Au début du mois, le Conseil de sécurité de l'ONU adoptait un nouveau train de mesures contre l'Iran, sanctionnant le refus de Téhéran de suspendre ses activités nucléaires sensibles. Malgré des réticences de principe, la Chine et par la Russie, inquiètes elles aussi des progrès iraniens dans l'enrichissement de l'uranium, ont voté pour ce nouveau tour de vis qui durcit les sanctions déjà adoptées en décembre 2006 et mars 2007. Celles ci restent cependant dans la catégorie de ce que les spécialistes appellent des sanctions « ciblées » comme l'interdiction faite à certaines personnalités de voyager à l'étranger ou le gel de certains avoirs. Reste une question : de telles sanctions sont-elles efficaces ? Inscrites dans la charte des Nations Unies, les sanctions du Conseil de sécurité visent à obtenir d'un Etat qu'il abandonne une politique dangereuse pour la paix et la sécurité internationale, tout en évitant le recours à la force. Elles ont été peu utilisées pendant la guerre froide, faute d'accord possible entre les membres permanents du Conseil qui disposent d'un droit de veto. Deux pays seulement ont été sanctionnés à l'époque : la Rhodésie de Ian Smith et l'Afrique du Sud de l'apartheid. La fin de la guerre froide a changé la donne. Mais les embargos décrétés au début des années 1990 contre l'Irak, la Yougoslavie ou Haïti se sont avérés à la fois inefficace et dramatiques d'un point de vue humanitaire, pour les populations civiles. D'où l'idée, ces dernières années, d'avoir recours à des sanctions ciblées qui tentent de frapper les régimes sans faire souffrir les populations. En Afrique, l'Unita de Jonas Savimbi s'est vue privée d'armes et empêcher de vendre des diamants, de même qu'au Libéria un embargo a été décrété sur les exportations de bois dont les revenus allaient dans les caisses du Charles Taylor. Certains dignitaires du régime soudanais sont également frappés de sanctions ciblées depuis 2006, de même que les responsables de la Corée du Nord, dont les avoirs ont été gelés. A défaut de sanctions internationales, les Etats Unis et l'Union européenne tentent d'empêcher la junte birmane de faire le commerce du teck et des rubis de Birmanie. Globalement, les sanctions ciblées sont assurément plus efficaces et moins dévastatrices pour les populations que les embargos qui portent sur l'ensemble du commerce extérieur. Le bilan est malgré tout contrasté. Cela marche lorsque le désagrément infligé est suffisamment important pour faire fléchir les dirigeants visés. Ce qui dépend largement de leur personnalité et de leurs priorités. Les mesures prises contre la Corée du Nord ont joué un rôle clé pour obtenir de ce pays qu'il mette fin à son programme nucléaire, celles prises en contre la Libye après les attentats de Lockerbie et contre le vol d'UTA ont également pesé. Mais il ne semble pas que les mesures prises contre le régime de Khartoum aient eu jusqu'ici la moindre incidence sur son comportement. Alors, qu'en sera-t-il de l'Iran ? Les données propres à ce dossier incitent plutôt au pessimisme. Le dossier du nucléaire iranien est éminemment politique, trop politique sans doute pour que des sanctions personnelles contre tel ou tel haut dignitaire aient une réelle efficacité. Surtout, les ambitions nucléaires de Téhéran ne sont pas seulement une lubie de quelques mollahs. Elles sont largement soutenues par l'opinion qui ne comprend pas pourquoi l'Iran devrait renoncer à une politique de puissance pratiquée par d'autres. Contre un régime honni, les sanctions, ciblées pour épargner les populations civiles, peuvent indéniablement jouer un rôle. Contre une décision populaire, c'est beaucoup plus difficile. Le seul espoir serait qu'elles incitent malgré tout les Iraniens à se doter de dirigeants plus ouverts à la recherche d'un compromis négocié avec la communauté internationale.