A l'instar de plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, le Maroc découvre d'importantes réserves du précieux or noir au large du littoral atlantique. Des découvertes qui interpellent sur les capacités de stockage et de raffinage, au moment où le fonctionnement de la SAMIR est toujours au point mort. La conjoncture est favorable. Le prix élevé du baril de pétrole - qui tutoie les sommets, dépassant le cap des 100 USD - constitue une bouffée d'oxygène pour les économies des pays producteurs. En Afrique de l'Ouest, l'exploration de nouvelles réserves est vécue comme un signe d'espoir pour des pays émergents. Au Maroc, tout comme au Sénégal et en Mauritanie, le naphte porte de nouveaux espoirs et les perspectives de développement d'une industrie pétrolière sont prometteuses. Dernier exemple en date, le volume important de ressources récupérables identifié au large d'Agadir. En août dernier, les travaux géologiques et d'interprétation des données disponibles, menés par la société d'exploration de pétrole et de gaz, Europa Oil&Gas, au sein de l'offshore d'Inezgane, ont permis d'identifier plusieurs prospects dont les ressources potentielles sont estimées par la compagnie à 2 milliards de barils. Le 13 avril 2022, l'entreprise britannique a publié ses résultats intermédiaires du processus d'exploration pour la période de six mois se terminant le 31 janvier 2022. «Une évaluation récente a identifié un volume important de ressources récupérables sans risque, dépassant 1 milliard de barils (équivalent pétrole), dans les cinq principaux prospects classés uniquement», lit-on sur le document. Soit l'équivalent de cent-sept milliards de dollars (USD) de richesse pétrolière (estimation sur 107 USD, le cours du baril de pétrole), ce qui représente presque le PIB du Maroc, qui en 2020 était de 112,9 milliards USD. Europa Oil&Gas note ainsi que le Maroc offre une opportunité d'investissement très attractive avec d'excellentes conditions fiscales. Toutefois, ce genre d'annonces, aux motivations aussi variables que nébuleuses, doit être pris avec des pincettes. Partageant ce même avis, Fouad Douiri, ancien ministre de l'Energie, nous indique que «les découvertes annoncées ne veulent donc pas dire que nous avons trouvé du pétrole». « Sur ce permis, il n'y a pas encore eu de forage, donc pour l'instant les évaluations sont basées sur des données géologiques », poursuit-il, ajoutant qu'«il faut donc attendre la fin du processus d'exploration pour avoir une vision précise sur les potentialités». Néanmoins, les pétroliers opérant dans le Royaume affichent un grand degré d'optimisme, puisque le Maroc «est sur la même ligne géologique que les récentes découvertes en Afrique de l'Ouest ces dernières années», comme l'a bien commenté Simon Oddie, PDG de la compagnie Europa Oil&Gas. C'est dans cette perspective que le Maroc et ses partenaires prévoient la cartographie de 1150 km et 650 km2 de sismique 2D et 3D et le forage de 27 puits, dont 4 en mer entre la période de 2022 et 2024. Stockage, équation à résoudre ! Avec ces récentes découvertes et vu le programme prévisionnel des travaux d'exploration de l'Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM), la question du stockage et du raffinage du pétrole revient sur table. «En général, quand un pays est producteur, il pompe en fonction d'un planning de production selon les besoins de consommation ou d'export», explique Fouad Douiri, notant qu'il faut, cependant, avoir un stock de sécurité de produits raffinés pour éviter les changements brusques des cours internationaux. Les pétroliers devraient en principes avoir des dépôts suffisants pour éviter les chocs conjoncturels, sachant que le seuil légal imposé par la loi est de 60 jours de consommation pour chacun des produits pétroliers, or, le respect de cette règle au Maroc fait défaut. Chose qui a été fortement ressentie après le déclenchement de la guerre russo-ukrainienne, où le marché national s'est retrouvé avec à peine un mois de stock de sécurité. Cela dit, les capacités de stockage des produits pétroliers actuellement au Maroc dépassent de peu les 1,3 million de tonnes, dont 93% sont liés aux ports. Lors de son passage, le 13 avril, à la Commission des infrastructures, de l'énergie, des mines et de l'environnement à la Chambre des Représentants, Leila Benali a indiqué qu'une enveloppe de 761 millions de dirhams a été débloquée pour hausser les capacités de stockage, au niveau de Jorf Lasfar, Mohammedia, Laâyoune et Sidi Othmane. Un autre investissement de 2 milliards de dirhams est prévu à l'horizon 2023 pour augmenter la capacité de 550.000 tonnes. Quid des dépôts de la SAMIR ? Pour résoudre la très compliquée équation du stockage, plusieurs analystes mettent sur table la remise en marche de la SAMIR, qui fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire