Obsèques d'Omar Bongo. Après de longues hésitations, Nicolas Sarkozy s'est décidé à faire le voyage. Il ne veut pas donner l'impression d'adouber Ali Ben Bongo. Encore moins d'hésiter entre les différents clans qui se défient autour du cercueil même pendant l'office solennel. Si Nicolas Sarkozy fait l'aller-retour à Libreville, son geste n'est guidé ni par l'amitié envers le doyen des chefs d'?tat africains, ni par la défense des intérêts français dans cette capitale de la Françafrique (Pétrole, manganèse, uranium, bois précieux, etc.). Quoi alors ? A l'entendre, le président français a juste voulu éviter la faute de goût doublée d'une bourde politique jadis commise par Jacques Chirac et Lionel Jospin qui avaient négligé de se rendre à Saint Louis du Sénégal pour Léopold Sedar Senghor. Il tient d'ailleurs à le faire savoir alors même que Jacques Chirac son prédécesseur est sur place, venu par ses propres moyens. Peut-être aussi Nicolas Sarkozy auquel on ne connait qu'une seule passion en littérature, Louis-Ferdinand Céline, a t-il voulu se rendre dans ce Gabon morbide, décor inoubliable du «Voyage au bout de la nuit »? D'ailleurs, Omar Bongo était un personnage célinien autant qu'un sage couvert d'honneur. Et sa mort en exil, le terme d'un long crépuscule. Il s'est éteint dans une clinique anonyme de Barcelone, un comble pour un homme accusé d'avoir collectionné par dizaines les appartements de luxe, les villas et les hôtels particuliers en France. Peur de manquer ? D'être renversé? Peur de l'avenir tout simplement. L'avenir immédiat avait la figure des magistrats fureteurs et des médias prompts à le harceler. ?a l'a bloqué à la frontière française. Coincé au pied des Pyrénées lui qui respirait depuis 42 ans l'air raréfié que l'on trouve aux sommets de l'?tat. Il connaissait ses hauteurs par le détail : les gouffres, les passages improbables et le réalisme glaçant. Il a trouvé son Juge en fuyant les petits juges. L'agonie d'Omar Bongo est assez scandaleuse. A prendre au pied de la lettre les communiqués officiels, il a succombé à une maladie rare : le bilan de santé approfondi. L'heure du décès est aussi douteuse que le diagnostic. Cet homme qui aimait tant les femmes aura été brisé par la mort de la sienne. Le défunt avait aussi noyauté tous les réseaux, la Françafrique et la franc-maçonnerie, du Ps à l'UMP, des rose-croix au soufisme musulman. Mais à l'heure de la succession, le réflexe est dynastique. Eyadema avait donné l'exemple au Togo. Il n'est pas écrit que Wade, Kadhafi et Moubarak y parviennent. Ni la famille Bongo. Une page se tourne et toute une jeunesse africaine n'en peut plus d'attendre. Le présidents du Tchad et du Cameroun, les présidents congolais et les Guinéens, ceux d'Angola et de Centrafrique sont venus à Libreville lui rendre hommage. Il sont bien placés pour savoir que la sous région a besoin d'un Gabon stable. Certains l'ont dit à Nicolas Sarkozy. Il n'aura pas fait le voyage de nuit pour rien.