À Meknès, en marge du Salon International de l'Agriculture au Maroc (SIAM), les témoignages d'acteurs africains venus du Sénégal et de Côte d'Ivoire soulignent la montée en puissance d'une coopération agricole africaine tissée autour du Maroc, sous l'impulsion de la FISA et de la Confédération Africaine pour le Développement de l'Agriculture (CADA). Créée en décembre 2023, en droite ligne des orientations royales pour renforcer la coopération Sud-Sud, la CADA rassemble aujourd'hui 19 pays africains. « Son objectif est de promouvoir les échanges intra-africains, de transférer la technologie et le savoir-faire marocain aux partenaires africains, mais aussi d'uniformiser les procédures administratives et douanières pour fluidifier le commerce agricole entre les membres », explique Mustapha Jamali, coordinateur de la Fédération Interprofessionnelle du Secteur Avicole (FISA). Depuis plusieurs années, la FISA a fait de la formation un levier central pour ancrer cette dynamique. Plus de 3 000 professionnels africains ont été formés depuis 2015 dans divers domaines liés à l'élevage, l'abattage et la fabrication d'aliments pour animaux. « Ces formations permettent aux professionnels africains de s'inspirer des compétences marocaines. Les résultats sont significatifs : de nombreux bénéficiaires ont lancé des unités d'abattage, des fermes d'élevage, et même structuré leurs filières en créant des fédérations sur le modèle marocain », précise Mustapha Jamali. Une coopération tangible sur le terrain Pour Babacar Ba, trésorier général de l'Interprofession Avicole du Sénégal (IPAS), cette coopération dépasse la simple formation. « Nous sommes venus sur invitation de la FISA pour une formation sur l'élevage des reproducteurs. Cela va beaucoup nous aider à mieux développer et organiser notre filière avicole au Sénégal », souligne-t-il. Le SIAM a également été l'occasion pour les délégations africaines de mesurer l'envergure internationale de l'agriculture marocaine. « C'est une foire d'une dimension impressionnante qui nous inspire beaucoup pour impulser des changements chez nous », confie Babacar Ba. Un sentiment partagé par Moussa Sorot, représentant d'une entreprise leader de la filière avicole en Côte d'Ivoire : « Cette formation sur le management des reproducteurs nous a permis d'éviter de nombreuses erreurs. La FISA est totalement rodée à l'organisation de formations de qualité. Cela se traduit directement par une meilleure professionnalisation de notre filière. » Selon Moussa Sorot, l'impact est déjà visible en Côte d'Ivoire, avec un renforcement notable des compétences et une montée en autonomie des éleveurs. « Le Maroc est pour nous un exemple, non seulement en matière de développement de la filière avicole, mais aussi de réglementation. » Un secteur avicole marocain en transformation Au Maroc, malgré les défis rencontrés lors de la pandémie de Covid-19 et l'impact récurrent de la sécheresse, le secteur avicole se maintient. « Les agriculteurs ont continué à approvisionner les marchés, parfois au prix de grandes pertes », rappelle Mustapha Jamali. La FISA, dans le cadre du contrat-programme 2020-2030 signé avec l'Etat, s'est fixée des objectifs ambitieux : produire plus de 940 000 tonnes de viande blanche par an, toutes abattues dans des structures industrielles agréées et contrôlées. Cette exigence de qualité est d'autant plus cruciale en vue d'événements d'envergure, comme la Coupe du Monde 2030 que co-organisera le Maroc. « Nous travaillons à la création d'abattoirs de faible capacité pour structurer l'aval de la filière et réduire l'impact des intermédiaires, qui restent un vrai handicap pour les producteurs », insiste Mustapha Jamali. Depuis 2020, la FISA a accompagné 30 projets, dont trois abattoirs déjà opérationnels. Les prix sous tension, mais maîtrisés Sur le front des prix, le secteur avicole marocain fait preuve de résilience malgré la hausse des coûts mondiaux des matières premières. Aujourd'hui, le poulet de chair est vendu en moyenne entre 15 et 16 dirhams le kilo vif au niveau de la ferme, alors que le prix moyen des œufs de consommation se situe autour de 0,85 dirham l'unité. « Ces prix restent parmi les plus bas de la région, malgré la flambée des coûts de l'aliment de bétail, de l'énergie et des intrants importés », souligne Mustapha Jamali. Dans ce contexte, la FISA appelle à un appui renforcé pour soutenir les producteurs, notamment par une meilleure organisation des marchés et la réduction des intermédiaires, afin d'assurer un prix juste aussi bien pour l'éleveur que pour le consommateur. Une dynamique qui inspire l'Afrique Au final, le modèle marocain ne se contente pas de former : il inspire la structuration de filières entières sur le continent. « Nous sommes heureux que la FISA puisse coacher l'IPRAVI en Côte d'Ivoire. C'est pour nous une vraie opportunité de montée en compétences et d'indépendance dans la production », conclut Moussa Sorot.