Le sort des mineurs marocains isolés chez le voisin ibérique devient de plus en plus préoccupant. Suite à l'incident de Tafira dans un centre pour mineurs des Îles Canaries, les députés haussent le ton contre l'Exécutif. Dans la foulée de la crispation qui traverse les relations entre le Maroc et l'Espagne, les conditions de nos concitoyens résidant chez le voisin ibérique ne cessent d'inquiéter l'opinion publique, d'autant que la montée de l'extrême droite, incarnée par le parti Vox, ne laisse personne indifférent. Le Parti de Santiago Abascal, avec son discours martial vis-à-vis des immigrés, et sa haine manifeste à l'égard du Royaume, semble transmettre son animosité à l'appareil policier espagnol dans sa façon de traiter les immigrés et notamment les enfants mineurs marocains. En témoigne l'incident qui a bouleversé les Marocains, offusqués des sévices infligés à des mineurs par des gardes de la Police espagnole dans un centre de migration à Tafira, aux Îles Canaries. Cette séquence fut filmée et partagée à grande échelle sur les réseaux sociaux, provoquant ainsi l'indignation générale. Les députés entrent en ligne Le ministère des Affaires étrangères n'a pas manqué de réagir à ce traitement dégradant et inhumain, en convoquant l'ambassadeur espagnol en guise de protestation, exigeant plus de protection pour les mineurs marocains. L'affaire ne s'est pas arrêtée là et a aussitôt fait son entrée au Parlement. Lors de la séance plénière hebdomadaire consacrée aux questions orales au gouvernement, tenue lundi 8 février, la députée istiqlalienne Saïda Aït Bouali a interpellé la ministre déléguée chargée des Marocains résidant à l'étranger Nezha El Ouafi sur cet incident, et sur les mesures prises par l'Exécutif pour la protection et le rapatriement des mineurs, ajoutant que d'autres incidents de même nature ont eu lieu auparavant, sans que le gouvernement n'ait manifesté la fermeté qu'exige ce genre de situation. « Le Maroc n'abandonnera jamais aucun de ses ressortissants », a répliqué la ministre, annonçant qu'une enquête a été ouverte à ce sujet par la Justice espagnole, et que l'ambassadrice du Royaume en Espagne suit de près ce dossier. Le spectre de la xénophobie Les tourmentes subies par les mineurs ne sont que la partie visible de l'iceberg. Ces derniers, qui se comptent par centaines, vivent dans des conditions déplorables. Une grande partie d'entre eux est jetée à la rue, et subit des affronts à longueur de journée, selon la députée Saïda Aït Bouali qui a rappelé qu'ils sont toujours confrontés aux périls de la drogue, de l'exploitation sexuelle, de la délinquance ainsi que la brutalité et la violence policières. Par ailleurs, d'autres députés ont fait part de leur crainte vis-à-vis de la vague de xénophobie qui gagne du terrain dans plusieurs pays d'accueil, notamment en Espagne dont « la politique discriminatoire envers les immigrés marocains » est de plus en plus palpable, selon l'expression des députés de l'opposition. Nezha El Ouafi a indiqué que son département a mobilisé le réseau consulaire dans plusieurs pays européens pour recevoir les plaintes et les réclamations, en mettant 600 avocats d'origine marocaine à disposition des MRE en cas de besoin. L'objectif est de renforcer leur protection.
Anass MACHLOUKH Trois questions à Allal Amraoui « Les violences infligées aux mineurs marocains n'honorent pas les valeurs d'un Etat de droit » Allal Amraoui, député istiqlalien, a répondu à nos questions relatives au calvaire subi par les ressortissants marocains mineurs isolés sur le territoire espagnol. - Le gouvernement a convoqué l'ambassadeur espagnol en guise de protestation, comment vous évaluez la réaction du Maroc, est-elle suffisante ? Personnellement, je trouve que le ministère des Affaires étrangères a bien fait de réagir à un moment opportun, pour interpeller les actions des autorités espagnoles. Même après l'ouverture d'une enquête sur les circonstances de l'agression des mineurs marocains, il est important que le gouvernement fasse entendre sa voix et proteste autant qu'il le faut contre des actes de cette nature, qui devraient être condamnés puisqu'ils sont contraires aux valeurs de l'Etat de droit. En tant que député, je considère que les autorités espagnoles doivent prendre les mesures nécessaires pour prévenir ce genre de comportement, et combattre toute tendance susceptible d'alimenter la recrudescence des discours haineux constatée ces derniers temps. J'ajoute qu'une enquête a été ouverte sur l'incident en question et nous comptons sur les autorités judiciaires espagnoles pour rendre justice aux mineurs violentés. - Suite à cet incident, la commission des Affaires étrangères au Parlement compte-t-elle se pencher sur ce dossier ou former une mission exploratoire ? - Jusqu'à présent, je n'ai pris connaissance d'aucune initiative de ce genre, et elle ne figure pas à l'ordre du jour. Je pense qu'il est préférable d'attendre les résultats de l'enquête en cours, tout en multipliant les appels au gouvernement à suivre ce dossier de près. - Le dossier des mineurs commence à prendre beaucoup d'ampleur, comment pourrait-on le régler définitivement ? - Je rappelle d'abord que le statut des mineurs est du ressort du droit international et précisément des conventions de protection des droits de l'enfant. Ce problème est complexe puisqu'il faut répondre aux exigences de respect des droits des enfants par notre pays comme par l'Espagne. Il convient d'abord de procéder à l'identification des personnes et leur recensement avant de prendre toute mesure qui les concerne. En somme, c'est l'Espagne qui est censée s'en occuper pour le moment, puisqu'ils se trouvent sur son territoire et qu'elle est tenue d'honorer ses obligations en matière de droit international. Propos recueillis par A. M. Repères L'UNICEF réagit Suite à l'incident des violences infligées aux mineurs marocains, le Fonds des Nations Unies pour l›Enfance (UNICEF) n'a pas manqué de réagir en appelant les autorités espagnoles à fournir davantage d'efforts pour lutter contre la « stigmatisation préoccupante » dont souffrent les mineurs migrants non accompagnés dans l›archipel. Cette information a été relayée par l'Agence de presse espagnole EFE. L'institution onusienne a également proposé aux Espagnols de lancer des « plans d›urgence efficaces » pour répondre rapidement aux besoins des enfants migrants dans les points d'entrée en Espagne. Un dossier en suspens La question des mineurs isolés constitue un casse-tête pour le gouvernement espagnol, lequel devrait mettre ce dossier sur la table lors du Sommet interministériel avec l'équipe de Saâd Dine El Othmani. Sommet reporté deux fois, après avoir été prévu en février. Normalement, les deux gouvernements devraient en discuter pour trouver une solution à ce dossier qui ne cesse de créer des déconvenues. Rappelons que ce problème concerne également la France, qui s'est entendu avec le Maroc sur la prise en charge des mineurs marocains non accompagnés, suite à un accord signé le 7 décembre à Rabat entre les ministères de la Justice des deux pays.