Des millions d'enfants soldats sont embrigadés dans des guerres et conflits à travers le monde et l'Afrique en a son lot dans cette liste macabre. Il est urgent que les gouvernants s'engagent résolument à travers des projets de développement car le désespoir et la pauvreté sont le terrain facile, le terreau fertile pour les trafiquants d'êtres humains ou encore des terroristes. « Une seule main n'attache pas un fagot de bois », dit le proverbe africain. Autrement dit, l'union fait la force. Et est encore plus réelle dans la lutte contre l'embrigadement des enfants dans les combats. A cet effet, il est important que tous les acteurs de protection de l'enfant, qu'ils soient issus du Gouvernement, des organisations internationales et des ONG nationales ou internationales unissent leurs forces, bénéficient d'un appui financier adéquat, et coordonnent leurs actions afin de protéger efficacement les enfants du conflit armé. C'est dans ce cadre que le Centre international de recherches sur la prévention des enfants soldats, inauguré à Dakhla, trouve toute sa raison d'être. Il matérialise, d'une manière éloquente, la campagne mondiale « Des enfants, pas des soldats », lancée il y a plus d'une dizaine d'années. Un slogan qui est resté lettre morte au regard de l'ampleur qu'a prise l'embrigadement des enfants dans des conflits et des zones de guerre. Cette forte augmentation a été expliquée aisément par le ministre des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l'étranger, Nasser Bourita. Chiffres à l'appui, il souligne que la proportion d'enfants vivant dans des zones de conflit et qui risquent d'être recrutés et utilisés par des groupes armés a triplé, passant de moins de 5% en 1990 (99 millions d'enfants) à plus de 14% en 2020 (337 millions d'enfants), Et la présence d'une forte délégation africaine de haut niveau à l'inauguration du centre explique, sans doute, l'intérêt que portent les gouvernements africains à ce fléau et les inquiétudes qui l'accompagnent. D'autant plus que sur les théâtres de conflits, de guerres, devenus nombreux sur le continent, les enfants sont utilisés comme des chairs à canon. En Afrique de l'Ouest, où sévissent les groupes jihadistes et terroristes ainsi qu'en Afrique Centrale et ailleurs dans le monde, la question interpelle à plus d'un titre. Consolidation de la paix Et l'on ne peut qu'être d'accord avec M. Bourita quand il fait remarquer que « La problématique des enfants soldats n'est ni marginale, ni circonstanciée et contrairement aux idées reçues, ce phénomène n'est pas exclusif à l'Afrique et que les enfants prennent part à 75% des conflits en cours dans le monde, plus de 460 millions d'enfants vivent dans une zone de conflit en 2022 et plus de 15% des enfants-soldats sont des filles ». Ce Centre est aussi l'expression du Maroc pour soutenir la paix et la sécurité sur le continent et dans le reste du monde. En effet, le Royaume est, effectivement, un acteur majeur du maintien et de la consolidation de la paix. A ce sujet, révèle le diplomate marocaine, le Maroc participe depuis 1960 aux missions de maintien de la paix, sur tous les continents, d'autant plus qu'il est classé parmi les 11 premiers pays contributeurs en casques bleus dans le monde, avec 1702 casques bleus déployés en Afrique (MINUSCA, MONUSCO et UNMISS). D'ailleurs, le président directeur général dudit Centre, Abdelkader Filali, a déjà affiché les ambitions de son institution. Celle-ci focalisera ses missions autour des études, des recherches et des consultations portant sur la prévention et l'exploitation des enfants dans les zones de conflit. Un autre professeur à l'Université d'Ottawa (Canada) précisera que ce Centre sera doté de mécanismes de plaidoyer international auprès des organisations des Nations Unies dans différents forums, et ce, en collaboration avec la société civile dans le monde et les instances civiles oeuvrant dans ce domaine. Recherches académiques En effet, pour faire face à la vulnérabilité des enfants exploités et utilisés dans les conflits armés, le Centre s'associe aux agences des Nations Unies, aux organisations internationales et régionales, aux réseaux internationaux et à la société civile pour développer un programme commun de recherches. Grâce aux recherches académiques, aux partenariats et aux collaborations, le Centre développe et déploie des stratégies pour faire face à toutes les formes d'embrigadement des enfants et se lance dans une évaluation et un recensement d'enfants-soldats non référencés, tout en proposant des solutions innovantes pour lutter contre leur exploitation dans les conflits armés. Car pour éradiquer ce phénomène, il faut le connaître. Tout récemment, en janvier 2022, le groupe extrémiste violent Etat islamique en Afrique de l'Ouest (ISWAP) a publié une vidéo montrant de jeunes garçons en train de suivre un entraînement intensif au combat. À la fin de la vidéo, on voit des enfants exécuter des soldats capturés lors d'affrontements. L'un des instructeurs explique que les garçons vont bientôt recevoir leur diplôme et sont prêts à être déployés.Une scène qui a choqué le monde entier. En RDC, on assiste à de pareilles scènes. Il en est de même au Mali, au Burkina Faso, au Tchad, au Niger, au Cameroun. Bref, partout où il y a conflits et extrémistes armés. Pour Dhoihir Dhoulkamal, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de l'Union des Comores, chargé de la Diaspora et de la Francophonie, la mise en place de ce centre ne peut être que salutaire. Il est important, in fine, que les gouvernants s'engagent résolument à travers des projets de développement pour venir à bout du phénomène des enfants-soldats. Car le désespoir et la pauvreté sont le terrain facile, le terreau fertile pour les trafiquants d'êtres humains ou encore des terroristes. Wolondouka SIDIBE Bon à savoir
Des gestes timides qui méritent d'être réédités. C'est le cas de la campagne mondiale « Des enfants, pas des soldats ». Car elle a permis la mise en place de la liste des parties à des conflits qui recrutent et utilisent des enfants dans les annexes du rapport annuel du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés. Il y a dix ans, le Conseil de sécurité a demandé à toutes ces parties de travailler avec l'Organisation des Nations Unies et de préparer des plans d'action assortis d'échéances pour faire cesser et prévenir le recrutement et l'utilisation d'enfants. Grâce à ce mécanisme, le Conseil a permis aux gouvernements d'affirmer leur engagement à ce que les enfants ne fassent pas partie de leurs forces de sécurité et de recevoir l'aide nécessaire pour transformer cet engagement en réalité. Cependant, force est de constater que la campagne n'a pas produit l'effet escompté. D'où il faut redoubler d'effort à l'instar de ce Centre de Dakhla.