depuis 2016, synonyme d'une perte d'argent colossale pour le pays. « La non utilisation des infrastructures de la SAMIR interpelle à plusieurs titres. On aurait pu utiliser les bacs de la SAMIR ne serait-ce que pour stocker du produit raffiné», selon Fouad Douiri, qui déplore la manière dont le dossier de la raffinerie a été géré. Pour sa part, le gouvernement semble pris entre le marteau et l'enclume, d'un côté, les besoins de stockage du Royaume sont urgents, d'un autre côté, le tribunal de Commerce de Casablanca peine à trouver un acheteur valable, malgré le recours à une Banque d'affaires. D'ailleurs, le Chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, l'a bien affirmé, lundi, face aux députés : «Nous aurions aimé voir quelqu'un reprendre la raffinerie. Le litige est actuellement devant les tribunaux nationaux et internationaux». L'Exécutif réfléchit à une formule pour gérer ce dossier sur le plan technique et économique même si l'affaire est dévolue à la justice internationale, car le manque à gagner est énorme, surtout avec le volume des ressources pétrolières en perspective. La ministre de la Transition énergétique et du Développement durable a déclaré en Commission que son département veut traiter l'avenir de la raffinerie en prenant en considération l'ensemble de l'industrie de raffinage à l'échelon mondial. C'est dire que tout investissement futur qui fera redémarrer l'activité de la raffinerie, qu'il soit public ou privé, doit être préparé rigoureusement et avec assez de recul, pour ne pas reproduire les causes qui ont mené à la faillite de la SAMIR. Il va sans dire qu'une éventuelle mise en marche de la SAMIR coûterait cher, vu qu'elle est au point mort depuis des années. Néanmoins, au cas où le pays disposerait d'importantes réserves du précieux or noir, la réactivation de ses installations de stockage de produits pétroliers serait de mise. Voire stratégique. Saâd JAFRI L'info...Graphie 3 questions à Fouad Douiri, ancien ministre istiqlalien de l'Energie « Les stocks de sécurité doivent relever de l'Etat et non pas du secteur privé »
- Europa Oil&Gas a identifié à Inzegane plus d'un milliard de barils récupérables sans risque. Que représente ce volume par rapport aux besoins du Maroc ? - L'ordre de grandeur des besoins du Maroc est de 10 millions de tonnes. En baril, il faudrait multiplier à peu près par sept, donc si ces réserves sont avérées, rien que ce gisement couvrirait entre 10 et 15 ans des besoins du Royaume en pétrole. Il s'agit donc d'un gisement important, mais dans les communications des sociétés pétrolières, il faut toujours être très prudent. Sur ce permis, il n'y a pas encore eu de forage, donc, pour l'instant, les évaluations sont basées sur des données géologiques. Il faut donc attendre la fin du processus d'exploration. A partir de là, on définit l'intérêt ou pas de procéder au forage et c'est à ce moment-là qu'on pourrait avoir une vision plus précise du potentiel de la présence de pétrole. D'autant qu'il faut voir si le gisement est économiquement exploitable. Les découvertes annoncées ne veulent donc pas dire que nous avons découvert du pétrole. - On entend çà et là que le ratio d'exploitation 25%/75% n'est pas un bon deal pour le Royaume. Comment évaluez-vous les dispositions de cet accord ? - Aujourd'hui, quand l'Etat marocain, à travers l'ONHYM, octroie un permis de concession, puis un permis d'exploration, la loi stipule que d'office ce dernier détient 25% du projet et le partenaire financeur prend, lui, 75%. Plus le pays est connu pour avoir des réservoirs de pétrole, plus il garde une part importante sur les réserves. Le Maroc aujourd'hui essaie d'être un pays attractif pour inciter les sociétés à venir investir, car le processus de recherche est très risqué pour les entreprises, surtout qu'on est dans une zone avec des perspectives, mais où il n'y a pas encore de pétrole prouvé de manière significative. - Le Maroc dispose-t-il d'infrastructures suffisantes pour procéder au stockage des ressources qui seraient extraites ? - En général, quand un pays est producteur, il pompe en fonction d'un planning de production selon les besoins de consommation ou d'export. Il y a bien sûr le stock de sécurité de produits raffinés à avoir de côté, mais ce n'est pas le gros de la quantité. Les pétroliers devraient en principe avoir les dépôts nécessaires pour le stockage, la réglementation l'impose, toutefois, les infrastructures restent en deçà des attentes. Maintenant, plusieurs opérateurs renforcent leurs infrastructures, donc nous pouvons estimer qu'à moyen terme la situation va s'améliorer, mais il faut souligner que, dans de nombreux pays, les stocks de sécurité relèvent de l'Etat et non pas du secteur privé. Le pétrolier va gérer les stocks selon ses intérêts financiers. Recueillis par S. J.
