Le Maroc fait partie des pays qui ont été responsables de l'essentiel des ajouts de capacité du solaire CSP au cours des cinq dernières années, selon le dernier rapport de l'AIE. Désormais, changer de paradigme économique et passer à une économie verte s'avère nécessaire afin de réussir le pari de la transition énergétique et de la réduction des gaz à effets de serre, responsables du réchauffement climatique. Explications avec Saïd Mouline, DG de l'Agence marocaine de l'efficacité énergétique (AMEE). - L'Agence internationale de l'Energie vient de publier son RenewableCapacityStatistics 2022, quelle lecture faites-vous de ce document par rapport au contexte marocain? - D'abord ce rapport confirme la tendance globale concernant les énergies renouvelables au niveau mondial. Un nouveau record de capacités nouvelles installées en 2021 malgré les coûts de certains composants et de la logistique qui ont flambé. 2020 était déjà un record malgré la pandémie. Ce sont plus de 290 GW qui ont été installés en une année et plus important, l'Agence a revu à la hausse ses projections. 4.800 GW d'installations devraient être disponibles d'ici 2026, c'est-à-dire que les renouvelables vont dépasser la capacité électrique actuelle du nucléaire et des énergies fossiles combinés. Sur les filières, le solaire photovoltaïque devrait assurer plus de la moitié de cette croissance, et l'éolien en mer devrait tripler ses capacités. Mais toutes les filières sont amenées à croître. Le directeur de l'Agence, Fatih Birol, a ajouté que « les prix élevés actuels des matériaux posent de nouveaux défis pour le secteur des renouvelables, mais les prix élevés des énergies fossiles rendent aussi les renouvelables encore plus compétitives ». - Qu'en est-il du solaire CSP ? - Pour ce qui est du solaire CSP, la Chine, le Maroc et l'Afrique du Sud ont été responsables de l'essentiel des ajouts de capacité au cours des cinq dernières années, et maintenant avec les Emirats Arabes Unis. Pour atteindre une production d'électricité nette zéro de 204 TWh à partir du CSP en 2030, l'agence pointe qu'une croissance annuelle moyenne de la production de 31% est nécessaire de 2020 à 2030. Rappelons que le solaire CSP, s'il est plus cher que le solaire photovoltaïque, permet de stocker de l'énergie et de fonctionner même après le coucher du soleil. Quant aux barrages, aux bio-énergies ou à la géothermie, pourtant indispensables, leur expansion ne représente que 11% de la croissance des renouvelables d'ici 2026 d'après l'Agence. Attention, ses chiffres restent cependant insuffisants pour mettre la planète sur la voie de la neutralité carbone. Pour garder le réchauffement sous 1,5°C par rapport à la période pré-industrielle, il faudrait que le rythme de capacités renouvelables nouvelles installées d'ici 2026 double par rapport aux prévisions de l'AIE, et que la croissance de la demande dans les biocarburants soit quatre fois supérieure. Les énergies renouvelables sont une composante majeure de la stratégie énergétique du Maroc qui dispose d'un potentiel important de ces énergies dont l'exploitation permettra de couvrir une part substantielle de ses besoins croissants en se substituant aux énergies fossiles et la stratégie du Maroc ambitionne de porter la part des énergies renouvelables dans la puissance électrique installée à plus de 52% en 2030. Selon ce rapport, la capacité mondiale de production d'énergies renouvelables s'élevait à 3.064 gigawatts (GW), soit une augmentation de la capacité de ces énergies de 9,1%. - Quelle a été la situation du Maroc sur la période concernée ? - Les 9,1% font référence à l'augmentation de l'installation de la capacité mondiale GW entre 2020 et 2021. Selon le rapport, le Maroc serait à 33% de capacité électrique installée en énergie renouvelable en 2021. Les chiffres du ministère indiquent NT 37% (3950 MW, dont 1770 MW hydraulique, 1430 MW éolien et 750 MW solaire). - Par rapport aux autres pays maghrébins, quelle est la place du royaume ? - Selon l'IRENA, le Maroc occupe la première place au Maghreb en termes de capacité installée en énergie renouvelable avec 3 950MW connecté au réseau. Il faudrait d'ailleurs ajouter au moins les 700 MW décentralisés. L'Egypte détient la pole position de la région nord-africaine avec 6 226 MW. Notre pays a pour objectif d'atteindre 52% de la capacité électrique installée à partir de sources renouvelables. Nous avons tout intérêt à accélérer ce rythme, lorsqu'on voit le coût aujourd'hui des énergies fossiles et des problématiques d'approvisionnement. N'oublions pas que les énergies renouvelables sont des énergies nationales qui réduisent notre facture énergétique. - En termes d'efficacité énergétique, quelle est la stratégie de l'Agence pour que cela se concrétise sur le terrain ? - Le gouvernement a décidé en 2019, avec un département dédié à l'économie verte, chargé de mettre en place, dans le cadre de la stratégie nationale de développement durable, le programme d'action national de transition vers une économie verte et de veiller à sa mise en oeuvre, que l'exercice de la tutelle de l'Etat sur l'AMEE soit désormais le ministre chargé de l'économie verte, qui dans le nouveau gouvernement est la ministre de la transition énergétique et du développement durable. A cet effet, changer de paradigme économique et passer à une économie verte est nécessaire pour réussir le pari de la transition énergétique et de la réduction des gaz à effets de serre, responsables du réchauffement climatique. L'économie verte recèle un important potentiel en termes de création d'emplois pour la jeunesse dans notre pays et pour tout notre continent. L'économie verte a gagné en importance dans le contexte de la pandémie, où la relance doit porter sur des axes comme, l'accès à l'énergie renouvelable, la mobilité durable, la décarbonation de l'industrie et, bien entendu, l'efficacité énergétique. (Lire l'article ici) Wolondouka SIDIBE Bon à savoir
Le rapport Renewable Capacity Statistics 2022 de l'IRENA montre que le solaire et l'éolien ont continué à dominer les nouvelles capacités de production en 2021, bien que l'énergie hydroélectrique ait représenté la plus grande part de la capacité de production renouvelable totale dans le monde avec 1.230 GW, Ensemble, ces deux technologies ont contribué pour 88% à la part de toutes les nouvelles capacités renouvelables en 2021. La capacité solaire est en tête avec une augmentation de 19%, suivie par l'énergie éolienne, qui a renforcé sa capacité de production de 13%, selon l'agence. Pour atteindre les objectifs climatiques, les énergies renouvelables doivent croître à un rythme plus rapide que la demande énergétique. Dans le classement, l'Europe et l'Amérique du Nord, les Etats-Unis d'Amérique en tête, occupent respectivement la deuxième et la troisième place, avec un ajout de 39 GW pour la première et 38 GW pour la seconde. La capacité d'énergie renouvelable a augmenté de 3,9% en Afrique et de 3,3% en Amérique centrale et dans les Caraïbes.