Apprise avec retard, la condamnation le 30 janvier d'un prêtre français, Pierre Wallez, à un an de prison avec sursis par le tribunal de Maghnia, ville frontalière avec le Maroc, a bouleversé la petite communauté catholique d'Algérie. Elle s'estime poussée à quitter le pays. Le père Wallez avait animé, à Noël, dans un bidonville de Maghnia, un culte auprès de migrants subsahariens. Un médecin bénévole algérien, qui administrait des soins à ces émigrés clandestins, a, dans le même procès, été condamné à deux ans de prison ferme, accusé d'avoir subtilisé des médicaments au centre de santé de Maghnia. L'évêque d'Oran a exprimé, dans un communiqué, "l'incompréhension" de la communauté catholique d'Algérie. La condamnation du père Wallez intervient dans un climat difficile où, selon Mgr Henri Teissier, l'archevêque d'Alger, "certains groupes cherchent à réduire la présence de l'église catholique et lui créent des difficultés". La communauté catholique se considère depuis deux ans "sous une pression", à la limite de la persécution. Un sentiment qui s'est accentué en mai 2007, lorsque les autorités locales des quarante-huit wilayas (départements) du pays, en application d'une directive venue d'Alger, ont invité les catholiques à quitter le pays en raison de menaces d'Al-Qaida au Maghreb. La mise en uvre de cette mesure aurait entraîné une quasi-disparition de l'Eglise catholique en Algérie, ce qui a été toujours évité y compris pendant la décennie sanglante des années 1990. En raison de leur volonté de rester en Algérie, 19 membres de l'Eglise, prêtres, religieux et religieuses, dont l'évêque d'Oran, Pierre Claverie, ont perdu la vie entre le 8 mai 1994 et le 1er août 1996. Les responsables de l'Eglise ont dû saisir les plus hautes autorités algériennes pour annuler une mesure aussi extrême. Un an plus tôt, une trentaine d'étudiants sub-sahariens, qui avaient participé à un week-end d'études bibliques à Tizi-Ouzou, s'étaient vu signifier leur expulsion d'Algérie. Là aussi, il a fallu l'intervention des ambassadeurs, dont celui du Sénégal, pour annuler la mesure. En novembre 2007, des religieux catholiques brésiliens de la communauté Salam, dont les papiers étaient en règle, ont été sommés de quitter le pays sous quinzaine, sans explication. Après intervention de l'ambassadeur brésilien, l'oukase ne fut pas exécuté. Des membres de la Mission de France, dont l'engagement pour l'indépendance de l'Algérie est honoré aujourd'hui encore par de nombreux Algériens comme ce fut le cas pour l'abbé Robert Davezies, récemment décédé ont essuyé des refus de visas. Ce durcissement remonte, en fait, à une loi votée le 28 février 2006, qui restreint les conditions de la pratique des cultes non musulmans. Ellet prévoit des peines de 2 à 5ans de prison et des amendes de 5000 à 10000euros contre toute personne qui "incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion". La loi interdit l'exercice d'un culte autre que musulman en "dehors des édifices prévus à cet effet et subordonne l'affectation des édifices pour l'exercice du culte à l'obtention d'une autorisation préalable". Le père Wallez, qui a fait appel du jugement, a été condamné en vertu de cette loi de 2006. Ces dernières années, la presse algérienne, arabophone surtout, mène campagne contre le prosélytisme évangélique en Algérie, notamment en Kabylie. Elle le fait en recourant à l'amalgame : les articles contre les mouvements évangéliques sont systématiquement illustrés par des photos de la basilique Notre-Dame d'Afrique et de Mgr Henri Tessier, alors que les catholiques ne pratiquent aucune forme de prosélytisme. Pour sa part, Mustapha Krim, président de l'Eglise protestante d'Algérie, a déclaré au journal El Watan ne pas comprendre en quoi "32 petites communautés chrétiennes peuvent faire trembler 32 000 mosquées". Pour lui, "le prosélytisme en Algérie est surtout islamiste ! Et s'il existe du côté des chrétiens, il ne représente qu'un très faible pourcentage". Reste que l'activisme des évangéliques est réel et inquiète la population, parfois choquée de ces conversions qui se produisent dans de petits villages où tout le monde se connaît. Les Algériens ont "le sentiment que la digue que représente l'islam est attaquée", explique un médecin qui déplore néanmoins que le phénomène soit considérablement exagéré par la presse. Le ministère des affaires religieuses et l'Association des Oulémas voient, quant à eux, un complot des "chrétiens sionistes" américains ciblant l'Algérie. Ils affirment que les responsables évangéliques promettent 5 000 euros à qui parvient à convertir un musulman. Le ministre des affaires religieuses, M. Ghlamallah, accuse les évangéliques de vouloir se constituer en "minorité", prétexte à une ingérence étrangère. Les catholiques, victimes collatérales d'une campagne contre les évangéliques ? Beaucoup peinent à croire que les autorités algériennes soient incapables de faire la différence. Mais ce qui inquiète le plus les catholiques, dont le rôle social est hautement apprécié par les Algériens, est que cette campagne, parfois virulente, sape ce qui a fait la qualité des rapports entre musulmans et chrétiens : la confiance.