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«Kbert bel 3sa !»
Publié dans L'observateur du Maroc le 13 - 05 - 2009

«La bonne vieille méthode» a encore de beaux jours devant elle. Pour beaucoup, elle continue d'être assimilée à l'éducation en bonne et due forme, celle qu'auraient en commun les grands de ce monde... Une vision un peu trop étriquée des choses voudrait que les coups interviennent obligatoirement lorsque l'enfant a commis une faute ou est sur le point d'en commettre une. “Même si l'on constate un semblant de changement, il y a encore des parents ou des instituteurs qui trouvent tout à fait normal de faire passer le message en recourant à la force”, explique Fatéma Aqil, sociologue. Solution de facilité, la taloche reste la réplique (musclée) d'un adulte excédé et pas vraiment emballé par l'option du dialogue.
La guerre à la maison
«Bagdad» commence souvent à domicile lors des repas, du bain, ou des devoirs. Un rituel d'abord introduit par des menaces qui finissent par être mises à exécution. Un scénario où beaucoup se retrouveront sans jamais vouloir l'admettre. «Je ne frappe pas j'éduque, il y a nuance ». Un tel raisonnement légitime du coup tous les excès physiques ou verbaux de la part d'un père ou d'une mère. « Il est parfois plus aisé d'envoyer une gifle que de discuter. Accepter de parler, c'est accepter de se remettre en question et envisager que l'on puisse avoir tort en tant que parent et donc que l'enfant puisse avoir raison. C'est littéralement surréaliste dans un pays où la raison de l'adulte est toujours la meilleure», nous dit Amin Benjelloun, pédopsychiatre. «Que ce soit pour les coups ou les injures, ces méthodes constituent des atteintes à la dignité de l'enfant et comportent de nombreux risques pour son développement émotionnel et social. S'il est régulièrement confronté à ce genre de traitements, c'est un adulte complexé, dépourvu d'estime et de confiance en soi, que l'on obtiendra demain», précise le spécialiste. On l'aura compris, c'est le rapport de force qui prime la plupart du temps. Certainement pas par plaisir de le faire, mais parce les adeptes, eux-même élevés de la sorte ont l'intime conviction que c'est ce qui fonctionne véritablement (du moins jusqu'à un certain âge). Un enfant assimilerait mieux certains principes après avoir été corrigé à leur sujet. Seulement à bien y regarder, il semble que ce fléau touche d'avantage les couches modestes de la société. «C'est logique dans la mesure où elles sont moins sensibilisées que d'autres aux retombées néfastes de l'éducation à la dure. Les choses sont sensiblement différentes dans les milieux aisés, où les parents préfèrent s'en remettre à une éducation plus soft et donc plus épanouissante pour leur progéniture», reprend Fatéma Aqil. Une inégalité de plus qui expose presque toujours les mêmes à une spirale vaine et à la longue destructrice.
Puis à l'école…
Les faits divers faisant état de la violence des enseignants envers leurs élèves sont assez fréquents au Maroc. Classes surchargées; dépassement de l'instructeur; stress finissent très souvent par avoir raison de sa patience et entrainent les réactions que l'on sait. «Bon nombre d'instituteurs croient dur comme fer que la violence a un rôle fondamental dans l'apprentissage et la formation de l'élève. Dès lors, lui faire peur ou lui infliger de mauvais traitements devient un gage de réussite. Ceux qui se considèrent comme des références, mettent un point d'honneur à dire qu'eux aussi sont passés par là dans leur jeunesse et qu'au final, le bâton porte largement ses fruits. L'expression Kbert bel aasâ en devient presque une source de fierté... ». Inspecteur principal et coordinateur régional ? l'académie de Kenitra, Mohamed Aich est un familier de la question. «C'est encore pire en zone rurale où le maître est quasiment sacralisé. Il sait ce qui est bon pour l'enfant, participe à son ascension sociale et ne se trompe jamais. Dans certains établissements, les instituteurs sont même jugés sur leurs aptitudes à mâter les plus récalcitrants» La porte est grande ouverte, surtout lorsque l'on sait qu'à ce jour il n'existe aucune directive ministérielle prohibant de tel débordements.
Vers une violence irréversible
L'enfant battu, battra. Comme le laisse présager la maxime, toute expérience vécue finit par être retransmise d'une manière ou d'une autre. «Ces abus n'ont pour effets que ceux de faire perdre à l'enfant sa motivation et sa force de vivre» réaffirme notre pédopsychiatre. Un avis partagé par beaucoup de spécialistes. Lesquels s'accordent à dire que l'enfant n'apprend rien de cette façon, mis à part la peur et… la violence. Un revers de médaille certainement plus probable que les bonnes manières escomptées à la base.


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