Difficile d'imaginer un limogeage plus humiliant que celui du ministre des A. E iranien, Manouchehr Mottaki, le 13 décembre. Le chef de la diplomatie iranienne était en visite officielle au Sénégal lorsqu'il a appris par une dépêche d'agence qu'il était limogé. Son crime ? Ce n'était évidemment pas d'être un opposant au régime. Diplomate de carrière, Mottaki dirigeait la diplomatie de la république islamique depuis août 2005. Elu Député à deux reprises, la première fois dès 1980, dans le premier parlement qui suivit la révolution khomeyniste, il était considéré comme un tenant de la ligne conservatrice pragmatique du régime. Son éviction est la conséquence des luttes de pouvoir de plus en plus visibles au sein des instances dirigeantes. Elles opposent le clan du président de la république, Mahmoud Ahmadinejad au courant conservateur mené par Ali Laridjani, président du Parlement et ancien chef du Conseil de sécurité nationale. Mottaki a toujours été considéré comme un proche de Laridjani. A ce titre, quoique ministre des. A. E, il n'était pas un pion essentiel de la diplomatie iranienne et ne gérait pas le dossier du nucléaire confié par Ahmadinejad à l'un de ses proches, Said Jalili, secrétaire du Conseil suprême de sécurité nationale. Mahmoud Ahmadinejad entend consolider ses positions. Il veut, comme ses rivaux, montrer sa différence sur l'attitude à observer face aux Etats-Unis, baromètre du patriotisme islamique. Dans cette optique, la politique américaine de la "main tendue" de Barack Obama est un handicap. Mieux vaudrait une Amérique intransigeante qui pourrait faire l'union sacrée contre elle, plutôt qu'une Amérique qui joue de la carotte et du bâton, brandit (de moins en moins) la menace militaire et propose aussi à Téhéran de sortir de la crise du nucléaire en enrichissant, sous certaines conditions, de l'uranium. Une première proposition américaine en ce sens, l'été dernier, avait été reprise au bond par Ahmadinejad et immédiatement rejetée par son rival, Ali Laridjani qui y avait vu un «piège» tendu par les Occidentaux. Début décembre, Manouchehr Mottaki avait qualifié de «pas en avant» une déclaration d'Hillary Clinton réaffirmant le souhait américain d'un dialogue. Quelques jours plus tard, Mottaki avait été limogé. En fait, Téhéran semble de plus en plus démuni face aux sanctions économiques imposées par les Nations-Unies et durcies par les Etats-Unis et l'Union européenne. Même si l'économie iranienne n'est pas à genoux et apprend à fabriquer par elle-même une partie de la technologie dont les Occidentaux veulent la priver, les sanctions sont un handicap, en particulier au niveau financier. Les conservateurs les plus pragmatiques estiment donc que certaines déclarations intempestives de Mahmoud Ahmadinejad et sa politique étrangère offensive au Moyen-Orient sont contre-productives. Mais, derrière ces rivalités au sein du régime iranien, c'est la lutte pour le pouvoir entre l'aile militaro-policière dont les pasdarans sont le fer de lance et Mahmoud Ahmadinejad, le symbole, et les mollahs conservateurs qui se déroule en coulisse. Les premiers estiment que les religieux devraient retourner dans leurs mosquées. Ils rêvent d'établir, en Iran, un régime, certes toujours fondé sur l'Islam, mais dans lequel les Gardiens de la révolution auraient la prééminence.