Les lignes de force du débat ayant marqué le de Forum de Paris tenu récemment à Casablanca nont pas été les mêmes pour les différents intervenants venus livrer leurs réflexions. Pour le cas du Maroc, le ministre de lEconomie et des finances, Salaheddine Mezouar, appelle à la vigilance face à la crise. Dans son allocution, il a souligné que pour la période post-crise, il faut développer les capacités dexportation des entreprises marocaines. La diversification des marchés extérieurs ainsi que celle des produits sont indispensables. S. Mezouar a rappelé dans son allocution que les moteurs dexportation restent faibles. Il y a un décalage entre le tissu productif et les marchés extérieurs, dit-il. Laprès-crise implique aussi, selon lui, le renforcement des capacités dexécution et de coordination des grands projets, notamment ceux du Plan Maroc Vert et du Plan Emergence. Si Mezouar a insisté sur les exportations marocaines, les experts ont livré des réflexions dordre global. Pour eux, les décisions prises pendant cette période auront des conséquences pour lavenir. Les décisions quauront à prendre au cours des cinq prochaines années les peuples et leurs décideurs sont donc plus lourdes de conséquences que celles qui attendaient leurs prédécesseurs, après la crise de 1929. Albert Mallet, président du Forum, affirme que pour «préparer laprès-crise, il faut dabord une lecture sans fard des causes historiques de la crise». Selon lui, les mesures annoncées cherchent à parer au plus pressé. Quant aux mesures structurelles envisagées, elles prendront du temps. Certains experts ont souligné les graves insuffisances des solutions avancées jusquici par les pays du G20. Les moyens mis en ?uvre - colossaux aujourdhui et astronomiques au cours de lannée 2009 - seront probablement insuffisants pour résorber la crise que le monde va connaître. Pour certains économistes, les réponses à la crise, qui est avant tout celle du capitalisme, doivent être différentes et structurelles par rapport à celles que lon a connues par le passé. C'est un retour aux principes fondamentaux d'une croissance saine, au premier rang desquels se situe l'investissement en faveur de l'innovation, qui permettra de sortir durablement de cette turbulence et d'atténuer les futures crises. Ces mêmes économistes ont parlé de lapprofondissement de la régionalisation comme étant une des tendances fortes qui sortiront de laprès-crise. Va-t-on donc assister à la naissance de nouvelles forces économiques et donc à un repositionnement des économies à linternational ? Citant le cas de la relation euro-maghrébine, les experts ont souligné que lEurope étant embourbée dans une croissance molle, les ménages des classes moyennes au Maghreb constituent désormais un débouché pour ses entreprises. A titre dexemple, le commerce de la France avec le Maghreb représente trois fois la valeur des échanges avec la Chine. La présence dune vaste zone de production et de partenariats dans la Méditerranée savère plus que jamais nécessaire. Celle-ci serait une sorte de laboratoire de gestion de nouveaux équilibres mondiaux. En plus, cela se traduira par une hausse de lattractivité dune région qui se contente pour linstant dune portion congrue du vaste marché mondial de linvestissement. Les chiffres avancés par lAgence marocaine de développement de linvestissement parlent deux-mêmes. La Méditerranée représente aujourdhui 3% des flux internationaux des investissements. En excluant la Turquie et Israël, sa part tombe à 1,5%. Autant dire que tout est à refaire dans ce domaine. Alternatives A part la réflexion relative à léconomie réelle, les experts financiers ont appelé à la mise en place de nouvelles réglementations du système financier. Pour Albert Mallet, il ne faut plus laisser faire ceux qui ont mis le monde en difficulté. Face à ces réflexions, des experts ont évoqué dautres crises oubliées. Ils ont souligné ce quils ont appelé une piste pour un monde plus juste, équitable, durable. Pour Mohamed Berrada, professeur universitaire, après la crise financière, «nous sommes désormais dans la récession économique, et tout le monde craint une dépression sociale». Paradoxalement, c'est désormais l'après-crise qu'il nous faut envisager et préparer, dit-il. Mohamed Berrada fait allusion à la condition humaine dans ce qui sera le monde de demain. Selon lui, ce qui se passe aujourdhui est le témoin de la disparition du politique, de leffacement de lentreprise productrice de valeur ajoutée, de la promotion du rentier et du magicien de la valeur boursière. Et laprès-crise veut dire, selon lui, «retrouver la boussole et la pendule qui donnent du sens à la condition humaine». Lhumanité doit connaître une bifurcation systémique, celle qui reconnaîtra que la démesure de léconomie soppose à la finitude du monde. Cela ne passera pas par leffacement de lindividu souverain. Mais cela passera par la promotion dune culture de limmanence. Boussole et pendule seront assez imprécises et permettront de mettre fin aux orgies de linstant qui caractérisaient le monde davant la crise. Ce qui veut dire que reconstruire la boussole et la pendule est probablement un projet fort complexe. Le retour dune politique complètement inattendue pourra-t-il prendre racine et redonner au monde un sens aujourdhui disparu ? Il sera peut-être plus facile de contenir léconomie, mettre fin ou limiter sa démesure, que de revenir sur lindividualisation de la société. Cest dans ce sens quAlbert Mallet déclare que laprès crise nest pas pour demain car, encore une fois, il faut examiner lhistoire pour se rendre compte que ce monde qui serait en émergence connaîtrait une situation nouvelle. Sagira t-il de la naissance de pôles puissantes nouveaux ? M. Berrada précise quil ne sagit pas de reconstruire lancien monde mais de dégager les forces qui, au final, risquent de structurer celui qui est en devenir.