Les marchandises marocaines, en particulier les produits agricoles, destinées en Europe font actuellement face à des défis importants en raison d'actes de vandalisme sur les camions de transport. En Espagne ou encore en France, des tonnes de marchandises sont endommagées lors d'actes de sabotage perpétrés par des agriculteurs locaux protestant contre diverses problématiques. « Pas de statistiques précises sur le nombre de camions vandalisés ni sur la valeur des marchandises détruites. Actuellement, nous recueillons des informations en vue d'un recours collectif, car il est crucial d'évaluer l'ampleur de la situation », confie à l'Observateur du Maroc et d'Afrique Amer Zghinou, président de l'association marocaine du transport routier international (AMTRI). Même son de cloche du président de la COMADER, Rachid Benali. Il souligne que ce qui préoccupe profondément la profession n'est pas simplement la quantité ou la valeur des pertes subies. Le véritable enjeu réside dans l'impact sur la réputation du secteur. « Les pertes financières peuvent varier, mais c'est l'image de notre secteur qui est véritablement en jeu », insiste-t-il. La grogne des transporteurs Aujourd'hui, ce sont près de 1.200 à 1.300 camions qui traversent le détroit chaque jour en direction de l'Espagne, de la France et d'autres pays. Amer Zghinou explique que la vague de protestations des agriculteurs touche plusieurs pays européens et la majorité des transporteurs marocains voient leurs camions bloqués et leurs cargaisons endommagées. « Les instructions sont claires : on demande aux chauffeurs de ne pas risquer leur vie, de prendre des images de l'incident et de ne pas rentrer en altération avec les agriculteurs locaux en colère», souligne le président de l'AMTRI. Finalement, ce sont les transporteurs qui sont contraints de rembourser la valeur des marchandises endommagées en l'absence de couverture d'assurance pour de tels actes de vandalisme. «Les contrats d'assurance internationaux conclus entre les transporteurs et les compagnies d'assurance ne couvrent aucun dommage résultant d'actes de vandalisme, obligeant ainsi les transporteurs à assumer individuellement tous les coûts des pertes subies. Il s'agit de sommes considérables que les transporteurs devront assumer, étant donné qu'ils portent la responsabilité légale de la sécurité des marchandises transportées », fait-il remarquer. Il reconnaît également qu'une minorité de transporteurs parviennent de leur côté, à trouver un arrangement convenable avec leurs clients. "En tant que transporteur, un camion à l'arrêt nous coûte à l'étranger environ 400 € par jour", souligne Amer Zghinou, président de l'AMTRI. Amer Zghinou ajoute par ailleurs que ces grèves entraînent d'importants retards dans les livraisons, ce qui dévalorise le produit marocain, étant donné qu'il perd deux ou trois jours de sa fraîcheur, surtout lorsqu'il s'agit de produits agricoles. De plus, « en tant que transporteur, un camion à l'arrêt nous coûte à l'étranger environ 400 € par jour », déplore t-il évoquant les autres difficultés auxquels font face les chauffeurs notamment la problématique des visas d'entrée, et une capacité de carburant limitée à 200 litres. En l'absence de réaction de la part du ministère des Transports au Maroc, au niveau international, l'Union internationale des transports routiers (IRU) a appelé la Commission européenne à intervenir. L'IRU exhorte également les Etats membres concernés à maintenir ouverts les corridors commerciaux essentiels et à garantir la libre circulation des marchandises. Raluca Marian, Directrice du plaidoyer auprès de l'UE de l'IRU, a déclaré : « La situation le long des corridors commerciaux vitaux de l'Europe est profondément préoccupante. Les blocages routiers et les perturbations causés par les manifestations des agriculteurs risquent de causer des retards dans la livraison des marchandises, de perturber les chaînes d'approvisionnement industrielles et de menacer l'accessibilité aux denrées alimentaires, aux médicaments et à d'autres produits essentiels. » L'inquiétude des agriculteurs Les agriculteurs marocains ne sont pas restés les bras croisés non plus. Après avoir exprimé leur désarroi dans un communiqué il y a deux semaines, la COMADER a décidé de franchir une étape décisive en portant plainte contre les agriculteurs espagnols. « Nous avons déposé une plainte contre X auprès de la justice espagnole. C'est elle qui devrait statuer dans cette affaire préjudiciable à l'image de marque du Maroc et à la réputation des acteurs locaux », fait savoir Rachid Benali à l'Observateur du Maroc et d'Afrique. Il précise également que « Non seulement ils détruisent la marchandise, mais ils émettent aussi des allégations infondées à l'égard du produit marocain, suggérant qu'il contient des résidus de pesticides dépassant les normes ainsi que certains types de pesticides non autorisés alors que ces produits ne sont même pas autorisés au Maroc et sont interdits depuis 2021 ». "Nous avons déposé une plainte contre X auprès de la justice espagnole. C'est l'image de notre secteur qui est véritablement en jeu", explique Rachid Benali, président de la COMADER Selon lui, les produits agricoles marocains font malheureusement l'objet de stigmatisation. Il affirme qu'il est temps de leur rendre justice. En ce qui concerne la confiance des clients européens, il ajoute : « Ils continuent à nous faire confiance pour le moment, mais des doutes persistent, et nous sommes vraiment inquiets pour l'avenir, craignant que cela n'affecte notre réputation. » Benali souligne également un acharnement de la part de la presse espagnole et française contre les produits marocains, qui sont parfaitement légaux. Il déclare : « Nous avons des contrats et un accord de libre-échange très clair. Nous n'opérons pas dans l'illégalité. Et si nous portons cette affaire devant la justice aujourd'hui, c'est parce que nous avons confiance en nos produits. » En ce qui concerne la prochaine étape, il indique : « Si le mouvement se poursuit en France, nous prendrons des mesures similaires devant les tribunaux français. Et si la situation s'aggrave, une riposte sera automatique. Nous devrons agir de la même manière. Les produits importés de ces pays devront également être bloqués, tout en respectant les lois en vigueur ».