Filière stratégique du développement industriel du Royaume, la filière automobile a atteint la taille critique de la résilience, avec une production automobile qui varie entre 700.000 et 1.000.000 d'unités par an à l' horizon 2025-2030. Avec la venue de Renault à Melloussa, près de Tanger, puis de PSA à Kénitra et, demain, du chinois BYD, à Casablanca, la filière automobile marocaine aura atteint une capacité annuelle de production de 700.000 à 1.000.000 de véhicules, sous différentes marques. Filière stratégique du développement industriel du Royaume, l'industrie automobile est celle qui y a créé le plus d'emplois, avec un taux de couverture de ses échanges extérieurs de plus de 70 %. C'est aussi un secteur tourné à 90 % vers l'exportation, dont 80 % à destination de l'Europe, avec une valeur ajoutée locale en constante augmentation. Dans une étude publiée par «Policy Center for the New South», Henri-Louis Vedie, chercheur en sciences économiques de l'Université Paris Dauphine, explique que la filière est désormais leader en Afrique, «devant celle qui en fut longtemps le numéro 1 : l'Afrique du Sud». Par ailleurs, il précise que tout le continent africain apparaît aujourd'hui avoir un fort potentiel de développement de la filière, compte tenu de son retard accumulé au cours des dernières décennies et de son évolution démographique, avec une population qui devrait doubler d'ici 2050. C'est pourquoi cette tendance ne devrait pas s'inverser. Les raisons qui ont fait le succès de cette filière sont des acquis plus forts que les incidences de l'après Covid-19. Des atouts solides pour affronter l'après Covid-19 A l'échelle nationale, en dehors des activités traditionnelles, l'industrie automobile est désormais le secteur de référence des nouveaux métiers mondiaux du pays, étant celui qui a créé le plus d'emplois, indique l'étude. Le document précise que le taux de couverture des échanges extérieurs atteint plus de 70 %, en 2018, avec des IDE qui se diversifient et dont la valeur ajoutée locale augmente de façon quasi exponentielle depuis 2011. Outre ces retombées sur l'emploi (voir repères), il y a de quoi privilégier celles concernant «le taux de couverture de ces échanges extérieurs, celle d'une diversification réussie, minimisant les risques liés à une perte éventuelle d'un marché et celle d'une intégration et d'une valeur ajoutée locale en constante augmentation», peut-on lire dans l'étude. En effet, jusqu'en 2011, les exportations automobiles étaient à hauteur de 75%, reposant sur la production de câblages automobiles. Avec l'implantation de Renault Melloussa, la part des assemblages et constructions automobiles va augmenter de façon significative, passant de 12%, en 2011, à 47 %, en 2018. Ce changement opéré dans la structure des exportations a permis d'atteindre, en 2018, un taux de couverture des échanges de biens automobiles de toute nature de 72 %. «Cette très forte augmentation s'explique par un taux de couverture d'environ 100% pour les biens de construction. Ce pourcentage n'était que de 16 %, en 2011. Il va réduire le poids des importations en carrosserie et en accessoires automobiles, dont les taux de couverture respectifs sont de 8% et 26% en 2018. Par contre, le fléchissement observé en 2016 est la conséquence d'une augmentation importante de véhicules importés de 31 %, les exportations ne progressant alors que de 21 %», précise l'auteur. Ces bons résultats sont essentiellement imputables au succès de Renault Nissan Melloussa. «On peut, donc, penser que la venue de PSA à Kénitra devrait encore les améliorer, atteignant, en 2023, les 100 %», estime le rapport. Une filière leader en Afrique Sur le continent africain, outre le Maroc, deux pays (avec des réussites diverses) proposent sur leur sol des usines de montage et de fabrication de voitures ayant atteint, au cours des dix dernières années, un minimum de 300.000 véhicules par an : l'Afrique du Sud et l'Egypte. «Si on s'en tient aux unités, produites ou à produire sur le territoire de chacune d'entre elles, à l'horizon 2030, le Maroc se situe au premier rang, suivi de l'Afrique du Sud et de l'Egypte», note l'étude. La mise en service d'une