Il n'aura pas fallu attendre de longs jours pour que la guerre des chefs irano-saoudienne quitte les rivages du Golfe pour le continent noir. Dès lundi 4 janvier 2016, au lendemain de la rupture diplomatique entre Riyad et Téhéran, le Soudan fermait son ambassade à Téhéran et renvoyait les diplomates iraniens de Khartoum. Mardi, la Somalie et Djibouti lui emboitaient le pas. L'Erythrée avait déjà tourné casaque le mois dernier. A qui le tour ? Est-ce vraiment un virage pour les pays africains ? Pas vraiment car il était entamé, pour certains, depuis plusieurs années. Obsédée par l'Iran et persuadée que le retour de Téhéran sur la scène internationale est, pour elle, une question de sécurité nationale, l'Arabie Saoudite, a cherché, ces dernières années à sortir de son isolement en se tournant vers l'Afrique. Riyad s'est acheté des solidarités sur le continent toujours à la recherche d'aide financière et d'investissements alors que les sanctions raréfiaient les ressources de l'Iran. Cette semaine, Riyad a donc pu battre le rappel de ses amis et obligés. Le Soudan d'abord, qui était dans les années 90, après l'arrivée au pouvoir d'El-Bachir conseiller par Hassan el-Tourabi, la base arrière de l'Iran en Afrique. Tourabi avait même tenté de créer une nouvelle internationale islamiste pour damer le pion aux Saoudiens. Khartoum était accusé de recevoir par la mer des armes pour le Hamas et des entrepôts furent, par deux fois, en 2009 et 2012, bombardés par les Israéliens. Mais au printemps 2015, les Saoudiens ont promis des milliards de dollars d'investissements dans l'agriculture et la construction de barrages. Et en mars dernier, les Soudanais furent les seuls à envoyer des soldats au sol au Yémen pour se battre aux côtés des Saoudiens qui ont financé l'effort de guerre soudanais. La guerre du Yémen contre les Houthis vus comme le bras armée de l'Iran dans la région, puis la coalition de 34 pays, dont une bonne vingtaine d'Africains, mise en place contre le terrorisme et financée par l'Arabie Saoudite, a marqué le tournant de la reconquête diplomatique du continent noir par Riyad. L'Erythrée se ralliait dès le mois dernier à Riyad. En fait, l'Arabie Saoudite n'a jamais cessé, par fondations interposées, de financer le développement d'un islam wahhabite au Sahel. L'Iran, moins prosélyte, tentait néanmoins d'étendre son influence dans certaines régions – nord du Nigeria, Sénégal – qui abritent des chiites africains noirs ou d'origine libanaise. Entre Riyad et Téhéran, le combat est inégal. Si Téhéran peut oublier son envie de prendre pied à Djibouti, port stratégique de la Mer rouge, après avoir perdu le Soudan, elle n'a guère eu de grands intérêts économiques ni de présence importante en Afrique noire contrairement à l'Arabie Saoudite. Cette rivalité entre Riyad et Téhéran peut-elle bouleverser les Africains ? Rien n'est moins sûr. Leur premier souci réside dans leur stabilité économique et ils n'entendent pas qu'une querelle de moyennes puissances venues du Golfe la remette en question.