Sahel, Libye, Energie, ZECLAF, Sahara..., voilà en substance quelques sujets à l'ordre du jour de la rencontre entre Nasser Bourita et Antony Blinken à Rabat. Ce dernier devrait également s'entretenir avec le Chef du gouvernement, avant de tenir une réunion avec le prince héritier d'Abu Dhabi. Après avoir participé au Sommet du Neguev en Israël, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a atterri le 28 mars à Rabat, après un crochet par la Cisjordanie. Selon le Département d'Etat, cette visite qui vient quelques semaines après celle de son adjointe Wendy Sherman, sera rythmée par des réunions avec le Chef du gouvernement Aziz Akhannouch et son homologue Nasser Bourita en plus d'autres hauts fonctionnaires du gouvernement, « pour échanger sur les problématiques régionales et la coopération bilatérale ». Malgré les évolutions géopolitiques, le business a également figuré à l'ordre du jour de cette rencontre. Les deux chefs de la diplomatie ont annoncé un renforcement de la coopération bilatérale via des programmes de développement et de soutien économique américain au Maroc. Le Royaume devrait avoir vocation à servir de point d'entrée des investisseurs US dans la ZECLAF. C'est à cet effet qu'un Sommet d'affaires qui devrait se tenir à Casablanca a été annoncé. Libye et Sahel Cette visite devrait s'inscrire dans la continuité du Dialogue stratégique Maroc-USA qui s'est tenu le 9 mars à Rabat, où les deux partenaires se sont engagés à maintenir et renforcer leur coopération en matière de contre-terrorisme. « Nous saluons le Maroc comme un partenaire de choix en termes de coopération sécuritaire, pour son leadership au niveau du Global Counterterrorism Forum et son rôle de premier plan dans la Coalition contre ISIS, notamment en co-présidant le Focus Group africain de la coalition et en abritant la prochaine réunion interministérielle de la coalition en mai », a signifié le Département d'Etat. Les réunions programmées durant cette visite devraient porter sur les dossiers libyen, ukrainien et sahélien. Au niveau libyen, la diplomatie marocaine reste l'un des principaux médiateurs et a déjà abrité plusieurs rounds de négociations entre les gouvernements de Tripoli et de Benghazi. Depuis l'échec de l'offensive des troupes du Maréchal Haftar et de ses alliés sur la capitale libyenne, la situation sur le terrain s'est enlisée et le rapport de force s'est équilibré, rendant difficile une rupture du statu quo par la voie des armes. Une évolution qui devrait favoriser la voie des négociations, scénario où le Royaume à un rôle de premier plan à jouer. « Les Etats-Unis saluent les efforts du Maroc pour épauler le chantier des Nations Unies dans le redémarrage du processus politique en Libye, en abritant le dialogue inter-libyen. Nous sommes unis dans notre engagement pour la souveraineté, l'indépendance et l'intégration ou encore l'unité nationale de l'ensemble des Etats membres des Nations Unies », a précisé le Département d'Etat. Du côté du Sahel, le Maroc fait partie des principaux partenaires économiques des pays de la région. La bande sahélo-saharienne vient de connaitre une nouvelle évolution suite au retrait du dispositif Barkhane du territoire malien et son redéploiement (de manière réduite) dans des pays limitrophes à l'image du Niger et du Burkina Faso. Un retrait qui fait craindre une recrudescence des activités des groupes terroristes. Pour l'heure, le gouvernement de transition malien en crise ouverte avec le gouvernement français peut compter sur les casques bleus de la MINUSMA et les éléments de la SMP russe Wagner, pour épauler ses forces de sécurité. Pour les Etats-Unis, qui disposent également d'une base au Niger, la crise ouverte entre Bamako et Paris ne peut que susciter l'inquiétude sur les efforts de stabilisation de la zone qui peinent à donner des résultats vu l'immensité du territoire à couvrir. Le Royaume a ainsi toutes les cartes en main pour jouer le rôle de médiateur, notamment au Mali où le gouvernement central voit toujours d'un mauvais œil le contrôle du Nord par les milices Touaregs. La mise en œuvre d'une solution politique entre les « composantes maliennes » de la crise permettrait de constituer un front uni contre les organisations terroristes tel l'Etat islamique. Energie et gazoducs L'énergie devrait également faire partie des sujets abordés lors de cette visite. Washington tente, rappelons-le, de mettre en place un embargo généralisé sur les produits énergétiques russes. Pour y arriver, les Etats-Unis se doivent de proposer une alternative aux membres de l'Union Européenne qui importent de Russie 40% de leurs besoins en gaz et pétrole. C'est dans cette optique que la presse espagnole a évoqué une possible réouverture du Gazoduc Maghreb Europe, en pointant l'agenda de Blinken qui est attendu à Alger après son escale au Royaume. En cas de prolongement du conflit en Ukraine, le démarrage du gazoduc Maroc-Nigeria pourrait également avoir un rôle à jouer en complément des exportations algériennes et des importations de gaz de schistes américano-canadiennes. Une éventualité que le gouvernement fédéral nigérian étudie sérieusement, en témoigne la récente sortie de Timipre Sylva, ministre d'Etat chargé des Ressources pétrolières qui a annoncé lors d'une réunion avec des diplomates européens vouloir positionner le Nigéria en tant que fournisseur alternatif de gaz pour l'UE. « Nous aimerions être des partenaires fiables pour résoudre le problème de l'énergie en Europe et nous ne pouvons y parvenir qu'en travaillant ensemble. Ce n'est que lorsque les investissements dans ces secteurs seront accrus que le Nigeria pourra remplir cette obligation », a précisé Sylva. Abuja qui pour l'heure exporte 90% de son gaz vers le marché chinois, semble vouloir profiter de la situation géopolitique et diversifier ses acheteurs, en ressuscitant le projet du gazoduc Transsaharien qui transite par le Niger et l'Algérie. Reste à savoir si le Nigéria compte mettre en place les deux tracés ou finira par opter pour l'un des deux projets. Amine ATER Repères Sahara Marocain Les Etats-Unis ont réitéré leur appui au plan d'autonomie, qu'ils continuent de considérer comme « sérieux, crédible et réaliste ». La rencontre entre Nasser Bourita et Antony Blinken a été l'occasion de réitérer les engagements pris sur la question dans le cadre des accords d'Abraham. « La déclaration tripartite a prévu également le renforcement des relations maroco-américaines, nous avons la conviction que les parties signataires tiennent leurs engagements, l'essentiel est que les Etats-Unis soutiennent constamment l'initiative d'autonomie », a souligné Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères à la suite de sa réunion avec son homologue américain.
African Lion Cette visite a été l'occasion pour le chef de la diplomatie américaine de rappeler l'importance de la coopération militaire entre le Maroc et les USA. Un rapprochement qui se matérialise par l'exercice militaire, African Lion, qui constitue les manœuvres les plus importantes de l'US Army au niveau africain. La prochaine édition représente un élément clé du partenariat sécuritaire entre Rabat et Washington en plus de renforcer l'interopérabilité des Forces Armées Royales avec les armées de l'OTAN.
Blinken-MBZ Le N°1 de la diplomatie américaine profitera également de son escale au Royaume pour se réunir avec Mohammed bin Zayed Al Nahyan, prince héritier d'Abu Dhabi. Une rencontre qui sera consacrée notamment aux risques sécuritaires au Moyen Orient. Les EAU, comme l'Arabie Saoudite, ont, pour rappel, dû faire face à des attaques de drones et des tirs de missiles Houtis. La position des Emirats sur le conflit ukrainien devrait également être à l'ordre du jour de cette rencontre.