Entretien avec le philosophe français Michel Onfray réalisé par la correspondante à Paris de L'Observateur du Maroc et d'Afrique, Noufissa Charaï – @Noufissacharai Par ses positions à contre-courant, Michel Onfray, philosophe et poète français, crée souvent la polémique. Il est auteur d'une soixantaine de livres dont «Penser l'Islam» ou encore «Traité d'athéologie». En plus de deux ouvrages d'une même série consacrée à la dernière campagne présidentielle, Michel Onfray a publié en avril dernier «Carnets d'après campagne – Zéro de conduite». Dans ce troisième tome, il dépeint dans des chroniques inédites les dix premiers mois d'Emmanuel Macron. Son livre, un pamphlet, commence le 7 mai 2017, au lendemain de la victoire à la présidentielle du candidat de la République En Marche, avec une chronique qui donne le ton: «Zorro est arrivé. Entre ici, Emmanuel Macron…». Par moment sardonique, Michel Onfray s'en prend au comportement d'Emmanuel Macron qu'il ne juge pas à la hauteur de la fonction. Il fustige ses références littéraires, son attitude avec sa femme, mais pas seulement. Véritable satire des dix premiers mois de la présidence Macron, le pamphlétaire reconnait un style voltairien dans lequel il dépeint un Président de la République libéral et au service de l'Europe de Maastricht. Le traité de Maastricht, officiellement appelé «Traité sur l'Union européenne» signé en 1992, est un texte qui a notamment posé les fondements de l'euro ou encore la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux au sein de l'espace Schengen. Si Michel Onfray rejette l'Europe de Maastricht, il ne rejette pas pour autant l'Europe, mais son fonctionnement. Le philosophe a voté «Non» à Maastricht, ne vote pas pour l'élection présidentielle qu'il qualifie de mascarade et appelle à l'abstentionnisme. L'auteur plaide pour une Europe des nations, qui ne répondrait pas au dictat de Bruxelles et donc au libéralisme. Dans son livre, le philosophe français n'épargne aucun politique. Personne ne trouve grâce à ses yeux, de Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon. Alors que le philosophe se revendique de gauche, il ne se retrouve dans aucun parti et certainement pas dans celui du dirigeant de la France Insoumise qui a voté «Oui» pour le Traité de Maastricht. Pour lui, Mélenchon «c'est la gauche des barbelés: celle des Jacobins de la Terreur de 1793, celle de Robespierre et du génocide vendéen, celle de l'URSS qui souscrit au pacte germano-soviétique avec Hitler, celle qui persécute Soljenitsyne. Ma gauche est libertaire, pas autoritaire». Concernant Emmanuel Macron, il estime qu'il n'est ni de droite ni de gauche et surtout pas de gauche ! Il n'emploie jamais l'expression «tous pourris», mais n'en pense pas moins. Néanmoins, le souverainiste refuse la qualification de populiste qui, selon lui, est un vocabulaire des libéraux, devenu un moyen de réduire au silence tous les antilibéraux. Mais Michel Onfray assume. Pour lui, Maastricht c'est la mort de la France. Il tient François Mitterand responsable de cette dérive avec le choix de l'Europe libérale. «Pour l'Etat maastrichien, il faut opposer le Bien libéral au Mal antilibéral. Et l'antilibéralisme est criminalisé – Vichy, Pétain, fascisme, nazisme, Hitler sont convoqués en permanence pour stigmatiser l'électeur rétif», nous confie l'auteur de «Carnets d'après campagne – Zéro de conduite». Ainsi, même sur les grands enjeux internationaux, dont le terrorisme, son avis tranche une fois de plus avec celui de la pensée dominante. Au lendemain des attaques de Charlie Hebdo, le philosophe a dénoncé des textes du Coran qu'il juge belliqueux et qui inciteraient donc à la haine et à la violence. Des propos qui n'ont pas manqué de faire réagir, certains l'accusant de faire l'amalgame entre musulmans et terroristes, ce dont il se défend dans cette interview: «J'ai dénoncé la violence structurelle des trois monothéismes de la même manière dans mon Traité d'athéologie (…)Au même titre que les athées d'ailleurs… Le philosophe que je suis lit les textes dits sacrés comme des textes historiques». Parallèlement, Michel Onfray appelle la France, et plus largement la communauté internationale, à changer sa politique étrangère, favorable, selon lui, au développement du terrorisme. Le philosophe estime que l'ingérence des puissances occidentales dans des pays musulmans, depuis la première guerre du golfe, est en grande partie responsable de la prolifération du terrorisme. De ce postulat, il en vient à poser la question des réelles raisons de ces interventions à l'étranger faites prétendument au nom des droits de l'Homme quand elles auraient en réalité un caractère plus opportuniste. Le philosophe va plus loin en estimant que ces guerres sont également le fruit d'une politique islamophobe. Il en tient pour preuve la non-ingérence de la communauté internationale pour sauver les populations des dictateurs chinois ou coréens. Avec ironie, le philosophe nous interroge « Après l'occupation de la place Tien-An-Men en 1989, avons-nous entendu la fameuse et prétendue communauté internationale proposer de bombarder Pékin?». Ses propos, qu'ils réitèrent dans nos pages et qu'ils argumentent, ont parfois soulevé un tollé. Ses déclarations ont même été détournées dans une vidéo de propagande de l'organisation terroriste Daech pour justifier ses actions. Lire l'intégralité de cet entretien dans L'Observateur du Maroc et d'Afrique en kiosques à travers tout le Maroc jusqu'au 08 juin 2018