Les efforts déployés par les grandes Banques centrales visant la stimulation d'une reprise économique en fournissant une orientation sur les taux d'intérêt directeurs pourraient mettre en danger le système financier mondial. C'est le message d'avertissement que viennent de lancer les principaux économistes de la Banque des règlements internationaux (BRI). Les investisseurs sont encouragés à prendre des risques parce qu'ils croient que la « forward guidance » (orientation prospective sur les taux d'intérêt) les mettra en garde contre des hausses imminentes des taux d'intérêt, selon une étude publiée par l'institution appelée la Banque des Banques centrales. Cela pourrait également se traduire par une baisse des taux pendant trop longtemps. Et pour cause ! Les Banques centrales craignent la réaction des marchés à une hausse des taux, ce qui alimente des comportements plus risqués. La forward guidance que les quatre principales Banques centrales du monde ont entreprise pourrait augmenter le risque d'une « accumulation malsaine de déséquilibres financiers », soutiennent les économistes Andrew Filardo, chef de l'unité de la politique monétaire de la BRI, et Boris Hofmann, économiste au sein de la même institution. Ce choix pourrait également provoquer une panique chez les investisseurs en cas de changement inattendu. Les résultats soulèvent d'autres questions sur l'usage de la forward guidance par la Banque de l'Angleterre. Mark Carney, le nouveau gouverneur de la BoE, a fait de la forward guidance sa grande idée pour relancer l'économie britannique lorsqu'il a pris les commandes de la banque l'an dernier. En août dernier, la BoE s'est engagée à maintenir le taux à son plus bas courant de 0,5% au moins jusqu'à ce que le taux de chômage atteigne 7%. M. Carney s'est heurté à de vives critiques après la chute du chômage beaucoup plus rapidement que prévu laissant entrevoir la perspective d'une baisse des taux plus d'un an à l'avance de la date de la mi-2016 indiquée par les prévisions initiales du comité de politique monétaire. Quant à la Réserve fédérale américaine, elle a d'abord utilisé la forward guidance sur les taux d'intérêt en 2008, alors que la Banque du Japon et la Banque centrale européenne lui ont emboîté le pas en 2010 et la mi- 2013. Les économistes de la BRI ont déclaré que le fait que la Fed ait changé inopinément son orientation prospective sur les taux d'intérêt à la mi-2013 était à blâmer pour la crise des marchés émergents qui a suivi l'annonce de Ben Bernanke, alors président de la Banque centrale sur la possibilité d'un ralentissement du programme de rachats d'actifs à hauteur de 85 milliards de dollars par mois. « Si les marchés se sont focalisés sur certains aspects de l'orientation prospective, une interprétation plus large ou suggestion d'un changement de politique pourrait entrainer un état de panique », soutiennent les économistes. Et d'ajouter : « L'évolution des marchés mondiaux en mai et juin derniers, en réponse à l'annonce du tapering par la Fed, mettent en évidence un tel risque. Dans cet épisode, les marchés financiers ont fondamentalement réévalué la trajectoire des futurs taux d'intérêt aux Etats-Unis, et un sell-off du marché obligataire mondiale s'en est suivi ». Les économistes ont aussi averti qu'une évolution plus inquiétante surgirait si l'orientation prospective rend les Banques centrales si préoccupées par les réactions des investisseurs qu'elles décident de retarder la hausse des taux. « Au stade actuel, cela pourrait se traduire par un retard injustifié dans la normalisation de la politique monétaire », expliquent les économistes, soulignant que cela pourrait accroître la menace des bulles spéculatives ❚