usine Peugeot à Kénitra, en juin 2019, a contribué à augmenter la capacité de production du pays de 100.000 véhicules en 2020 et de 100.000 véhicules supplémentaires, à l'horizon 2023. A cela, l'auteur rappelle le renforcement de l'usine Somaca de 70.000 unités et les 340.000 unités de Renault-Nissan à Melloussa. Ces prévisions devraient être atteintes en 2023, portant la production à 700.000 unités de voitures de tourisme, au premier rang du continent africain, devant l'Afrique du Sud (voir encadré : les différentes étapes de cette évolution). Il sied également de rappeler qu'au lendemain du Forum Chine-Afrique de Marrakech, le constructeur chinois BYD (Build Your Dream Auto Industry) a annoncé sa volonté d'implanter quatre usines destinées à produire des voitures électriques à la Cité Mohammed VI -Tanger Tech. Ce projet en « stand-by » ces derniers mois, «s'il devait finalement voir le jour, ce que nous pensons, porterait la capacité de production automobile à 300.000 unités de plus, portant la capacité totale du Maroc à un million de véhicules de tourisme par an, confortant la place de leader du Royaume en Afrique», estime l'auteur. Il fine, l'étude précise que le Maroc a atteint la taille critique de la résilience, conforté par la variété des stratégies qu'il peut proposer à partir de Renault Melloussa et PSA Kénitra. Aucun autre pays africain ne peut en dire autant pour l'instant. Les raisons qui expliquent ce succès sont de notoriété publique. Et l'après Covid-19 n'y changera rien. «Le Maroc disposera toujours d'une main-d'œuvre qualifiée, s'appuyant, dans la filière automobile, sur des compétences techniques et technologiques de pointe», souligne l'auteur. Son positionnement géographique sera toujours celui de plaque tournante d'un accès à un double marché, celui à destination de l'Europe et celui à destination de l'Afrique. Ce dernier marché à fort potentiel est aussi une chance pour le Maroc, comme l'a été le choix, fait par Carlos Ghosn et par Renault, du « low cost » à Tanger. Saâd JAFRI Encadré Repères Les emplois créés par la filière entre 2008 et 2018 Le secteur de l'automobile a créé 85.000 emplois entre 2014 et 2018, cumulant, à lui seul, 27 % des emplois créés dans le secteur industrie. Ce sont des emplois qualifiés ou hautement qualifiés. On constatera enfin que les emplois créés par les écosystèmes de la filière automobile sont les plus nombreux, 85.000 des 163.000. Afrique du Sud vs Maroc L'Afrique du Sud a été longtemps le leader de l'industrie automobile en Afrique. Volkswagen y exploite une usine à Eastern Cape depuis 1950, produisant 120.000 véhicules par an. Mercedes, toujours à Eastern Cape, y est présent depuis 1954, produisant chaque année 55.000 véhicules, dont la moitié est destinée au marché local. BMW, depuis 1968, y produit annuellement 55.000 voitures. Ajoutons que, depuis 1968, la société MAN y exploite deux unités de production pour une production cumulée de 2500 camions par an. La situation de la filière automobile sud-africaine va commencer à se dégrader à partir de 2011. Et sur la période 2011-2018, la croissance moyenne de véhicules produits chaque année est seulement de 2 %. Ces 2% sont à comparer aux 31 % observés pour la filière automobile marocaine. En 2020, l'Afrique du Sud est dépassée par le Maroc dans la production de voitures de tourisme, mais reste le numéro 1 africain, si on prend en compte le marché des voitures utilitaires. L'Egypte, en difficulté et à la relance En Egypte, 33% du parc automobile, estimé entre 5 et 6 millions de véhicules, a une moyenne d'âge de 17 ans et la qualité de la fabrication est loin d'être celle du Maroc et de l'Afrique du Sud, ce qui explique que l'essentiel de la production est destiné au marché intérieur. Relancer la filière automobile est donc une nécessité et une priorité, aujourd'hui, des autorités égyptiennes. Avec cette relance, non seulement on crée des emplois, autre priorité, mais on améliore d'autant plus la situation du commerce extérieur égyptien en réduisant les importations. Les autorités égyptiennes ont un objectif de 500.000 véhicules horizon 2025-2030, soit la moitié des objectifs marocains et sud-africains.