Plusieurs opérateurs ont adhéré au Plan Maroc Vert qui est l'occasion de mesurer le degré de mobilisation des acteurs économiques, institutionnels et financiers autour des projets ambitieux. Ainsi, le Groupe OCP lance un Fonds agricole OCP, consolidant ainsi son engagement citoyen au service des entrepreneurs agricoles. L'annonce a été faite à l'occasion de la quatrième édition du Salon international de l'agriculture de Meknès (SIAM). Ce fonds vise la promotion des projets agricoles, prioritairement dans les régions d'action OCP (El Jadida, Safi, Khouribga, Benguerir et Boucrâa), «permettant de soutenir tout porteur de projets et favorisant ainsi l'émergence de structures pérennes, compétitives et créatrices d'emplois durables». Pour mettre sous une forte lumière ce modèle de développement «agro-exportateur», L'observateur du Maroc s'est déplacé dans la région de Chtouka-Doukkala-Oualidia. Le choix de cette région n'est nullement un simple hasard. D'après Fatiha Charradi, ce premier partenariat cible une région fortement touchée par l'exode et le chômage, mais disposant de potentiels importants. Ainsi, accompagnés de F. Charradi, chargée de mission auprès de la présidence à l'OCP, nous avons rencontré les membres du bureau représentant l'OCE dans la zone El Jadida-Azemmour. Pour tirer au clair la raison d'être du partenariat OCP-OCE, Réda Bounja, de la direction «Produit», a souligné que les marchés de l'Union européenne (UE) ont été les facteurs moteurs de la croissance des exportations agricoles. Mais aujourd'hui, dit-il, la position du Maroc est fragilisée sur ces marchés. Le pays est confronté depuis les années 80 à des difficultés pour maintenir ses parts de marché face à un rétrécissement des débouchés traditionnels. L'internationalisation accrue des échanges a modifié les règles du jeu dans le sens d'une concurrence plus intense qui oblige le Maroc à redéfinir sa position concurrentielle. Cet ingénieur agronome explique que c'est dans cet objectif que s'inscrit le partenariat OCP-OCE. Il reste à savoir si, compte tenu de ces contraintes et du contexte économique d'ensemble, le Maroc parviendra à maintenir sa position concurrentielle. Du comparatif au compétitif D'après Mourad El Fadli, directeur du centre technique d'Azemmour, une stratégie globale de meilleure valorisation du produit doit guider toute politique, tant au niveau de la production que de la commercialisation. Cet ingénieur d'Etat souligne que dans un environnement international caractérisé par l'exacerbation de la compétition commerciale, il ne suffit plus de détenir un avantage comparatif (main-d'uvre) dans une production pour être compétitif. Le coût n'est plus le facteur décisif. «La maîtrise technologique, l'innovation, les performances organisationnelles sont autant d'éléments à prendre en compte». D'après lui, les possibilités d'expansion sont étroitement liées à la diversification et la valorisation des exportations. En clair, le problème essentiel qui se pose au Maroc est le passage d'une spécialisation statique basée sur l'avantage comparatif à une spécialisation dynamique axée sur l'avantage compétitif. Cependant, les moyens et petits fellahs ne peuvent aucunement faire face à ces contraintes. La valorisation et la diversification de la production agricole nécessitent une véritable politique d'accompagnement technique en amont afin de réduire le risque sur les prix et les quantités. Ainsi, et dans le cadre de sa nouvelle mission, l'OCE octroie, en amont de la filière, des avantages sous forme d'opérations techniques, qu'il prend directement en charge, et de facilités de trésorerie versées aux agriculteurs. L'objectif à court terme est de financer un besoin en fonds de roulement tel que la main-d'uvre. Ce n'est pas tout. Pour adapter la production à la demande extérieure, la variété et la qualité nécessitent l'assistance de techniciens connaisseurs pour une meilleure rationalisation en matière d'utilisation d'engrais. L'intervention peut aller jusqu'au choix de la culture la plus rentable, et ce en fonction de la qualité et de la fertilité de la terre dont l'examen nécessite la présence de connaisseurs, voire même de scientifiques. Chose que l'équipe de techniciens est prête à prendre en charge. Or de tels actes engendrent des coûts. D'où l'intervention du groupe chérifien. F. Charradi, précise que le Groupe OCP apporte son soutien à l'OCE dans sa mission d'agrégateur pour le préfinancement des intrants et l'appui aux projets créateurs de valeur. La vision, confie-t-elle, s'inspire également, d'une certaine manière, de l'esprit du commerce équitable et de la valorisation des produits des moyens et petits agriculteurs. Pour sa part, R. Bounja a souligné que la production agricole, bien que répondant aux normes prescrites à l'international, a besoin