique dans la Nature en 2030. À Venise, en Italie, les représentants de plusieurs villes méditerranéennes engagées dans l'initiative «Plastic Smart Cities» du Fonds Mondial pour la Nature (WWF) se sont réunis dans le cadre d'une visite d'échange qui s'est déroulée du 22 au 23 juin 2022. « La Commune de Tanger a pu présenter les efforts qu'elle a entamés depuis novembre 2019, date à laquelle la ville s'est engagée à limiter les fuites de déchets plastiques dans la Nature à l'horizon 2030 », précise un communiqué du WWF Maroc qui note par ailleurs que la ville marocaine a été représentée durant cet événement par M. Mouhssine Abderrahim, chef du Département de contrôle et de gestion des déchets à la Commune de Tanger et membre du comité de pilotage du projet. « Plusieurs autres représentants des villes de Dubrovnik et Trojir (Croatie), Izmir et Çeşme (Turquie), Tinja (Tunisie), ainsi que des officiels de la municipalité de Venise ont pris part à l'événement », poursuit le compte-rendu de l'événement. Implication des sociétés délégataires Dans sa présentation sur l'état d'avancement du projet, le chef du Département de contrôle et de gestion des déchets à la Commune de Tanger a souligné que l'engagement de la ville s'est matérialisé dès 2020 à travers l'inclusion de clauses dans les contrats établis avec les sociétés délégataires du service de propreté afin qu'elles puissent mobiliser près de 200 ouvriers durant 6 mois de chaque année dans le cadre de nettoyage des points noirs qui ne font pas partie du parcours officiel de collecte des déchets. Le représentant de la Commune de Tanger a également précisé qu'une étude d'analyse de la gestion des déchets a été menée durant l'année 2021 en partenariat avec le WWF Maroc sur la base d'une méthodologie mise en place par UN Habitat. « Cette étude a permis de générer de nouveaux indicateurs pertinents qui permettront d'avoir un état de référence et de garantir un monitoring des activités menées dans le cadre du projet », a-t-il précisé. Un comité de pilotage participatif Afin de garantir l'implication du plus grand nombre de parties prenantes pertinentes, un comité de pilotage du projet Plastic Smart Cities Tanger a été formé en intégrant des représentants de diverses Directions régionales: Tourisme, Environnement, Industrie et Commerce, Education Nationale, HCP, ainsi que le Port de Tanger et les sociétés délégataires actives dans la ville de Tanger : Mecomar, ARMA et Averda. « Plusieurs établissements-pilotes, dont 4 écoles, un hôtel et la Tanja Marina Bay International, se sont activés depuis l'année dernière afin de mettre en place des expériences de bonnes pratiques de gestion du plastique », a souligné M. Abderrahim Mouhssine durant sa présentation. « Sur la base des bonnes pratiques mises en place dans les 4 écoles pilotes, le WWF Maroc a préparé et imprimé un guide pédagogique que la Direction régionale de l'Education Nationale s'est chargée de distribuer à l'ensemble des écoles de la ville », a par ailleurs illustré le représentant de la ville de Tanger. Validation du plan d'action « Le comité de pilotage du projet a validé les grands axes du plan d'action de la ville de Tanger à même de lui permettre d'atteindre l'objectif de réduction des fuites de déchets plastiques », précise le communiqué du WWF Maroc. « Une des composantes importantes de cette feuille de route est la mise en place d'une unité de collecte des déchets triés par les établissements-pilotes en vue de leur valorisation », a annoncé M. Mouhssine, ajoutant que la société Averda mettra également en place un centre de tri au niveau du site d'enfouissement afin d'optimiser le potentiel de recyclage des déchets. La même source a évoqué la campagne de sensibilisation et de nettoyage des points noirs organisée du 13 au 19 juin dans divers quartiers de la ville. « Cette campagne a permis à plusieurs associations locales de s'approprier les objectifs du projet et de construire un système de veille citoyen pour prévenir et signaler les fuites des déchets dans l'environnement. À cela, s'ajoutera une application qui sera accessible bientôt et qui permettra également de notifier la Commune concernant d'éventuels problèmes liés aux déchets », a annoncé la même source. Omar ASSIF Repères Des bateaux pour les déchets Durant la visite d'échange organisée par le WWF Méditerranée, les représentants de diverses villes Plastic Smart Cities ont pu découvrir les solutions de collecte et de recyclage des déchets mises en place au niveau de la ville de Venise également engagée à devenir Plastic Smart City à l'horizon 2030. À noter que les spécificités de la ville de Venise, qui est en majeure partie édifiée sur une vaste lagune, compliquent la collecte et le transport des déchets qui doivent obligatoirement être acheminés par bateaux.
