Pour faire d'une pierre deux coups, JOOD ONG décide d'endiguer le phénomène des sans-abri en luttant contre le phénomène de la mendicité. - Depuis le 10 mars, vous avez lancé une campagne de communication pour lutter contre la mendicité des enfants à travers un court métrage et des affiches déployées dans plusieurs villes du Royaume. Quels en sont les détails ? - Le titre du court métrage produit à cet égard est intitulé «Chouk Lem7anna» (Les épines de l'affection). Nous avons jugé nécessaire de réaliser un film qui montre tout bonnement de quoi est fait le quotidien d'un enfant qui a été exploité depuis ses premières années dans la mendicité, ce qu'il subit, comment il commence les drogues au début de l'adolescence et comment il y sombre une fois adulte. L'acteur principal est Mouâd Bennis, un enfant de 13 ans bénévole au sein de l'association JOOD depuis plus de 2 ans, qui a réussi le casting. Les grandes actrices Khadija Assad et Hind Saâdidi ont été choisies pour jouer un rôle principal. Lors d'une soirée dédiée aux enfants, j'avais rencontré les deux actrices. Elles étaient toutes les deux en larmes après mon intervention et après avoir vu de près plusieurs témoignages d'enfants mendiants. A l'issue de l'événement, elles font part de leur volonté de nous aider. Je pense que Paul Eluard a dit vrai : « Il n'y a pas de hasard, il n'y a que des rendez-vous ». Par rapport aux affiches publicitaires, notre message "Pour son bien... ne lui donne rien" sera affiché sur soixante panneaux 4x3 dans neuf grandes villes du Royaume. - "Pour son bien... ne lui donne rien" est le message véhiculé par la campagne de communication et de sensibilisation que vous lancez. Est-ce la bonne formule pour endiguer le phénomène de mendicité ? - Nous estimons que la société civile est responsable de la propagation de ce fléau ! Le fait d'avoir pitié de l'enfant qui nous sollicite et de lui donner de l'argent fait de la mendicité une activité juteuse. Les professionnels de la mendicité en sont conscients et en profitent, empêchant ainsi les enfants de rejoindre l'école et les initiant à tendre la main. Ce geste à lui seul est un crime, il détruit radicalement la dignité de l'enfant. Pour information, JOOD se déploie sur le terrain depuis plus de 5 ans. Nous avons sauvé à ce jour 401 personnes de la rue, en leur assurant un logement et un emploi. Malheureusement, nous n'avons jamais réussi à convaincre un adulte mendiant, qui gagne plus de 350 dhs par jour à travers la mendicité, à travailler pour le Smig et sous les ordres d'un employeur ! - Depuis la création de votre association JOOD, vous venez en aide aux sans domicile fixe. Pourquoi avez-vous choisi de vous orienter vers les enfants mendiants ? - Le sans-abrisme est une conséquence à plusieurs sortes de problèmes, l'exploitation des enfants pour la mendicité en fait partie, un nombre important parmi eux finissent sdf, donc au lieu de gérer les conséquences, nous avons préféré attaquer l'une des raisons à la source. Recueillis par Safaa KSAANI Portrait La fée des sans-logis A Casablanca, Marrakech, Rabat, Tanger et El Jadida, Hind Laïdi sait où les SDF se rassemblent pour ensuite leur remettre des repas chauds, des couvertures, des vêtements et des médicaments. Entrepreneuse et curieuse de nature, Hind Laïdi, née en 1977, est une femme passionnée qui oeuvre pour redonner aux sans-abri leur dignité. Après un parcours de plus de dix ans en tant que Chef d'entreprise dans la communication par l'objet, au Maroc et dans d'autres pays africains, Hind Laïdi décide de donner un autre goût et sens à son projet de Vie. Initialement pensé pour être une action limitée dans le temps, JOOD ONG est née d'un élan de bienveillance à l'égard des personnes les plus fragiles, sans domicile fixe. "L'implication et la mobilisation des "Joodeurs", sensibles à la cause des sans-abri, vont créer un effet Boomerang qui va donner lieu à la création de "JOOD ONG" en septembre 2016", nous explique Hind Laïdi. En Novembre 2019, l'association caritative a lancé le premier camion douche qui permet une douche chaude, les services d'un coiffeur barbier, la consultation d'un médecin, la taille des ongles, le brossage des dents... "Portée par cet élan du cœur et par la profonde volonté d'aider nos concitoyens les plus démunis, les dons et les aides affluent de partout pour ainsi passer de 400 à plus 8.000 repas par mois en l'espace de 4 années", se félicite-t-elle. Pour la présidente fondatrice de JOOD ONG, la clé de la réussite tient précisément à la mobilisation des bénévoles et à l'action solidaire et volontaire de Marocains sensibles à la faim, la maladie, le froid et le rejet d'autrui. S.K. JOOD ONG : Un nouveau défi relevé Depuis le 10 mars, JOOD ONG mène au niveau national une campagne de communication et de sensibilisation d'envergure pour dénoncer l'exploitation des enfants à des fins de mendicité. Les membres de cette association sont convaincus que pour endiguer ce problème, il faut d'abord dénoncer les causes à l'origine de ce phénomène. "Selon différentes études et notre expérience de terrain, la majorité des SDF d'aujourd'hui l'étaient depuis leur enfance". Mendicité : Des chiffres en trompe l'oeil La campagne de sensibilisation lancée par JOOD ONG souhaite mettre en exergue les causes du phénomène de la mendicité qui a pris une très grande ampleur au Maroc et sensibiliser les citoyens marocains. Objectif principal : permettre aux enfants de grandir en Homme digne. En termes de chiffres, "selon le Haut-Commissariat au Plan (HCP), un Marocain sur 150 est mendiant. 62% d'entre eux sont des professionnels de la mendicité. Ces chiffres datent de 2007. Ces dernières années, le phénomène devient plus que jamais inquiétant. Pour sa part, l'UNICEF a déclaré qu'en 2015, il y avait 25.000 enfants mendiants dans les rues marocaines ! La DGSN a arrêté, en 2016, 8.593 professionnels de la mendicité, dont 1.177 mineurs. En 2020, le ministre de la solidarité, en col- laboration avec les Procureurs du Roi, ont mené une campagne sur Rabat, Salé et Témara et déclarent avoir sauvé 142 enfants des réseaux de mendicité, dont 66% sont âgés de moins de 4 ans et 27% de moins de 1 an", nous détaille Hind Laïdi.