Les statistiques publiées en début de mois par le gouvernement tunisien montrent l'accroissement soutenu de l'investissement étranger direct (IDE), qui a atteint le chiffre record de deux milliards de dinars (1,6 milliard de dollars) en 2007, en grande partie grâce à l'apport des secteurs du tourisme et de l'immobilier. Ces résultats sont bien meilleurs qu'en 2006, qui comptabilisait un total de 921 millions de dollars. La plus importante progression a été réalisée dans le secteur de l'énergie, où les flux sont passés de 940,3 millions de dinars en 2006 à 1,35 milliards en 2007. Néanmoins, en termes de pourcentage, ce sont les investissements dans le tourisme et le foncier qui ont connu la plus forte hausse, ayant pratiquement doublé entre 2006 et 2007 pour atteindre 72 millions de dinars. D'autres secteurs ont aussi connu une certaine amélioration, en particulier le secteur manufacturier qui a bénéficié d'un flux d'investissements provenant d'Asie. L'IDE dans le secteur manufacturier est passé de 347,4 millions de dinars en 2006 à 485,7 millions en 2007, créant 17 356 emplois. Dans le secteur des services, qui représente près de la moitié de l'économie tunisienne, l'investissement a été en hausse de 32,1% atteignant 146,4 millions de dinars. La Tunisie a engagé ces dernières années plusieurs réformes gouvernementales en vue de préparer un environnement favorable à l'investissement. La mise en place des zones spéciales économiques et l'adoption de l'Accord d'association avec l'Union européenne figurent parmi les principales initiatives, le 1er janvier marquant l'entrée officielle de la Tunisie dans la zone de libre-échange Euromed. Pourtant, les réformes entreprises par la Tunisie ne font pas l'unanimité. Selon le rapport 2008 élaboré par « Heritage Foundation », la Tunisie bénéficie d'un niveau faible niveau de liberté de l'investissement, notamment en raison du filtrage exercé par le gouvernement et de restrictions imposées dans certains secteurs. Le rapport publié par la Banque mondiale en 2008 présente aussi une image mitigée, classant la Tunisie positivement en termes d'échanges commerciaux mais médiocrement en termes de protection des investisseurs. Le gouvernement tunisien serait sans doute d'avis que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le gouvernement prévoit que l'IDE atteindra 26,1% du produit intérieur brut (PIB) à l'horizon 2016 contre 22,7% en 2007. Le nouveau phénomène majeur en matière d'investissements étrangers est sans aucun doute l'arrivée massive de capitaux provenant des pays du Golfe. Ainsi, les Emirats arabes unis, dont les investissements se sont élevés à 20 milliards de dollars au total, sont appelés à devenir le premier investisseur en Tunisie au cours de l'année 2008, dépassant ainsi la France et l'Italie. Ces investissements des pays du Golfe sont d'autant plus manifestes que des projets immobiliers sont en cours de réalisation à Tunis. Si l'aménagement des Berges du Lac de Tunis offrira un espace bureaux aux sociétés asiatiques et américaines qui s'installent depuis peu dans la capitale, la cité des affaires de Montplaisir a vu s'implanter des entreprises provenant essentiellement du Moyen Orient et d'Afrique du Nord, en l'occurrence les filiales d'Al Jazeera et de Kuwait Oil Company. Le projet de plus grande envergure programmé en Tunisie a été initié par le promoteur immobilier émirati Sama Dubai. Le projet d'aménagement des berges du lac sud, moyennant un investissement de 15 milliards de dollars, sera le plus important projet immobilier de la Tunisie, avec pour objectif de faire la Tunisie une plateforme financière régionale. Si le projet se concrétise, il transformera certainement le paysage de l'IDE en Tunisie. D'ores et déjà, des projets bien concrets sont en cours de réalisation dans les régions de l'intérieur du pays grâce aux investissements entrepris par des industriels venus d'Extrême-Orient. Par exemple, c'est autour de la région de Jendouba qu'une filiale du groupe automobile Yazaki a récemment choisi d'établir sa nouvelle câblerie. Le site couvrira 4 ha de terrains industriels et emploiera près de 700 personnes. L'industrie du câble est une niche en plein essor en Tunisie. L'année 2008 a déjà été marquée par l'annonce de quatre nouvelles usines, ce qui représente un investissement total de 125 millions de dinars et la création de 4600 emplois. Parmi les nouveaux investisseurs, notons le sud-coréen Sewon qui prévoit de réaliser une câblerie à Kairouan (centre de la Tunisie) pour un investissement de 15 millions de dinars, et le groupe allemand Sumito Electric Bordi Jetz, qui entend investir 5 millions de dinars pour la construction d'une câblerie au Kef (nord-ouest de la Tunisie) qui emploiera 2500 personnes. Avec l'ensemble de ces câbleries, la part mondiale de la Tunisie dans le marché du câblage automobile mondial dépassera largement, selon les estimations, les 2% actuels. Par ailleurs, en 2007 pour la première fois, les exportations mécaniques et électriques jouent un rôle de plus en plus important dans l'économie tunisienne, dépassant largement les exportations textiles. Le Fonds monétaire international table sur une perspective de croissance soutenue en 2008, avec une légère régression de 6,3% en 2007 à 5,7% en 2008. La régression sera en partie attribuée à la conjoncture mondiale, y compris la contraction des exportations attendue. Le démantèlement du système des quotas européen qui limite les exportations de produits textiles chinois devrait avoir des répercussions sur le secteur tunisien. Les pressions inflationnistes pourraient s'aggraver, même si vraisemblablement la Banque centrale devrait adopter une politique monétaire relativement rigoureuse destinée à maintenir la stabilité des principaux indicateurs à 4% en moyenne.