La crise liée à la rupture de stock de la méthadone, un médicament essentiel dans le traitement de l'addiction aux opioïdes, prend un nouveau tournant. Après l'alerte lancée, il y a deux semaines, par plusieurs associations engagées dans la santé publique, c'est au tour du Syndicat national de la santé publique(FDT) section Tanger-Tétouan-Al Hoceïma, d'entrer en ligne. Fermeture de centres ? Réagissant aux incidents liés aux différents sit-in des malades tenus jeudi, le syndicat dénonce « la dégradation des conditions professionnelles dans les cinq centres de traitement des addictions de la région ainsi que la multiplication des agressions physiques et des attaques contre le personnel de santé, en particulier dans les centres de Tétouan et de « Bir Chifa » à Tanger ». « Pour la sécurité du personnel de santé ainsi que celle des patients en sevrage sévère, le syndicat réclame de réduire au minimum l'activité des services de santé dans ces centres jusqu'à ce que le traitement à la méthadone soit de nouveau disponible », explique à L'Observateur du Maroc et d'Afrique Hamza Ibrahimi, Secrétaire régional du syndicat national de la santé publique, section Tanger-Tétouan-Al Hoceïma. Une crise dont les prémices remontaient à plus d'un mois et dont l'évolution inquiétait déjà les activistes de la santé. Début mars, une alerte a été lancée par quatre associations à savoir l'ALCS, l'International Treatment Preparedness Coalition – ITPC MENA, l'Association Hasnouna de soutien aux usagers de drogues (AHSUD) et l'association nationale de réduction des risques. Son objet ? Mettre en garde contre l'impact de l'épuisement imminent du stock de méthadone. Impact Ces associations avertissaient en effet contre « les répercussions désastreuses sur la santé des patients concernés, en particulier les personnes vivant avec le VIH et celles atteintes d'hépatite B et C ». « Le risque est grand de voir cette crise sanitaire se transformer en crise humanitaire et sociale », notent les quatre associations dans leur communiqué conjoint rendu public. Une réaction à la circulaire du ministère de la santé adressée aux centres d'addictologie du Maroc. « La tutelle appelait en effet à la rationalisation et à la réduction des doses de la méthadone administrées aux patients pour faire face à la pénurie et au retard d'approvisionnement », nous explique Ibrahimi. Dans leur communiqué, les associations expliquent que ce traitement est d'autant « vital pour cette catégorie » car ayant un rôle central dans la réduction des risques sanitaires et sociaux liés à la consommation de drogues dures. « La méthadone contribue ainsi à la stabilité psychique et sanitaires des patients et à leur réinsertion sociale », argumentent le collectif. Versant dans le même sens, le secrétaire régional du syndicat exprime son inquiétude par rapport à la sécurité des professionnels et face à la détérioration des conditions de travail dans les cinq centres d'addictologie de la région. « Ces patients sont en sevrage sévère. Ce sont pour la plupart des personnes en situation de vulnérabilité socio-économique souffrant de troubles psychiques. On ne peut pas prévoir leur réaction et on a déjà enregistré des incidents alarmants de patients qui se sont fait mal en s'auto-lacérant à l'arme blanche, un autre a même tenté jeudi de se jeter d'un immeuble... », explique Hamza Ibrahimi. Sevrage sévère Ce dernier décrit une situation alarmante où le personnel de santé y est laissé seul face à des patients agités, exposé à des risques constants d'agressions, de violences et de mauvais traitements de la part de patients mal sevrés. « Ces derniers sont impuissants face aux syndromes de sevrage sévères provoqués par l'interruption de l'approvisionnement en méthadone et l'absence de la dose médicale quotidienne pour la troisième semaine consécutive », déplore le syndicat. Ce dernier affirme que malgré les interventions de l'administration au niveau régional et provincial et les efforts des professionnels de santé pour accompagner les patients et tenter d'atténuer les effets du sevrage par des méthodes de traitement classiques, mais à l'efficacité limitée. « La situation actuelle constitue une menace réelle et grave pour la sécurité physique du personnel de santé, mettant en péril les garanties et conditions de continuité du travail et de présence effective dans les lieux de travail », ajoute le syndicaliste. Ce dernier nous apprend par ailleurs que le centre de Tétouan a été fermé ce vendredi tandis que ceux de Tanger restent ouverts. « Les centres de Tanger concentrent un grand nombre de patients. Rien que « Bir Chifa » accueille 680 patients. Je vous laisse imaginer l'ampleur de la menace pour la sécurité des malades, du personnel et même des agents et des éléments de la sécurité », conclut Ibrahimi.