Notre groupe a toujours refusé de relayer et de commenter les dérives verbales de la classe politique dans son ensemble et ses joutes indignes. Notre position, claire, plusieurs fois réaffirmée, est que le débat public doit être d'un niveau qui permette aux citoyens de se faire une opinion sur les enjeux. C'est le seul moyen d'assurer leur adhésion aux institutions représentatives et leur mobilisation lors des échéances électorales. Ce qui s'est passé entre le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, et M. Sebbar, Secrétaire Général du CNDH, lors d'une conférence organisée par le Mouvement Populaire autour du nouveau projet de code pénal, nous interpelle au plus haut point, parce qu'il s'agit de questions de fond sur les plans politique et social. Le chef du gouvernement a choisi d'y assister, non pas en tant qu'intervenant, mais comme simple auditeur assis avec le public. Il a harangué, à plusieurs reprises, le représentant du CNDH. En particulier, sur la question des crimes d'honneur : « Que feriez-vous si vous surpreniez votre femme avec un autre », a-t-il demandé. « J'appellerai la police, mais je ne la tuerai pas », lui a répondu Sebbar. Benkirane contre-attaque en lançant : « Il y a encore quand même de la fierté dans ce pays ». Nous ne sommes plus sur le terrain des divagations et des insultes. Le chef du gouvernement justifie les crimes d'honneur et les soutient. C'est scandaleux à plusieurs niveaux. D'abord parce qu'il est une « institution » et qu'à ce titre, il doit respecter les grands consensus nationaux dont le choix de l'universalité est un axe primordial. Quelles que soient ses convictions personnelles, il ne peut se départir de sa position constitutionnelle. Or, là, il incite au crime d'honneur. En pratique, et les chiffres le prouvent, il y a vingt fois plus de plaintes pour adultère que pour crimes passionnels, sans oublier ceux qui préfèrent un divorce discret au scandale ; et ils sont les plus nombreux. La discussion porte sur la norme du droit. Celle-ci n'est pas faite pour céder aux passions, mais pour organiser la vie en collectivité dans le respect de principes. Lesquels font du droit à la vie, le premier droit humain. Ce n'est pas la conception du chef de gouvernement, qui est pour le maintien de la peine de mort, mais qui, au nom du droit à la vie, est contre l'avortement, en toutes circonstances. Plus grave encore : le chef du gouvernement a accusé une institution constitutionnelle, le CNDH, d'être animée par une idéologie marginale au sein de la société et de défendre les criminels. C'est grave parce que nous sommes face à une prise de position anti-démocratique. La construction démocratique ne peut supporter une telle attitude. C'est un débat de fond. La légitimité électorale ne permet pas de remettre en cause l'architecture institutionnelle. Abdelilah Benkirane n'arrive décidément pas à revêtir l'habit de chef du gouvernement de tous les Marocains, de toute la société. P.S Le Maroc, qui participe à une guerre juste pour la stabilisation du Yémen a perdu un F16. Des sites marocains ont cru bon de relayer les images fournies par les Houtis, où l'on voit les décombres de l'avion et le supposé corps déchiqueté du pilote. Cela a un nom, la propagande. Avoir une opinion sur la participation du Maroc dans cette guerre, relève de l'opinion démocratique. Mais relayer la propagande ennemie, c'est porter atteinte à une institution qui défend la souveraineté du pays : l'armée. La recherche du sensationnel devient abjecte quand elle renie tout attachement aux intérêts de la patrie.