Atlantic Council est un prestigieux Think Tank américain qui réfléchit aux questions de stratégie et de prospective. Son Conseil d'administration reçoit, annuellement, en fonction des sujets, des responsables de l'administration américaine pour un échange en off. L'exercice est utile parce qu'il permet aux décideurs de décoder l'actualité et de se projeter dans l'avenir. Cette année, les invités étaient des poids lourds : le Secrétaire américain à l'Energie, Ernest Moniz ; le Directeur de la CIA, John Brennan, et l'amiral Michael S. Rogers, Directeur de la NSA et commandant de l'United States Cyber Command. Il apparaît clairement, pour l'administration américaine, que la hiérarchie des priorités est arrêtée. Il y a, en tête des préoccupations, la question de l'Ukraine et donc des rapports avec la Russie. Washington considère que Moscou, en voulant rétablir des zones d'influence, ramène le monde à la guerre froide et ses dangers. La priorité des priorités des USA réside dans le refus à Moscou d'un droit de préemption sur l'évolution des anciens pays satellites de l'ex URSS. La deuxième priorité est l'Iran. Même si l'Amérique «comprend» les appréhensions d'Israël et malgré les réticences de certaines capitales occidentales, l'Administration américaine considère que plus tôt l'accord sera signé mieux cela vaudra. En effet, l'Iran peut bénéficier de temps pour avancer vers la bombe atomique. Le rôle de Téhéran, comme acteur majeur de la région est acté. L'accord voudrait que ce rôle soit intégré dans des processus de stabilisation et non l'inverse. Enfin, la troisième priorité est le Moyen-Orient, surtout son potentiel terroriste. Le Directeur de la CIA, un homme brillant et ferme, qui pendant sa longue carrière est passé par Ryad où il était Chef du Bureau de la Centrale américaine, a montré une connaissance très fine des nuances entre les groupes terroristes, de leurs modes opératoires, de la complexité de la guerre contre le terrorisme dans la région. Mais il a aussi développé les origines du phénomène et la nécessité de s'y attaquer. Dans cette hiérarchie des priorités, l'Afrique se trouve en fin de liste. Pour des raisons historiques mais aussi géostratégiques : l'administration Obama a lancé de nombreux programmes de développement en Afrique noire mais elle continue de considérer que les pays européens, les anciennes puissances coloniales, doivent prendre leurs responsabilités dans la stabilisation et le développement de ce continent parce que l'Amérique ne peut être présente partout avec la même efficacité. Il faut bien comprendre la politique étrangère américaine. Elle est d'abord pragmatique et fondée sur une vision de la place des Etats-Unis dans le monde et de leurs intérêts. C'est le fil directeur de la diplomatie des administrations qui se sont succédé à la Maison Blanche. On peut ne pas y souscrire, mais tomber dans les poncifs est puéril et inefficace. Aux Etats-Unis, les élites ont défini les enjeux pour les décennies à venir. Les réponses à apporter et les politiques publiques à mener sont l'objet du débat démocratique, mais pas les objectifs. C'est ce mode de fonctionnement qui est à la base de la puissance des USA et c'est aussi ce qui fait sa force. Leurs élites sont intégrées et informées du processus de décision.