Une question demeure : que représente le Conseil national de transition libyen (CNT)? L'ensemble de la Libye ou la seule Cyrénaïque ? C'est dans cette région de l'Est du pays qu'il est né le 27 février. La province s'était soulevée une dizaine de jours auparavant et une poignée de médecins, avocats, journalistes, universitaires, professeurs, étudiants… se regroupait pour organiser la vie à Benghazi. Il ne s'agissait pas, dans un premier temps, de faire de la politique. Créer une organisation n'est pas évident à Benghazi en cette fin de février. La Libye est depuis 1969, année du putsch des militaires qui renversa le roi Idriss, un pays sans constitution, ni parti politique, ni association, ni syndicat. Pas le moindre tissu politique sur lequel s'appuyer pour créer une structure censée organiser la révolution. Il n'y a que des bonnes volontés. Rien d'étonnant, donc, à ce que rapidement, ceux qui vont prendre la tête d'un «gouvernement transitoir» (le futur CNT) soient des anciens politiques qui viennent de tourner le dos à Kadhafi. Ce «gouvernement de l'ombre» est d'abord une structure informelle dont le nombre de participants n'est pas connu. Apparemment il varie et tâtonne avant de devenir un CNT de 31 membres. Rapidement, cette structure est rejointe par le ministre de la Justice de Kadhafi qui vient de faire défection. Moustapha Abdel Jalil, 59 ans, est propulsé président du nouveau CNT. Originaire d'Al Baïda, il a bonne réputation, ne traîne pas de dossiers scabreux, mais n'est guère flamboyant. On assure que lorsqu'il était à la Justice, il avait tenté de réformer le système et avait demandé la libération de plusieurs centaines de prisonniers. Autre figure de proue : Ali Al-Issaoui, 45 ans, ex-ambassadeur en Inde. Il a été l'un des premiers à faire défection. Actuel responsable des relations extérieures du CNT, c'était un proche de Saïf Al-Islam, le fils cadet du Guide qui, en 2007 et 2008, s'était entouré de «modernistes» pour tenter de faire bouger le pays. En vain. Autre proche de Saïf Al-Islam: Mahmoud Jibril, 59 ans. Ancien responsable du «bureau du développement économique nationa», ce diplômé en Sciences politiques de l'université de Pittsburgh, tient un discours qui plaît en Occident. Il assure que le CNT installera en Libye une constitution libérale, un système parlementaire pluraliste, le respect des droits de l'homme… Dernier arrivé : le général Abdel Fatah Younes, 67 ans, compagnon d'armes de Kadhafi avec lequel il a fait le coup d'Etat. Il a été ministre de l'Intérieur. Son «entrisme» au CNT – où il s'est imposé en plaidant son expérience de militaire – n'a pas été du goût de tous. Le CNT a un autre handicap : ses membres connus sont tous originaires de Cyrénaïque. Comment peuvent-ils représenter la Libye ? Les membres originaires du Fezzan et de Tripolitaine ne sont pas connus pour des raisons de sécurité, affirme-t-on. Certains pays aimeraient pourtant être sûrs de la représentativité nationale du Conseil avant de le reconnaître. Aussi, des pays occidentaux, tels la France, voudraient que le CNT s'élargisse aux représentants de tribus et à des membres crédibles de l'entourage de Kadhafi qui prendraient leur distance avec le Guide. Le but : ouvrir des négociations qui permettraient d'arrêter les hostilités. Dans l'immédiat, le CNT ne veut pas entendre parler d'une période de transition avec Kadhafi ou ses fils.