Le plan de relance économique de 120 milliards de dirhams devrait avoir un faible impact sur l'inflation, mais risquerait de creuser davantage les déficits public et extérieur. CDG Capital Insight a publié, le 13 janvier, une intéressante note de recherche intitulée « Impacts macroéconomiques du Pacte national pour la relance économique et l'emploi de 120 MMDH ». Objectif : apprécier, sur la base d'un certain nombre d'hypothèses, les enjeux et impacts macroéconomiques potentiels que pourrait avoir cette nouvelle injection de liquidité dans l'économie. « Dans le cadre de l'opérationnalisation des Hautes Orientations Royales du discours du Trône, le ministère de l'Economie et des Finances a élaboré un plan de relance global et intégré, qui vise l'accompagnement d'un redémarrage progressif de l'activité économique nationale. Ce plan repose sur l'implication d'autres instances publiques et privées, notamment Bank Al-Maghrib, la Caisse Centrale de Garantie (CCG) et le secteur bancaire. Dans ce cadre, l'Etat a prévu une injection de liquidité dans l'économie nationale estimée à 120 milliards de dirhams, dont 75 milliards, sous format de crédits garantis par l'Etat et 45 milliards affectés au Fonds Mohammed VI pour l'Investissement », est-il souligné. Risques inflationnistes contenus Premier point ainsi soulevé par les économistes de CDG Capital Insight : les risques inflationnistes liés à l'injection de cette liquidité dans l'économie restent contenus sur le court terme, et pourraient se limiter à la formation potentielle de bulles inflationnistes sur certaines catégories d'actifs sur le moyen et le long terme...Cette anticipation est expliquée par le fait que l'ensemble des facteurs déterminants de la consommation intérieure seraient toujours impactés par la crise en 2021, notamment la hausse prévue du chômage, le faible recul des transferts des MRE et la lenteur de la reprise des crédits à la consommation. Ainsi, tenant compte de ces éléments, le scénario d'une surchauffe des prix émanant de la confrontation offre/ demande est exclue. Toutefois, la stimulation de la distribution des crédits, associée à des niveaux bas des taux débiteurs, pourrait générer une hausse des prix de certaines composantes de l'inflation non alimentaire, notamment l'habitat et les services (éducation et santé), induisant ainsi une pression inflationniste à moyen/long terme, dont l'impact serait limité sur l'inflation globale compte tenu de la structure du panier de l'IPC. Impact significatif sur l'équilibre extérieur Les économistes de CDG Capital Insight estiment, en outre, que l'injection de 120 milliards de dirhams sur l'économie devrait avoir un impact significatif sur l'équilibre extérieur en liaison avec le taux de pénétration élevé des importations (mesuré par le rapport entre les importations et la demande interne) qui s'avère élevé. « A l'instar de la majorité des économies en voie de développement, le Maroc a une forte dépendance aux importations comme l'illustre l'indicateur « Effort à l'importation », qui représente le pourcentage du revenu consacré à l'achat de biens à l'extérieur (importation/PIB), dont la moyenne s'est située à 43% au cours des trois dernières années contre 56% pour la Tunisie, 33% pour la France, 31% pour l'Afrique du Sud et seulement 26% pour l'Espagne », indique la même source, attribuant cette situation à deux facteurs. D'une part, l'économie marocaine a une dépendance structurelle à un certain nombre d'intrants, notamment les matières premières, les demi-produits et l'énergie. D'autre part, l'économie a connu un fort accroissement des importations en biens d'équipement. Plus de 49 milliards de DH sortiraient hors du circuit monétaire national Autre élément soulevé dans ladite note de recherche est qu'au cours de la dernière décennie, la part des importations dans le PIB et la demande globale s'élève en moyenne à respectivement 43% et 37%. Ceci reflète leur fort taux de pénétration dans le modèle économique national. Ainsi, sur la base de ces deux moyennes, permettant de retenir un taux de sortie de capitaux d'environ 41%, la part des 120 milliards de dirhams qui pourrait sortir hors du circuit monétaire national pourrait avoisiner à moyen terme les 49,5 milliards de dirhams. Soit l'équivalent de 15% des avoirs officiels nets actuels, qui s'élève à fin 2020 à 321MrdDH. En se basant sur des dernières prévisions du ministère de l'Economie et des Finances, publiées dans son rapport préalable au projet de PLF 2021, CDG Capital Insight prévoit, par ailleurs, l'accentuation du déficit public d'environ 40 milliards de dirhams, qui passerait de 3,5% du PIB en 2019 à 7,5% en 2021. Ainsi, les recettes ordinaires seraient en recul de 40 milliards de dirhams contre une faible baisse