Nouvel héritier du trône saoudien depuis le 28 octobre, l'austère prince Nayef Ben Abdel Aziz, 78 ans, ministre de l'Intérieur depuis trente-six ans, est un homme à poigne. Au point d'inquiéter sérieusement les libéraux saoudiens qui avaient fini par espérer, avec l'actuel roi Abdallah, que dans ce royaume de l'immobilité, les réformes finiraient par s'installer peu à peu. La santé chancelante du roi Abdallah, 87 ans, qui a assisté aux funérailles du prince héritier, son demi-frère Sultan, dans une chaise roulante (il venait de se faire opérer du dos) et le visage barré d'un masque pour se protéger des microbes, peut laisser entrevoir que Nayef pourrait arriver au pouvoir plutôt que prévu. Même s'il a, lui aussi, été soigné pour un cancer. Il sera alors le sixième successeur du roi Abdel Aziz, fondateur du royaume d'Arabie Saoudite. Le nouveau prince héritier traîne avec lui une sérieuse réputation de conservateur. Proche des milieux religieux wahhabites les plus réactionnaires, il est, au sein de la famille royale, le plus sceptique sur la nécessité des réformes en particulier celles qui visent, timidement, à donner plus de liberté aux femmes. Ainsi, il ne voit pas l'intérêt de leur présence, même en tant qu'observatrices, au sein du Conseil consultatif. Il n'estime pas nécessaire, non plus, qu'une partie des 150 membres du Conseil soit élue. Par contre, il a toujours soutenu les hommes de la police religieuse qui défendent les «bonnes mœurs, souvent avec brutalité. Son autoritarisme s'étend à l'ensemble de l'opposition politique, en particulier chiite. Ces derniers mois, lors des printemps arabes, il a veillé à ce qu'aucune manifestation ne trouble la tranquillité du royaume et fut l'un des fervents partisans de l'intervention militaire saoudienne au Bahreïn voisin. Riyad a envoyé son armée soutenir l'émir sunnite contre la majorité chiite. L'Iran est sa bête noire. Intransigeant à l'égard de Téhéran, il a, ces derniers jours, après la présumée tentative d'assassinat de l'ambassadeur saoudien à Washington par un Iranien, refusé le dialogue avec son voisin chiite sur l'organisation du prochain pèlerinage de La Mecque. Le prince Nayef pourrait-il remettre en cause la politique d'ouverture de l'actuel roi Abdallah ? Rien dans sa carrière ne laisse présager qu'il voudra réformer, même très peu, la monarchie absolue. Pour les optimistes cependant, la fonction créé l'organe. Nayef est un pragmatique et son conservatisme serait lié à son poste de ministre de l'Intérieur où il a supervisé, avec succès, la lutte menée contre Al-Qaïda. Une fois au pouvoir, il devrait manifester plus d'ouverture, estiment-ils. Peut-être. Dans l'immédiat, il a conservé sa casquette de ministre de l'Intérieur. Il y est secondé par son fils, le très efficace Mohammed ben Nayef, qui fut la cible d'un attentat d'Al-Qaïda. Le nouveau prince héritier, comme son prédécesseur et frère, le prince Sultan, feu le Roi Fadh ou le prince Salman, nouveau ministre de la Défense et prince héritier en second, fait partie du «clan des Soudairi». Hassa al-Soudairi était l'épouse favorite du roi Abdel Aziz. Il reste encore 19 fils du roi Abdel Aziz en vie, dont le plus jeune est le patron des services des renseignements, le prince Muqrin. Souvent septuagénaires, ils attendent leur tour pour régner sur un royaume dont la majorité de la population a moins de trente ans.