Paulo Coelho vient de récidiver. Il publie chez Flammarion « Le manuscrit retrouvé ». Le lecteur sait qu'en utilisant ce titre, cet auteur brésilien dont les récits depuis son chef d'oeuvre « L'Alchimiste » se vendent en millions d'exemplaires, exploite encore une fois, en commerçant avisé, un filon d'une rentabilité déconcertante. Il a fait de « la sagesse », de « la religion », de la « spiritualité » un fond de commerce inépuisable. Les mystères religieux et métaphysiques chez cet auteur controversé font « assez bon ménage avec le marketing ». Dominique Fernandez dit de cet écrivain « qu'il a trempé sa plume dans une guimauve spiritualisante ». Comment dès lors expliquer son fabuleux succès ? Ses millions de lecteurs seraient-ils à ce point crédules et manqueraientils tellement de sens critique « qu'ils goberaient à coeur joie les fadaises » qu'il leur livre à chaque nouvelle publication ? Ce « manuscrit retrouvé » laisse en tout cas au lecteur qui a le courage de s'y hasarder une impression de déjà vu, de déjà lu. Il confirme que cet auteur ne fait que réécrire de mille et une manières un seul et même récit, son premier récit : l'Alchimiste. Paulo Coelho n'est en fin de compte qu'un marchand de « sagesse cotonneuse » et de « spiritualité vaporeuse ». Ce succès peut s'expliquer, comme peut s'expliquer cette rencontre déprimante de la spiritualité et du marketing. Il est l'un des premiers à avoir pressenti cet immense besoin du religieux que recherche l'homme moderne en désarroi devant la faillite des idéologies. Paulo Coelho a eu l'intuition rentable de vendre à cet homme désemparé de l'espoir comme d'autres lui vendent des gadgets, des recettes éthiques, des médicaments coûteux ou des « coachings » encore plus coûteux, pour qu'il apprenne à maitriser l'angoisse que fait naître en lui le néant infini de ses infinies incertitudes. Le secret de cette réussite ? Le désarroi d'une humanité perdue dans le chaos d'un monde à la recherche d'un sens à la vie, et un auteur qui a pressenti tout cela et qui a vu avant beaucoup l'émergence du religieux. Avec une expression dépouillée jusqu'à la pauvreté lexicale, il offre au lecteur un récit inspiré des textes religieux, lui enseigne qu'il peut toujours triompher des épreuves de la vie, et que ses ouvrages à lui, Paulo Coelho, sont une sorte de « guide d'accès au bonheur et à la sérénité ». Ce siècle transforme tout en produits à vendre et à acheter. J'ai lu Paulo Coelho comme des millions de lecteurs avec un plaisir enfantin, et je me suis rendu compte que l'énigme n'est pas en l'oeuvre de cet écrivain, elle est en cette caractéristique inhérente à la civilisation contemporaine qui fait que tout peut se vendre et se vend jusqu'à ainsi enrichir les plus intuitifs, les plus ingénieux, surtout les plus audacieux. Cette déviation qui transforme tout en produit de consommation, même la spiritualité. Surtout que la spiritualité a en effet de quoi nous inquiéter. Pourtant, tout pourrait s'acheter et se vendre, hormis la spiritualité, la religion, cette part ineffable de nous-mêmes à exclure de tout marchandage. Les « marchands de spiritualité » resteront légions tant qu'aucune philosophie de l'éducation réinventée ne vienne nous enseigner dans le vertige existentiel de notre temps, le comment « apprendre à vivre », le comment « bien vivre », le comment « mieux vivre ». Nous continuerons dans ce vide sidéral à confier nos angoisses à ceux qui, esthétiquement, intellectuellement, cultuellement, économiquement, et politiquement, surtout politiquement, marchandent nos espérances, nos aspirations et nos âmesкупить умный дом