Pourtant sans eau courante ni électricité, il espère attirer des touristes, qui se font encore rares, preuve en est, un dimanche matin, le bar-restaurant du vieux Kossi, à deux pas du village, est complètement désert. Les Gabonais aisés et les expatriés de Libreville préfèrent les rares hôtels haut de gamme de la péninsule quand ils veulent s'offrir des journées de farniente, des raids en quad, des tours de jet-ski ou des safaris 4x4 pour voir des singes, des buffles ou des éléphants. « Le parc ne nous amène pas de touristes et on veut développer le tourisme communautaire », explique le guide Gérard Adande Avili, 47 ans, qui a lui-même aménagé des chambres d'hôtel dans sa maison de bois au bord de la mangrove. Sa cible: « les Gabonais lambda qui n'ont pas de gros moyens mais veulent s'évader de la capitale, prendre du bon temps, retourner aux sources ». Pour l'instant, rares sont les visiteurs attirés par la « randonnée royale » que propose ce descendant du roi Rapomtchobo sur les tombes de ses ancêtres et dans un petit musée en forme de case ronde construit grâce à des aides de feu le président libyen Mouammar Kadhafi, à l'époque où il se rêvait en « roi d'Afrique. On y découvre l'histoire du chef mpongwé qui permit aux colons français de s'installer au 18ème siècle. Pour atteindre les lieux depuis Libreville, il faut partir d'un embarcadère aux allures de chantier naval, traverser en pirogue l'estuaire du Komo puis la rivière Denis, puis marcher dans la forêt dense, soit une heure et quart de voyage au total. Le Gabon, « le dernier eden » de la planète Les touristes étrangers sont rares ici et ailleurs, même si ce pays d'Afrique centrale se présente comme « le dernier eden » de la planète, en vantant son territoire couvert à près de 90% de forêts abritant une biodiversité inouïe. « Que ce soit les dirigeants, que ce soit la population, nous n'avons pas la culture touristique parce que nous avons mis l'accent sur le pétrole. Et nous avons oublié le potentiel touristique de notre pays alors que, je le dis franchement, le Gabon peut vivre de son tourisme », explique l'énergique ministre du Tourisme, Pascal Ogowet Siffon. Il espère ainsi doubler le nombre de touristes étrangers dans le pays, actuellement de 350.000 par an. « Le principal frein, c'est le prix du billet d'avion, très cher (donc) peu accessible, et les formalités laborieuses de visa », prévient Amelia Da Costa Soares, 40 ans, co-propriétaire du River Lodge, un hôtel-restaurant haut de gamme de la Pointe, qui malgré son cadre idyllique, n'ouvre que le week-end à part pour des séminaires. « Les réseaux routiers posent beaucoup de problème, il y a plein d'endroits magnifiques où on ne peut pas aller parce qu'il n'y a pas d'accès, même en 4x4. C'est un problème qui nous dérange tous, d'autant que la destination Gabon est vraiment chère », ajoute Guichely Ngoma, un jeune opérateur de Libreville qui se démène pour proposer voyages organisés et circuits sur mesure dans les profondeurs du pays. «Quand un touriste veut aller quelque part, il met l'argent qu'il faut: ceux qui veulent satisfaire leur curiosité (y) arrivent, quelles que soient les conditions », nuance le ministre du Tourisme, en racontant comment des visiteurs venus observer des gorilles dans le célèbre parc de Loango ont préféré traverser une rivière à la nage plutôt que renoncer au but final de leur excursion. Pour leur part, les richissimes amateurs de pêche sportive, eux, prennent l'hélicoptère de Libreville pour accéder au lodge de Sette Cama Adventure, un spot mondialement réputé entre lagune et océan au sud de Loango, avec des séjours "exclusifs" à environ 10.000 euros la semaine, billet d'avion pour le Gabon non compris. "La demande est supérieure à l'offre", se réjouit le ministre du Tourisme qui compte sur le "potentiel énorme du Gabon, sa forêt vierge, ses 950 km de côtes" pour développer un "tourisme sélectif" tout en permettant aux Gabonais de découvrir leur pays à prix abordables. Le guide Gérard Adande mise lui sur l'écotourisme pour faire vivre les villages de la Pointe, que les jeunes désertent pour la capitale, laissant la forêt engloutir les maisons abandonnées et les plantations dévastées par les éléphants. La difficulté selon Juste Loubangoye Ozavino, son neveu forestier, qui a aussi 42 ans, est de réussir à la fois "à s'ouvrir à d'autres communautés et à préserver le côté mystique" de la péninsule. "Nous sommes un peu les gardiens, on a les clefs" pour y vivre en harmonie, dit-il: "C'est un système aussi bien visible qu'invisible, et il faut respecter certaines conditions" pour ne pas irriter les génies des eaux et de la forêt.