des dépenses ordinaires de 4,3 milliards de dirhams. Une situation qui serait due essentiellement à la régression des charges de compensation et de celles relatives au fonctionnement, et à l'accroissement prévu des dépenses d'investissement de 7,5 milliards de dirhams. Des dépenses qui couvrent partiellement la contribution du budget général au Fonds Mohammed VI pour l'Investissement relatif au plan d'appui à la relance économique, qui s'élève à 15 milliards de dirhams. L'endettement public passerait à 76,5% du PIB Parallèlement, l'endettement public au titre du budget général pourrait s'aggraver, passant de 65% du PIB en 2019 à 76,5% un an plus tard. En effet, la contribution de l'Etat au montant total de 120 milliards de dirhams qui devrait financer ce nouveau plan de relance économique, notamment les 20 milliards de dirhams - dont 15 milliards du budget général et 5 milliards du Fonds Covid-19 - pourraient alourdir le déficit et l'endettement publics pour l'année 2020. Tenant compte des chiffres prévus en 2020, du déficit et de l'endettement publics avec respectivement 40 milliards de dirhams et 71,6 milliards de dirhams, cette contribution de 20 milliards de dirhams explique à hauteur de 50% le creusement du déficit public et de 28% celui relatif à l'endettement au titre du budget général. Pour conclure, les économistes de CDG Capital Insight estiment que la mise en œuvre efficace de ce plan de relance sera confrontée à la gestion de trois principaux risques d'ordre systémique. D'abord, le développement du secteur informel et ensuite la hausse de la circulation fiduciaire, qui a enregistré une hausse très importante au cours de l'année 2020. Le second risque a trait à la hausse des importations et la pression qui pourrait en découler sur les réserves de changes nationales. Enfin, la montée des créances en souffrance et son impact sur les bilans des banques. Les avances de Bank Al-Maghrib restent limitées L'encours des avances de Bank Al-Maghrib dans le cadre du Programme Intégré d'Appui et de Financement des Entreprises (PIAFE) reste limité à seulement 228 millions de dirhams à fin novembre 2020, relève CDG Capital Insight. Ceci pourrait s'expliquer soit par la mauvaise conjoncture, qui tend probablement à réduire la demande des TPME et jeunes entrepreneurs pour le lancement de nouveaux projets, soit par l'utilisation par les banques de stratégies de refinancement alternatives ainsi que d'autres lignes de BAM en vue de refinancer les crédits accordés dans le cadre de cette initiative. La communication d'Attijariwafa Bank d'un montant de 700 MDH de crédits accordés au titre du programme Intelaka illustre en effet le déphasage qui pourrait exister entre les lignes de financement mises à disposition des banques par BAM et les stratégies de refinancement, par ailleurs, des banques. A. CHANNAJE Repères La demande intérieure serait en hausse de 5% en 2021 La demande intérieure devrait enregistrer un accroissement de 5% durant cette année, après son recul de 6,7% en 2020, avec une contribution positive de 5,4 points à la croissance économique, prévoit le HCP. «La confiance des ménages devrait se rétablir progressivement en 2021, sous l'effet de la reprise prévue de l'activité économique et la maîtrise attendue de la pandémie. La consommation des ménages devrait ainsi s'accroître de 3,9% en volume, après sa contreperformance enregistrée en 2020, contribuant positivement à la croissance de 2,2 points», souligne le HCP dans le Budget économique prévisionnel 2021. La consommation des administrations publiques devrait, pour sa part, s'améliorer de 5,7%, contribuant de 1,3 point à la croissance du PIB, fait savoir la même source. Au total, la consommation finale nationale augmenterait de 4,4%, ramenant sa contribution à la croissance du PIB à 3,4 points au lieu d'une contribution négative de -4,1 points en 2020... Programme intégré d'appui et de financement des entreprises En réponse aux orientations royales, dans le discours du 11 octobre 2019 à l'occasion de l'ouverture de la première session de la quatrième année législative, Bank Al-Maghrib a élargi sa batterie de mesures non conventionnelles en faveur des TPME en y ajoutant un mécanisme de refinancement illimité pour tous les prêts bancaires accordés aux groupes ciblés par le discours de SM le Roi, en l'occurrence les TPME, les jeunes diplômés et les projets d'auto-emploi. Ce mécanisme profitera également au secteur agricole ainsi qu'aux projets mis en œuvre en milieu rural. Cette ligne de refinancement est assortie d'un taux d'intérêt préférentiel de 1,25% et d'une réduction des exigences en fonds propres dans le cadre des règles prudentielles appliquées aux banques concernant les prêts accordés à cette catégorie d'entreprises.