Exploration Vers le forage de 27 puits entre 2022 et 2024
Les partenaires de l'Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) prévoient la cartographie de 1150 km et 650 km2 de sismique 2D et 3D et le forage de 27 puits, dont 4 en mer entre la période allant de 2022 à 2024, selon le programme prévisionnel des travaux d'exploration de l'Office. SDX Energy effectuera les travaux de forage de 13 puits dans les régions terrestres au Sud de Lalla Mimouna, le Gharb occidental, Sebou et l'Ouest de Moulay Bouchta, outre la cartographie de 150 km2 de sismique 3D, alors que Bell et Forpetro effectueront le forage de deux puits à Haha. Predatorgas prévoit le forage de 3 puits et la cartographie de 200 km2 de sismique 3D, alors que Sound Energy effectuera le forage de 5 puits à Anoual, Grand Tendrara et Sid L'Moukhtar, en plus de 300 km2 de sismique 3D et 500 km de sismique 2D. Dans les zones maritimes, Chariot Oil&Gas effectuera le traitement et la cartographie de 1000 km de sismique 2D à Rissana, alors que Hunt Oil se chargera du forage d'un puit à Mogador, Europa Oil et Gas d'un puits à Inezgane, alors que ENI et Qatar Petroleum effectueront les travaux de forage de deux puits à Tarfaya.
Gaz naturel
Bilan de deux décennies de forages
Quelque 67 puits ont été forés au Maroc au cours de la période 2000-2022, dont 40 ont révélé la présence de quantités de gaz naturel, selon la directrice générale de l'Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM), Amina Benkhadra. Jusqu'à aujourd'hui, le Maroc compte 11 sociétés opérant dans le domaine de l'exploration des hydrocarbures. Celles-ci procèdent, en vertu des accords conclus avec l'ONHYM et selon un calendrier sur plusieurs étapes, à la cartographie et l'interprétation des sismiques 2D et 3D afin d'évaluer le potentiel en hydrocarbures dans les zones où elles opèrent, puis au forage de puits d'exploration au cas où les études d'évaluation montrent des indices encourageants. La société Repsol a découvert des quantités de gaz au large des côtes de Larache et qui ont été confirmées par le puits réalisé par Chariot Oil entre fin 2021 et début 2022. L'onshore d'Essaouira produit des quantités de gaz et de condensats des couches triasiques depuis les années 80, qui s'ajoutent à la production de gaz à partir de la licence d'exploitation du gisement de Meskala. Tendrara a connu le forage de cinq puits par l'ONHYM et ses partenaires Sound Energy et Schlumberger entre 2016 et 2019. Dans la zone offshore de Tarfaya-Agadir, il a été procédé au forage de 7 puits, dont trois en eaux peu profondes. La zone offshore de Boujdour a connu un forage réalisé en fin 2014 et début 2015, par Kosmos et Capricorn, qui a révélé la découverte de gaz et de condensats qui se sont avérés économiquement inexploitables.