L'invasion de l'Ukraine, grenier à blé de la Mer Noire, impacte lourdement le marché mondial de cette denrée, en premier lieu les principaux pays importateurs, dont le Maroc. Comment se répercute cette guerre dans notre pays où le pain est un aliment de base ? La Russie et l'Ukraine fournissent ensemble plus d'un quart du blé mondial, et les perturbations à venir pourraient alimenter une hausse des prix des denrées alimentaires et des troubles sociaux. C'est ce qui ressort d'un rapport intitulé « Les conséquences de l'invasion de l'Ukraine, par la Russie, pour l'approvisionnement de l'Afrique en blé », publié le 29 mars par le Policy Center for the New South (PCNS). L'invasion russe de l'Ukraine menace de couper certaines expéditions internationales de blé, provoquant des pénuries et faisant grimper le prix d'une culture vitale alors que les perturbations de la chaîne d'approvisionnement ont déjà fait monter en flèche les prix des denrées alimentaires. Le Maroc n'est pas isolé de ces événements qui affectent déjà ses importations en blé. Approvisionnement et prix : crise à double volet Le rapport distingue 16 pays africains, regroupant 374 millions d'habitants, soit près de 40% de la population africaine, directement dépendants du blé russe et ukrainien, et ceux qui ont su diversifier leurs approvisionnements, mais qui vont tout de même être très impactés par les conséquences de cette guerre, comme l'Algérie, le Maroc et le Nigeria.Trois pays qui, concernant leurs importations de blé, sont respectivement aux deuxième, troisième et quatrième rangs africains. Ils importent plus de 17 Ms de tonnes de blé, majoritairement ni russe ni ukrainien. « Quelle que soit la source d'approvisionnement, tous les pays vont devoir faire face, à court terme, aux conséquences de cette crise, pour garantir leur approvisionnement en blé et assumer des records du prix du blé, amplifiant une hausse déjà amorcée avant la guerre en Ukraine », prévient le think tank marocain. En effet, les prix des denrées alimentaires ont déjà augmenté à l'échelle mondiale en raison des perturbations des transports liées à la pandémie, de la hausse des coûts pour les agriculteurs et des conditions météorologiques défavorables, et le blé ne fait pas exception. Entre avril 2020 et décembre 2021, le prix du blé a augmenté de 80%, selon les données du Fonds monétaire international. Le marché du blé est soumis à l'offre et à la demande. Lorsque l'offre se trouve amputée de 30%, sous l'effet de la guerre en Ukraine, alors que la demande ne diminue pas, la hausse répond donc à une logique de marché, faisant grimper les prix. Paralysant les grands ports de la Mer d'Azov et de la Mer Noire, ce conflit déséquilibre gravement les échanges mondiaux, explique le PCNS, qualifiant la situation de « crise à double volet : l'approvisionnement et le prix ». La diversité des fournisseurs sécurise l'approvisionnement marocain Troisième importateur de blé du continent, le Maroc produit du blé en quantité variable, selon les conditions climatiques. Ainsi, en 2021, de bonnes conditions climatiques ont permis de réduire les importations de blé de 0,7 Mt, passant sous la barre des 5 Mt, estimées à 4,5 Mt. Les marchés en constante évolution obligent les pays à s'adapter pour sécuriser l'approvisionnement et assurer la stabilité des chaînes de valeurs. La particularité des importations marocaines face à ce conflit, c'est la diversité des fournisseurs. Ainsi, on y trouve l'Ukraine (25%), la Russie (11%), la France (40%) et le Canada pour la quasi-totalité de l'importation du blé dur. Permettant de diversifier les sources d'approvisionnement et de favoriser des relations diplomatiques plus durables avec les pays fournisseurs, ce dispositif de diversité des fournisseurs contribue à réduire les risques relatifs aux perturbations des chaînes d'approvisionnement. Rappelant que durant la campagne 2010-2011, les importations de blé américain représentaient 90% de l'ensemble de la filière, le Policy Center s'est félicité du chemin parcouru par le Maroc en matière de diversification des approvisionnements en blé, notant qu'aujourd'hui, sur les 5,5 Mt importées, 1 Mt provient de l'UE, 0,8Mt de la Russie, 0,7Mt du Canada et seulement 0,6Mt des Etats-Unis. Souveraineté alimentaire : un enjeu capital en temps de crise La conjoncture actuelle a, sans doute, mis en évidence la nécessité de toujours diversifier ses sources d'approvisionnement et d'oeuvrer pour conserver la souveraineté nationale dans des domaines aussi sensibles que l'alimentaire. Le développement de l'agriculture est une condition de la souveraineté alimentaire. Il nécessite le développement d'une politique agricole robuste et efficace adaptée aux spécificités du pays. Pour ce faire, les politiques agricoles devraient cesser d'être l'apanage des entreprises privées, des sociétés transnationales ou des institutions internationales, et devenir l'apanage de la population et de l'Etat. Conscient que la question des stocks stratégiques est un levier du système global de sécurité alimentaire, le Maroc place la souveraineté alimentaire au coeur de la stratégie agricole, a affirmé récemment le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohammed Sadiki. « Diversifier ses approvisionnements, c'est ce qu'ont su faire le Maroc et le Nigeria, par exemple. C'est malheureusement ce que n'a pas su faire l'Egypte. Quelle que soit la qualité des alliances au moment où on confie à d'autres pays sa souveraineté alimentaire, ne jamais oublier qu'elles peuvent évoluer, se détériorer », fait valoir le document du PCNS, notant que la souveraineté alimentaire nécessite une agriculture privilégiant d'abord les cultures vivrières, le blé en est une, lorsqu'on a la chance de pouvoir le faire. « C'est ce que n'a pas fait l'Algérie, qui fut à un moment de son Histoire le grenier à blé de l'Europe ». Kawtar CHAAT Les pluies récentes auront un impact « immédiat » sur l'agriculture marocaine
Mars a été le mois le plus pluvieux par rapport à n'importe quelle autre période en 2021 et la moyenne des 30 dernières années, a déclaré le ministre de l'Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts, Mohamed Sadiki, soulignant que l'impact de ces averses est « immédiat » sur les cultures qui n'ont pas été totalement détruites. « On est pratiquement sur un million d'hectares de céréales qui peut connaître un rattrapage extrêmement important », relève le ministre dans une déclaration à la presse en marge d'une réunion sur le programme des cultures de printemps dans le cadre de la campagne agricole actuelle. Ainsi, l'impact des précipitations permettra de réduire la pression sur le bétail et les éleveurs, et d'améliorer la production de viande et de produits laitiers.