Les législateurs qui ont instauré la constitution de la République démocratique du Congo avaient pensé bien faire en verrouillant le processus de prise de pouvoir. C'est ce qu'ils avaient expressément souligné dans l'article 64 qui dispose que « tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d'individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l'exerce en violation des dispositions de la présente Constitution ». Joseph Kabila se trouve dans cette deuxième situation. Pour l'opposition, cet article ne peut pas mieux tomber maintenant que le président Joseph Kabila a débordé sur les deux mandats autorisés par la constitution. Il aurait du céder le pouvoir en décembre 2016. Il y est toujours. Un accord signé le 31 décembre 2016, sous l'égide de l'église catholique instaurait une période de transition d'une année, avec obligation au chef de l'Etat de choisir un premier ministre issu de l'opposition. Tout semblait allait pour le mieux, soulagement relatif. Or, le président Joseph Kabila voyait les choses autrement. Il a décidé de prolonger cette période de transition en recourant à la Commission nationale électorale indépendante (CENI). Celle-ci a renvoyé, par une décision du 5 novembre, les élections au 31 décembre 2018. Une année supplémentaire donc. Kabila pouvait officier jusqu'en janvier 2019. L'opposition crie au scandale Les leaders de l'opposition lancent un ultimatum au président. Aucune rallonge ne devrait lui être accordée sinon ce sera la rue. Et la rue, c'est l'article 64 justement. Pour le plus grand challenger de Kabila, Moïse Katumbi, « ce régime prédateur veut prolonger instabilité et misère du peuple ». Pas question d'accepter ce calendrier « fantaisiste ». Félix A. Tshisekedi a pour, sa part, mis en garde que le calendrier de la CENI « sonnera le glas de ce régime malfaisant ». Pour lui, « l'heure est venue de chasser J.Kabila ». Et l'opposition a commencé à se préparer. La date du 28 octobre a été retenue pour la grande marche exigeant le départ du président. Le clan présidentiel a vite réagi en organisant, le même jour, sa marche à lui. Manœuvre rapidement dénoncée par l'opposition qui a reporté la sienne au 30, laissant le terrain aux supporters du président. Kabila peut certes utiliser, lui aussi, la rue, mais il exploite également les autres moyens dont il dispose et notamment la Justice. Plusieurs opposants sont toujours en prison, comme Jean-Claude Muyambo, condamné, en appel, à 5 ans de prison pour une affaire d'escroquerie. Moïse Katumbi a lui-même été condamné pour une autre affaire d'escroquerie, un moyen de le rendre inéligible. Or, les Congolais se sont vite rendu compte que les deux opposants ont été condamnés dans une affaire portant sur le même immeuble objet de l'escroquerie. Consternation. L'ex gouverneur du Katanga a écopé de 3 ans. Manœuvres désespérées Toutes ces manœuvres contre l'opposition n'ont fait que renforcer celle-ci et la conforter dans ses exigences. Si le nouveau calendrier doit être accepté, la transition ne peut se faire avec Kabila. L'opposition reste ferme sur sa position. Joseph Kabila se trouve ainsi sous une double pression : Celle de l'opposition qui veut l'obliger à respecter la constitution et assurer une transition paisible, ou la rue, forte de l'article 64, qui promet une période difficile dont personne ne connaît encore l'issue. C'est l'avenir de la RDC, grand pays potentiellement, mais où plus de 3 personnes sombrent dans la pauvreté chaque minute, déplore l'ancien Premier ministre (novembre 2016 à avril 2017) Samy Badibanga.