Samedi 28 Août, le gouvernement Trudeau a décidé de suspendre pour une période de 30 jours tous les vols directs en provenance du Maroc. Une décision qui est tombée comme un couperet, provoquant l'indignation des milliers de ressortissants marocains et canadiens qui se sont retrouvés bloqués au Maroc. Détails. « Une augmentation du nombre de résultats positifs à des tests de dépistage de la Covid-19 a été observée chez les voyageurs arrivant au Canada en provenance du Maroc au cours du dernier mois », avait indiqué le ministère des Transports du gouvernement fédéral canadien dans un communiqué publié samedi. Les vols de passagers commerciaux et privés sont visés par la nouvelle mesure mais pas le transport de fret, les transferts médicaux et les vols militaires. Même dans le cas d'un vol triangulaire et d'un itinéraire indirect, un test PCR négatif est exigé : « Durant cette période, les passagers qui se rendent au Canada depuis le Maroc par un itinéraire indirect devront obtenir le résultat négatif d'un test moléculaire pour la Covid-19 dans un pays tiers, et ce, avant de poursuivre leur voyage vers le Canada », précise-t-on dans le communiqué. Par conséquent, plus de 11.000 ressortissants canadiens se sont retrouvés coincés dans le Royaume, ce qui a suscité une vague d'indignation des personnes concernées. Une situation compliquée Une avocate montréalaise coincée au Maroc après l'interdiction de vols directs vers le Canada considère que le gouvernement canadien a laissé tomber ses ressortissants sans préavis. « C'était la panique, la panique totale», précise Me Nawal Benrouayene, lors d'une entrevue avec « Le Québec Matin ». «J'ai trois enfants, dont un de 2 ans. Je dois rentrer, mes enfants ont la rentrée scolaire, moi j'ai du travail. Qu'est-ce que je fais?», a-t-elle ajouté. Me Nawal Benrouayene a contacté l'ambassade du Canada au Maroc qui lui a suggéré de trouver un vol indirect, avec escale. «Ça coûte 3000$ par personne. On est quatre personnes, ça coûte 12.000$», a déploré Me Benrouayene. Afin de rentrer à la maison à temps pour la rentrée, Mme Benrouayene a dû prendre un vol vers Istanbul, où elle devait se procurer un visa afin d'aller passer des tests PCR pour poursuivre son voyage vers le Canada. Elle a dû ensuite prendre une correspondance à Londres, avant de revenir à Montréal. «On se sent abandonnés par notre propre gouvernement », a-t-elle dit. Par ailleurs, sur le groupe Facebook des Marocains au Canada, les réactions sont vives : « Les billets sont trop chers. Par exemple, la RAM propose des billets pour partir jusqu'en France, mais à partir de là, je dois payer plus de 1300$ sans bagages », « Je suis coincée au Maroc avec mes deux garçons, ils ont bientôt la rentrée ». Pour certains, le ton est monté d'un cran et préfèrent lancer un appel direct à l'ambassadeure, Nell Stewart, «Cette décision est fondée sur la découverte des autorités canadiennes de quelques cas de fraudes au test PCR provenant du Maroc. Néanmoins, je ne suis pas le seul ressortissant canadien à la juger trop hâtive. Avec tout le respect que je vous dois, je trouve même qu'elle va contre le bon sens», indique l'un des appels adressés à l'ambassadeure par le journaliste et écrivain canadien d'origine marocaine, Mohamed Lotfi. Tandis que d'autres, pour protester contre la décision du gouvernement canadien, ils ont organisé un sit-in, en ce début du mois devant l'Ambassade du Canada à Rabat.
Une rentrée scolaire encore plus délicate... Depuis la suspension des vols vers le Canada, des élèves québécois toujours coincés avec leurs parents au Maroc sont en train de rater leur rentrée scolaire et déplorent le fait de ne pas avoir accès à des cours à distance. « Si je manque un mois d'école, c'est sûr que je vais redoubler », s'inquiète Reda Nail, un élève de 3ème secondaire au programme de Formation préparatoire au travail à l'école secondaire de l'Île à Gatineau. Ses propos reflètent la situation de plusieurs élèves encore pris avec leurs familles au Maroc, selon des témoignages recueillis par « Le Journal de Montréal ». « Ils ont déjà commencé des examens et des devoirs », fait savoir Rabii Rita, une élève qui devait commencer sa première année de secondaire à Montréal et qui aurait aimé avoir accès à des cours à distance. « L'école ne m'envoie rien ». Si des cours à distance sont déployés pour les élèves ayant une exemption médicale, ils ne couvrent pas une situation telle que celle vécue par les Québécois au Maroc, précise le ministère de l'Education. Contactée par nos soins pour plus de renseignements, l'ambassade du Canada à Rabat nous a renvoyé vers son site officiel qui reprend les mêmes éléments de langage des autorités canadiennes, sans pour autant donner aucune indication sur l'état d'évolution du dossier : « Le Canada continue de surveiller de près la situation et travaillera en étroite collaboration avec le gouvernement du Maroc et les exploitants aériens pour veiller à ce que des procédures appropriées soient mises en place afin de permettre une reprise sécuritaire des vols directs dès que les conditions le permettent ». Les 30 jours arrivent bientôt à échéance. La situation au Maroc est plus stable. Reste à connaître la prochaine décision des autorités canadiennes. Chaimae BARKI
