Le Maroc s'est résolument engagé dans la décarbonation de son industrie, désormais critère fondamental pour accéder aux marchés européens. Selon Ryad Mezzour, ministre de l'Industrie et du Commerce, cette initiative représente un avantage majeur permettant à l'industrie marocaine de gagner en compétitivité. L'engagement des acteurs économiques marocains dans la transition bas-carbone résiliente aux changements climatiques a été au centre d'une rencontre, organisée mardi à Rabat, par la Fondation Mohammed VI pour la Protection de l'Environnement. Intervenant à cette occasion, le ministre de l'Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, a indiqué que «grâce à la Vision Clairvoyante de SM le Roi Mohammed VI, la décarbonation de l'outil industriel représente un avantage majeur permettant à l'industrie marocaine de gagner en compétitivité et de concurrencer les bases industrielles les plus intégrées au monde». La décarbonation permettra non seulement de sécuriser l'accès de nos exportations aux marchés étrangers, notamment d'Europe, après la mise en place de taxes carbone, mais aussi de développer, de manière substantielle, nos parts de marché dans les pays qui ont, avec la pandémie, fait le choix de relocaliser dans des pays proches et fiables de nouvelles sources d'approvisionnement, a ajouté Mezzour. En effet, l'Union Européenne, premier partenaire commercial du Royaume, s'apprête à adopter une taxe carbone post- Covid pour relancer l'économie du vieux continent. Avec plus de 70% d'exportations destinées aux 27 de l'UE, le manque à gagner pour le Maroc est énorme. Ainsi, avec des produits respectant des normes environnementales élevées, les entreprises nationales seront plus compétitives sur le marché européen, qui sera exigeant sur le front de la durabilité des produits, d'autant que le coût de production de l'énergie renouvelable, particulièrement du solaire photovoltaïque, a fortement dégringolé. Ce dernier est aujourd'hui largement inférieur à celui de l'énergie fossile, du fait qu'on parle aujourd'hui de quelque 25 à 30% en moins, ce qui constitue un facteur significatif de compétitivité. Cela dit, la vision du ministre est largement partagée par l'Ambassadeur du Royaume-Uni au Maroc, Simon Martin, qui a mis en exergue le bilan de longue date de l'action climatique du gouvernement et de la société marocaine, ainsi que l'urgence et les avantages de se joindre à l'effort mondial pour créer un avenir résilient à faible émission de carbone. Toutefois, le meilleur moyen pour les industriels de s'y conformer et être prêts au bon moment, c'est d'accompagner la transition vers l'abandon de l'usage des combustibles fossiles en faveur des sources d'énergies et matières premières à faible émission de carbone, tout en augmentant l'efficacité énergétique et accélérer les contrats de performance énergétique. Lors d'une interview précédente à «L'Opinion», Philippe Miquel, président d'ENGIE Services Maroc, nous a déclaré qu'il faut également faciliter le développement et l'approvisionnement d'électricité à faible teneur en carbone, notamment à travers l'amendement au plus vite du décret d'application de la loi 13-09 relative aux énergies renouvelables, puisqu'il « permettra à un panel beaucoup plus large d'industriels d'accéder aux énergies renouvelables ». Par ailleurs, la décarbonation de l'industrie implique également le développement d'une industrie du gaz vert (H2, méthanol, ammoniac, etc.) et la consolidation des capacités de capture et de valorisation du CO2. Le Maroc se distinguera lors de la COP26 Pour sa part, la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, qui a également assisté à la rencontre organisée en partenariat avec la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) et l'Ambassade du Royaume-Uni au Maroc, représentant la Présidence de la COP26, a souligné que la stratégie bas-carbone, développée récemment, apportera plusieurs opportunités pour le Maroc dans le contexte de relance post-Covid notamment, en termes de développement des énergies durables. Elle a noté que le Maroc sera présent à la COP26 avec une importante délégation composée de représentants des secteurs public et privé, des organismes de recherche et d'organisations non-gouvernementales, pour consolider le leadership du Royaume, sous la conduite éclairée de SM le Roi, en vue de faire valoir le modèle marocain en matière de transition énergétique et écologique, continuer à promouvoir les initiatives marocaines entreprises depuis la COP22, et attirer de nouveaux investissements étrangers. Outre l'aspect économique, le Maroc présente, aujourd'hui, des vulnérabilités climatiques importantes qui s'expliquent par sa position géographique, sa structure topographique et la nature de son couvert végétal. Les changements dans les régimes de précipitations et la sécheresse, l'augmentation des températures moyennes et les vagues de chaleur, les inondations et l'élévation du niveau de la mer qui affectent de plus en plus les régions, témoignent des conséquences du changement climatique sur le Royaume, ce qui rend le chantier de la décarbonation industrielle une urgence pour l'actuel gouvernement. Souhail AMRABI 3 questions à Hassan Sentissi El Idrissi
« La décarbonation, une opportunité pour les industriels »
Président de l'Association marocaine des exportateurs (ASMEX) et doyen de la CGEM, Hassan Sentissi El Idrissi explique son point de vue sur l'enjeu de décarbonation de l'économie nationale.
- Comment vous préparez-vous pour vous conformer aux nouveaux standards européens en matière de décarbonation? - Pour se conformer aux nouveaux standards européens, il est nécessaire et urgent de doter nos entreprises d'énergies propres. Le plan de relance de l'industrie marocaine devrait placer la décarbonation du tissu productif en priorité à la lumière de ce qui se passe dans d'autres contrées, à l'instar de l'Europe. Dans ce sens, l'ASMEX sensibilise et accompagne les entreprises exportatrices marocaines à se doter de dispositifs de génération d'énergies propres. - Quels sont les obstacles qui se dressent devant les entreprises dans ce processus ? - L'obstacle majeur qui s'oppose particulièrement pour les PME est le financement. Dans ce sens, nous avons scellé des partenariats visant à apporter des solutions technologiques et des financements pour cette catégorie d'opérateurs. L'ASMEX est en contact avec des organismes financiers internationaux dans le but d'accompagner les entreprises marocaines dans cette transition stratégique pour le développement du tissu industriel national. - Comment peut-on envisager cette nouvelle contrainte comme une opportunité ? - La décarbonation est considérée à notre niveau comme une opportunité ainsi qu'un axe de différenciation par rapport à d'autres offres concurrentielles existantes. Elle permettra de réduire sensiblement la facture énergétique qui pénalise le processus de production au niveau des PME et renforcer ainsi leur compétitivité sur les marchés internationaux.