d'un intermédiaire pour la commercialiser aussi bien sur le marché local qu'à l'export. Ainsi la démarche proposée par l'OCE dans la mise en uvre de sa mission d'agrégation a pour objectif non seulement de mutualiser les besoins en intrants, mais aussi de prendre en charge la phase avale de commercialisation. De ce fait, l'Office, au-delà d'un simple rôle de commissionnaire, prendrait en charge les segments stratégiques de la commercialisation afin de créer un environnement technique favorable à la compétitivité des exportations. Plus, conscient de l'impact de la logistique sur les performances à l'exportation dans un contexte international de plus en plus compétitif, l'OCE développerait des actions au niveau du conditionnement et de l'emballage. Le caractère périssable des produits implique une adéquation permanente entre l'écoulement de la production et les impératifs de la commercialisation, tels que la régularité, la continuité et la qualité de l'offre. Ces objectifs, que l'OCE s'engage à réaliser, justifient la forte volonté de l'OCP à soutenir cet organisme et à dynamiser ce partenariat. Selon F. Charradi, l'idée n'est pas seulement d'associer les petits agriculteurs dans la nouvelle démarche, mais d'en faire un actionnaire du nouvel office. Pour elle, ce sera le meilleur moyen de les impliquer dans la nécessaire régulation de la production et son arrimage irréversible à l'exigence de qualité. Rompre avec le passé Au terme de la table ronde animée par «L'Observateur du Maroc» en présence des représentants de l'OCE et les chargés de mission auprès de la présidence de l'OCP, nous nous sommes dirigés vers les agriculteurs concernés par ces partenariats. Qu'en pensent-ils ? Fidèles à leur rendez-vous, les agriculteurs n'ont pas pu dissimuler leur colère et leur inquiétude. Ils ont du mal à rompre avec un passé où, pour eux, l'OCE n'a pas joué pleinement son rôle. Notre présence en tant que journaliste a été pour eux une occasion de faire entendre leur voix. Ils ont souhaité tout déballer. «Il y a dix ans, j'ai perdu 100.000 DH à cause de l'OCE» regrette un agriculteur. «Je suis à la vieille de rendre l'âme et je n'ai pas envie de souffrir encore une fois avec l'OCE» s'insurge un autre. Dur, très dur pour qu'ils cèdent l'écoute à qui que ce soit. Cependant, F. Charradi a pu calmer les esprits en soulignant qu'ils ne sont pas face à l'ancien OCE. L'annonce de l'OCP comme acteur du nouveau partenariat a profondément intéressé les agriculteurs présents. Ils ont pu apprendre que l'OCP intervient de façon quasi systématique, aussi bien en amont qu'en aval de la filière, pour promouvoir et moderniser ce secteur par la mise en place de toute une série de mesures techniques et économiques. F. Charradi a dévoilé un autre grand projet phare, celui de l'adduction d'eau dans le cadre de la sauvegarde d'Azemmour-Bir Jdid. Près de 200 millions de dirhams seront débloqués pour des projets d'irrigation avec un transfert de volume de 12 millions de m3 par an à partir du barrage Al Massira. Ce projet profitera à un millier de petits agriculteurs pour l'irrigation des parcelles équipées du goutte-à-goutte. En outre, l'OCP, à travers ce partenariat, souhaite partager l'esprit d'entreprise du groupe avec les entrepreneurs agricoles et faire de la croissance économique un moteur de progrès au niveau des différentes régions, notamment Chtouka-Doukkala-Oualidia. Pour plus de précision, F.Charradi souligne que le Fonds OCP, à but non lucratif mais économiquement viable (not for profit), est ouvert à d'autres acteurs. Il fonctionne sous un modèle de capital risque. Convaincus que la nouvelle stratégie répond parfaitement à leurs besoins, les agriculteurs déclarent qu'ils ont totalement confiance en l'OCP. C'est cette notoriété qui a permis à l'OCE de renouer avec les agriculteurs. Ainsi, a souligné R. Bounja, pour rompre avec le passé, la recherche de segments spécifiques de marché s'impose face à un marché international de plus en plus saturé. En effet, c'est dans la diversification des débouchés et des produits que les efforts doivent s'intensifier. «C'est le produit qu'il faut rendre disponible dans la continuité et le respect des normes» fait remarquer Mourad El Fadli. S'agissant des cas où la production ne peut être écoulée dans sa totalité sur le marché extérieur, R. Bounja explique que le marché intérieur représente un potentiel de croissance pour l'avenir et pourrait être une opportunité face aux difficultés d'écoulement sur les marchés extérieurs. «C'est l'occasion ou jamais pour mettre fin à la désorganisation des circuits de distribution et la multiplicité des intermédiaires, tout en contribuant à faire du marché de bouche un marché aussi bien rémunérateur que les marchés à l'exportation» prône F. Charradi. Les agriculteurs apprécient.