Madrid semble avoir réussi à européaniser son conflit avec le Maroc, avec le vote de la première Résolution hostile au Royaume du Parlement européen, depuis 1997. Le gouvernement Sanchez semble décidé à européaniser la crise entre Rabat et Madrid. Preuve en est, le parlement européen a adopté à la majorité la première Résolution hostile à l'encontre du Maroc depuis 1997. Avec 397 voix favorables, 85 contre et 196 abstentions, le Parlement européen a bel et bien pris position pour Madrid, défendue par 5 groupes parlementaires. Cette proposition porte sur la présumée «violation de la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et utilisation de mineurs par les autorités marocaines dans la crise migratoire à Sebta». 5 groupes parlementaires à la manœuvre Les eurodéputés accusent ainsi le Royaume d'avoir utilisé « la migration comme arme politique et déplore en particulier la participation d'enfants et de mineurs non accompagnés ou encore de familles dans le passage massif de la frontière entre le Maroc et la ville espagnole de Sebta, mettant en péril leurs vies ». Derrière cette Résolution, l'on ne retrouve pas moins de 5 groupes parlementaires. Il s'agit des conservateurs du PPE (dont fait partie le PP de Casado), des gauchistes du Left Group (dont fait partie Podemos), des sociaux-démocrates de S&D, des conservateurs et réformistes de l'ECR Group et des centristes du Renew Group (englobant Ciudadanos et la République En Marche). Par ailleurs, il n'est pas justifié de tendre les relations avec le Maroc qui reste un partenaire capital de l'Europe en Afrique à tous les plans : immigration, sécurité, économie...Cette relation privilégiée doit être, au contraire, approfondie et renforcée », se désole Dominique Riquet, député européen membre du Renew Groupe.
«Cette Résolution, qui intervient au moment où la situation se normalise, n'est pas de nature à apaiser la tension», Dominique Riquet, député européen membre du Renew Groupe. Les centristes ont été en pointe dans cette opération, avec une première motion de l'eurodéputé espagnol Jordi Cañas (Ciudadano), dont le parti a été, paradoxalement, très silencieux sur la question au niveau du parlement espagnol. « Nous ne pouvons permettre que le Maroc pense que c'est une forme d'exercer la diplomatie. L'Union Européenne ne peut permettre que l'usage de mineurs comme instruments de pression politique soit normalisé », a souligné Cañas lors de l'introduction de la mesure. Néocolonialisme Un recours à l'UE qui ne fait pas l'unanimité au niveau espagnol, en témoigne l'éditorial de « La Razon », signé par Francisco Marhuenda, qui assimile le recours au parlement européen à une nouvelle preuve de néocolonialisme. « Au 19ème siècle et au début du 20ème siècle, nous aurions résolu la crise avec le Maroc en envoyant un corps expéditionnaire », a souligné l'éditorialiste. Ce dernier a également pointé qu'il serait « intéressant de vérifier s'il existe un fond néocolonialiste dans nos relations avec le voisin du Sud ». Pour Marhuenda, cette décision d'européaniser la crise entre Rabat et Madrid représente une fuite en avant du gouvernement Sanchez et notamment du ministère des Affaires étrangères espagnol qu'il affuble du sobriquet « ministère des Désastres extérieurs ». Critiquant au passage « une stratégie puérile d'européaniser la crise, en se drapant derrière les mineurs », voire en fustigeant la stratégie de Madrid qui ne reposerait selon l'éditorialiste que sur de « l'impertinence et de l'arrogance » et non sur une vision stratégique des relations entre le Maroc et l'Espagne. Un projet de Résolution qui a suscité de nombreuses réactions au niveau du Royaume, à l'image de l'ex-ministre et député de l'Istiqlal, Lahcen Haddad, pour qui « ce projet de Résolution est non seulement contraire à l'esprit du partenariat stratégique de longue date entre le Maroc et l'UE, mais il pourrait être contre-productif car il risque d'aggraver les relations déjà tendues entre le Maroc et l'Espagne ». Ce membre de la Commission mixte des parlements marocoeuropéens, a également alerté « des réactions et des contreréactions qui auront des conséquences désastreuses sur la coopération en matière de migration illégale, de traite des êtres humains, de crime organisé, de terrorisme et de trafic de stupéfiants, en Méditerranée occidentale, en Afrique du Nord et au Sahel ». Paradoxalement, les eurodéputés semblent conscients des répercussions que peut entraîner l'adoption de cette Résolution. Preuve en est les quelques phrases glissées dans le texte qui appellent à préserver « la coopération historique et basée sur la confiance dans des axes majeurs comme la lutte contre le terrorisme, la traite d'êtres humains, le trafic de drogue, la migration et le commerce ». Des éléments de langage qui sont peu susceptibles de désamorcer la future crise qui s'annonce entre le Maroc et l'Union Européenne. Ce qui est sûr, c'est que ce vote représente un nouveau palier dans la crise entre Rabat et Madrid avec un nouvel acteur, à savoir le Parlement européen. Reste à savoir si la Commission Européenne suivra cette tendance ou jouera le rôle d'arbitre. Parallèlement, l'Espagne vient de recevoir de la Commission Européenne 10 millions d'euros d'aide d'urgence, pour financer ce que l'UE décrit comme « les coûts dérivés de la crise de Sebta » des 17 et 20 mai. Ce sont plus de 9 millions d'euros qui seront ainsi débloqués au profit des autorités de la ville occupée. Le reste de la subvention, soit 1 million d'euros, sera réparti entre le Secrétariat d'Etat espagnol pour la migration (800.000 euros) et le ministère de la Défense (200.000 euros).