Plastic Smart Cities dans le monde Lancée par le WWF, il y a quelques années, l'initiative Plastic Smart Cities a d'abord vu le jour au niveau de plusieurs pays d'Asie du Sud-Est où sévit une pollution marine plastique parmi les plus dangereuses au monde. Durant ces dernières années, plusieurs villes européennes et méditerranéennes ont également rejoint le projet. La ville de Tanger est la première et la seule ville marocaine qui est à ce jour inscrite dans cette démarche volontariste de limitation des fuites de déchets plastiques dans la Nature. L'info..Graphie Déchets marins 80% proviennent de sources terrestres
Selon le rapport du WWF « Pollution plastique en Méditerranée, sortons du piège » : le plastique représente la majeure partie des déchets (60 à 95%) trouvés dans les mers du monde entier et le principal type de déchets trouvés sur les plages et parmi les sédiments marins. 80% de ces déchets proviennent de sources terrestres et 20% de sources marines (telles que la pêche, l'aquaculture et le transport maritime). Utilisées en moyenne pendant quatre ans - mais souvent une seule fois - les matières plastiques restent en mer pendant des périodes allant de cinq ans pour un mégot de cigarette, 20 ans pour un sac, 50 ans pour un gobelet en plastique et jusqu'à 600 ans pour une ligne de pêche. Les macro-déchets en plastique (à savoir les gros déchets tels que les sacs, les mégots de cigarettes, les ballons, les bouteilles, les bouchons ou les pailles) sont la forme la plus visible de la pollution plastique. Mais ce sont les micro-plastiques, des fragments de moins de 5 mm qui ont le plus grand impact sur la vie marine.
Méditerranée Une pollution qui entraîne des pertes économiques considérables
Alors qu'elle représente seulement 1% des eaux marines à l'échelle du globe, la Méditerranée compte plus de 7% de tous les micro-plastiques (fragments de moins de 5mm), qui ont atteint des niveaux record de concentration : 1,25 million de fragments par km2, soit près de quatre fois plus que dans "l'île de plastique" du Pacifique Nord. La cause première de cette pollution plastique réside dans les retards et les lacunes en termes de gestion des déchets plastiques dans la plupart des pays de la Méditerranée. À cela s'ajoute l'activité touristique dans la région qui, avec plus de 200 millions de touristes par an, augmente le niveau de pollution marine de 40% chaque été. Le plastique représente 95% des déchets en haute mer, sur les fonds marins et sur les plages de la Méditerranée. Ces déchets proviennent principalement de Turquie et d'Espagne, suivis par l'Italie, l'Egypte et la France. Les principaux secteurs économiques de la Méditerranée, en particulier la pêche et le tourisme, subissent les effets négatifs de la pollution plastique. On estime que les déchets marins entraînent une perte économique annuelle de 61,7 millions d'euros pour la flotte de pêche de l'UE en raison d'une prise de poissons réduite et des dommages aux navires, tandis que les plages polluées peuvent décourager les touristes et entraîner ainsi des pertes d'emploi. Selon un rapport du WWF, « la bonne nouvelle est qu'il est possible de nettoyer et de protéger la mer Méditerranée des plastiques. Mais cela nécessite l'engagement et la collaboration de tous : gouvernements, entreprises et particuliers ».
3 questions à Abderrahim Mouhssine « Tanger dispose de l'un des meilleurs systèmes de gestion des déchets au niveau national »
Chef du Département de contrôle et de gestion des déchets à la Commune de Tanger et membre du comité de pilotage du projet Plastic Smart Cities, Abderrahim Mouhssine répond à nos questions. - Pourquoi la ville de Tanger a-t-elle rejoint l'initiative Plastic Smart Cities ? - La ville de Tanger dispose de l'un des meilleurs systèmes de gestion des déchets au niveau national. Au vu des objectifs environnementaux du Plastic Smart Cities qui convergent avec l'ambition de la ville, la Commune de Tanger a adhéré au projet afin de travailler à la mise en oeuvre d'expériences pilotes de l'économie circulaire. L'idée est de pouvoir construire un premier modèle fonctionnel et réplicable. - Quels sont les défis qu'il faut surmonter pour pouvoir construire ce modèle ? - Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il existe déjà au niveau de plusieurs villes marocaines un système de récupération des matériaux pour le recyclage. Ce système n'est évidemment pas une réelle économie circulaire parce que ses maillons sont majoritairement informels. Le plus grand défi est de pouvoir convertir progressivement cet écosystème de sorte à ce qu'il devienne formel et organisé. Cela bénéficiera aussi bien à la bonne gestion des déchets qu'à l'amélioration des conditions de vie et de travail des personnes qui s'activent actuellement dans ce milieu. - Quid de la lutte contre les fuites de déchets plastiques dans la nature ? - C'est en effet l'objectif principal du projet Plastic Smart Cities. À cet égard, nous avons initié deux approches complémentaires, à savoir : des actions curatives (à court et moyen termes) qui se focalisent sur l'identification et le nettoyage des points noirs qui sont en dehors des parcours de collectes prévus, et des actions préventives (à long terme) qui ont pour objectif de rationaliser la consommation du plastique et de construire une véritable chaîne de valeur de valorisation des déchets. Recueillis par Omar ASSIF