Après une semaine de vacances, les élèves regagnent leurs établissements scolaires ce lundi 3 février 2025. Une reprise qui soulève des interrogations quant au risque accentué de propagation de l'épidémie de la rougeole. Ce retour s'effectue en effet après une période marquée par un important mouvement de déplacement à travers le Royaume doublé de réunions et de rassemblements familiaux et de contact humains appuyé. Risque « Après les déplacements au cours des vacances scolaires, le risque épidémique s'amplifie. Après une dizaine de jours d'écoles vides, l'épidémie ralentira pour deux ou trois semaines, avant de reprendre à cause du faible niveau d'immunité collective », alerte Dr Taib Hamdi, médecin chercheur en politiques et systèmes de santé. D'après Dr.Hamdi, les vacances scolaires jouent, de manière indirecte, un rôle dans la résurgence de cette épidémie. Selon le spécialiste, les déplacements et les rassemblements familiaux favorisent l'augmentation du taux de transmission de l'infection car les élèves pourraient, de manière involontaire, ramener le virus « dans leurs bagages ». Ils augmentent ainsi le risque de contamination au sein de leurs foyers mais aussi à l'école et parmi les autres groupes de la population. « Ce qui est susceptible de compliquer la situation sanitaire, notamment dans un contexte de baisse des taux de vaccination », alerte le spécialiste. Immunité collective « Le contrôle de la rougeole nécessite l'atteinte d'un taux d'immunité d'au moins 95 % dans la population », précise Dr Hamdi, ajoutant que la la baisse du taux de vaccination risque d'engendrer des vagues récurrentes de l'épidémie. Une situation qui ne peut être maîtrisée qu'à travers une campagne de vaccination globale et durable. « Tant que nous sommes en dessous de 95% de la population non immunisée contre la rougeole, la maladie continuera de se propager sous forme d'épidémie », spécifie le médecin. Ce dernier nous explique par ailleurs que deux options s'offrent au Maroc pour acquérir cette immunité collective. « Ce taux d'immunité sera atteint soit par la vaccination et des vies seront sauvées. Soit par la maladie avec comme sacrifice des vies perdues, des handicaps à vie et une vie scolaire et socioéconomique perturbées », met en garde le spécialiste. Il explique que dans le dernier cas de figure, et malgré les sacrifices en vies humaines, la maladie persistera encore et restera épidémique parmi les nourrissons et les enfants à naitre. Rappelons que l'état d'épidémie a officiellement été déclaré lorsque la rougeole avait contaminé 25.000 personnes et causé 120 morts selon des chiffres officiels. Si selon le ministère de la santé le Maroc a atteint « le stade d'élimination, avec moins d'un cas par million d'habitants par et qu'on est revenu à la phase de contrôle », une action rapide reste nécessaire pour dépasser « la zone de turbulence ». Interrogé sur les mesures adoptées dans les établissements scolaires pour lutter contre la rougeole, Dr Hamdi estime qu'elles sont indispensables et vitales, mais restent insuffisantes à elles seules pour freiner la propagation du virus. Il rappelle que la rougeole figure parmi les maladies infectieuses les plus dangereuses, pouvant entraîner des complications graves telles que l'encéphalite ou la pneumonie, bien qu'elle soit aisément évitable par la vaccination. Réapparition d'autres maladies L'expert des systèmes de santé met en garde également contre « le recul des taux de vaccination » qui ne concerne pas uniquement la rougeole. Selon les spécialistes, la résurgence de la rougeole est directement liée à la baisse des taux de vaccination aggravée par un scepticisme croissant vis-à-vis des vaccins en général. Selon Dr Hamdi, le Maroc court ainsi le risque de voir apparaître d'autres maladies infantiles, telles que la coqueluche, la diphtérie ou la poliomyélite, menaçant l'ensemble du système de santé si des mesures strictes ne sont pas prises. Dans ce même contexte, le spécialiste appelle à la mise en place de campagnes de rattrapage de vaccination à grande échelle, ciblant tous les élèves et enfants de moins de 18 ans, afin d'atteindre un taux d'immunité collective de 95 %. Il insiste sur la nécessité de renforcer durablement la couverture vaccinale en veillant à ce que tous les enfants soient vaccinés selon le calendrier national, et non pas uniquement lors de campagnes ponctuelles. Il rappelle par ailleurs, les adultes nés après 1980, qui n'auraient pas été entièrement vaccinés ou qui n'auraient jamais contracté la rougeole, afin de garantir leur immunisation, particulièrement au sein des groupes les plus vulnérables. Enquête et audit Pout conclure Dr Hamdi appelle à mener des enquêtes approfondies et des audits au sein du ministère de la santé et de la protection sociale pour identifier les véritables raisons derrière le net recul des taux de vaccination ces dernières années. Il suggère que l'impact de la pandémie de Covid-19 et la réticence de certaines familles à faire vacciner leurs enfants pourraient être en partie responsables. Des facteurs qui ne peuvent toutefois pas expliquer à eux seuls cette chute dramatique. Il appelle également à examiner le manque de rigueur dans la délivrance des vaccins dans les centres de santé, le déficit en ressources humaines, les grèves récurrentes, le manque de motivation des professionnels de santé impliqués dans les programmes de vaccination ainsi que le relâchement de la surveillance épidémiologique. Autant de facteurs ayant permis à la rougeole de se propager sans être détectée à temps, déplore le spécialiste. Ce dernier appelle par ailleurs à lancer une étude urgente pour comprendre les causes profondes de l'hésitation vaccinale des parents « qui touche un pays qui a été depuis plusieurs années leader mondial de la vaccination des enfants contre les maladies cibles », conclut Dr Hamdi.