L'info...Graphie Covid-19 Le Maroc toujours classé parmi les destinations les plus à risques
De l'orange au rouge, le Maroc est placé dans la troisième catégorie de la classification des gouvernements français et belge, de couleur rouge. Face à la hausse des cas de contamination au Coronavirus et à la propagation des variants, la France a actualisé ses listes le 10 septembre dernier, rapporte Air Journal. Il ressort que le Maroc demeure sur sa liste rouge des pays et territoires dans lesquels « une circulation active du virus est observée avec une présence de variants préoccupants ». À l'instar du Maroc, 24 pays le sont aussi, à savoir l'Afghanistan, l'Afrique du Sud, l'Algérie, l'Argentine, le Bangladesh, le Brésil, la Colombie, le Costa-Rica, Cuba, la Géorgie, l'Indonésie, l'Iran, les Maldives, le Mozambique, la Namibie, le Népal, Oman, Pakistan, la République Démocratique du Congo, la Russie, Seychelles, Suriname, la Tunisie et la Turquie. De leur côté, les autorités belges ont mis à jour les conditions de voyage après une longue période de facilitation. Selon les données de Sciensano, centre de recherches, et de l'Institut national de santé publique en Belgique, les voyageurs revenant du Maroc affichent les taux d'infection les plus élevés en Belgique, soit un taux de 11,7%, rapporte Belga. Cette proportion s'établit à 4,5% chez les voyageurs provenant de la Turquie, alors qu'elle est toujours inférieure à 2% pour ceux qui reviennent d'Espagne et du Portugal, indique l'institut.
C. B. Canadiens coincés au Maroc Bientôt un recours collectif contre Transports Canada ?
De milliers de ressortissants marocains et canadiens se sont retrouvés bloqués au Maroc suite à la suspension des vols directs entre les deux pays. Une décision qui leur a porté un préjudice moral et financier. Une d'entre eux, l'avocate montréalaise Nawal Benrouayene, qui s'était retrouvée coincée au Maroc avec ses trois enfants, bien qu'elle soit rentrée au Canada, la situation la traumatise encore. « Je fais encore des cauchemars que je suis dans un aéroport et que je vais manquer mon vol, et je réveille mes enfants en catastrophe », a-t-elle raconté au « Journal de Montréal ». La requérante réclame au gouvernement canadien le remboursement des frais de 4000 dollars pour les billets d'avion de retour par les pays tiers et des dommages punitifs et exemplaires, indique le journal, notant que l'avocate reproche au ministère des Transports du gouvernement fédéral canadien le délai d'application de cette mesure et non la fermeture des frontières. Ainsi, tenant compte des préjudices subis, Nawal Benrouayene a déposé un recours collectif contre Transports Canada, qui a, jusqu'à présent, accordé une période plus longue aux voyageurs pour revenir au pays, défend son avocat. Trois questions à Mohamed Saoud « La situation va certainement se débloquer rapidement, avec une meilleure communication via nos diplomates respectifs »
Membre du Comité exécutif de l'Istiqlal, chargé des Marocains du monde et des affaires d'immigration, Dr Mohamed Saoud a répondu à nos questions suite à la suspension des vols entre le Canada et le Maroc. - Après la suspension des vols entre le Canada et le Maroc, plus de 11.000 Canadiens et MRE se sont retrouvés bloqués au Maroc : quelle lecture faites-vous de la situation ? - Personnellement, je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi certaines décisions se font sur un coup de tête. Malheureusement, dans le monde de la politique, ça arrive souvent que l'on prenne des décisions d'une manière arbitraire, sans communication et surtout sans prévention préalable pour que les gens puissent se préparer justement à ce genre de décisions publiques et politiques. Normalement, la suspension des vols aurait dû être graduelle, surtout que la situation sanitaire tant au Maroc qu'au Canada s'améliore considérablement, à mon avis, la décision n'a aucune raison valable, ou du moins d'un point de vue sanitaire... - Il y a une semaine, le Canada a décidé de rouvrir ses frontières aux voyageurs vaccinés, à l'exception des Marocains et des Indiens, pourquoi, à votre avis, le Maroc est toujours « blacklisté » ? - Le Maroc, pour moi, est un modèle en matière de vaccination et s'il figure toujours sur la « liste grise », c'est sûrement dû à un problème de communication de la part de notre gouvernement. On devrait donc rassurer tous nos partenaires, notamment le Canada, que le Maroc a bien fait sa couverture vaccinale jusqu'à en devenir même un modèle en Afrique, au Moyen-Orient et dans la région MENA. - Selon vous, quelles sont les solutions pouvant remédier à la situation ? - Comme le Canada et le Maroc sont deux pays amis avec une relation exemplaire d'étroite collaboration, d'amitié profonde et de considération mutuelle à tous les niveaux, la situation va certainement se débloquer rapidement, avec une meilleure communication via nos diplomates respectifs, surtout que le Canada est un partenaire conscient et juste dans ses approches.