En fin dannée, les journalistes infligent à leurs lecteurs une révision de cours. Ils passent en revue les évènements jugés les plus importants de lannée écoulée. Cela part dun bon sentiment. Dans le brouhaha de linfo, retenir un instant le temps qui court, arrêter la pendule in extremis. En cessant de taper sur un clou qui chasse lautre, la presse espère enfin distinguer limportant de laccessoire. Le journaliste joue à lhistorien, il se flatte. Et plus prosaïquement, il peut ainsi décrocher de lactualité et son devoir de vacances accompli, partir pour les fêtes lesprit à peu près tranquille. Au Proche-Orient, il est facile de faire un bilan. Et habituel de faire des prophéties. Cest sans risques : en 2010, le drame des Palestiniens sera autant un sujet dactualité quen 2009. Il séternise depuis soixante ans. Il saggrave depuis dix ans. Lannée avait commencé sous les bombes. Elle se termine avec la relance de la colonisation. Le ministère israélien de lHabitat vient de lancer des appels doffres pour 700 logements à Jérusalem-Est. Quelques jours plus tôt, le procureur avait demandé à la Haute cour de justice dautoriser lacquisition de terres en bordure de la colonie dOfra, terres dont les Palestiniens ont été chassés et les habitations détruites par les colons au mépris de toutes les lois. En nationalisant ces terrains et en assumant a postériori lextension de la colonie, les autorités israéliennes agissent en contradiction flagrante avec les principes quils défendent publiquement. Cest encore et toujours la politique du fait accompli. Israël lapplique à la fin 2009 en Cisjordanie comme au début de lannée à Gaza. On rappelle les chiffres de lopération «Plomb durci». Ils sont éloquents : 1.450 Palestiniens tués, dont près de la moitié de femmes et denfants. En face, la mort de 13 Israéliens, soit à peu près cent fois moins. Létat-major hébreu a appliqué la doctrine «zéro mort» importée des Etats-Unis. Il na pris aucun risque, si ce nest dêtre accusé de crimes de guerre. Il lest, notamment par le rapport Goldstone. Cela ne semble pas gêner outre-mesure Ehud Barak qui a gardé son poste de ministre de la Défense. On sent quil est prêt à recommencer. On a sans doute raison puisque Benyamin Netanyahou prétend quune nouvelle guerre avec le Hamas est inéluctable. Il cherche à en convaincre le monde entier. Il persiste à expliquer que la levée du blocus de Gaza est impossible puisque «Israël ne négocie pas avec un groupe terroriste». Alors même quil sest employé à priver Mahmoud Abbas de toute autorité et quil marchande avec la direction islamiste léchange de Guilad Shalit contre un millier de prisonniers palestiniens Un an après, les Gazaouites commémorent ces 22 jours dApocalypse. Le Hamas prétend célébrer une victoire. La seule quil ait remportée : rester en place. Contrairement à ce que racontaient les stratèges de Tel-Aviv, la population na pas cherché à faire payer à la direction du mouvement les souffrances endurées. Soumis à la punition collective que constitue le blocus, les Palestiniens ne se sont pas rebellés contre leurs dirigeants, pas plus que les Irakiens navaient renversé Saddam Hussein ou les Cubains viré les frères Castro. Cest plutôt le contraire : le Hamas a reconstitué son arsenal et renforcé son contrôle sur le territoire. Il a fait descendre dans les rues cent mille manifestants, il y a deux semaines. Il renforce aussi son influence, au point dinquiéter en Egypte. Le retour des prisonniers devrait doper la propagande islamiste et marginaliser ceux qui accusaient le Hamas davoir pactisé avec Israël en respectant le cessez le feu. Pour le Hamas, tout va mieux. Pour les habitants de Gaza, tout empire. Le désastre humanitaire est total. Limpasse politique aussi. Pour larmée israélienne, tout va mieux aussi. En 2009, elle a reconstitué sa capacité de dissuasion. Mais les Israéliens risquent de le payer cher en 2010 : jamais lEtat hébreu na été aussi isolé. Et son image de marque sest considérablement dégradée. Jusquaux Etats-Unis, cest tout dire.