Quoi que l'on dise de Freud, il restera pour toujours un grand penseur qui a mis à jour avec une grande intelligence et une infinie patience les secrets de la structure humaine. Il a été le premier à voir le sadisme au-delà de la simple jouissance sexuelle, mais dans la douleur et la souffrance du partenaire. Il existe en effet des fonctionnements sadiques qui procurent la même jouissance à certaines personnes, sans que cela ne soit lié à une quelconque pratique sexuelle. Quand on voit que dans nos sociétés maghrébines, les punitions corporelles à l'école existent toujours. Quand on voit comment sont traitées les personnes en prison ou en garde à vue par certains représentants des forces de l'ordre. Quand on voit comment sur nos routes les prélèvements à la source sont monnaies courantes par certains représentants de la loi, sinon, comment expliquer alors qu'un simple agent de l'administration peut faire la ruine ou la fortune d'un entrepreneur par une simple décision concernant une dérogation ? Dans la même logique, on peut aussi se poser des questions sur les haines intestines qui sévissent dans les milieux politiques. En somme, là où il y a un fait qui lie les hommes, il y aura toujours de la droiture et de la malhonnêteté. Il y aura tout aussi de la compassion et de la haine et surtout des gens qui se délectent à faire souffrir les autres. J'entends souvent et encore cette même question qui résonne dans mon esprit, lancée par une jeune femme ou un jeune homme en larmes en proie à de profondes douleurs et secoués par mille interrogations : «Comment cet être que j'ai chéri a pu me faire autant de mal ?». Adultère, faux et usage de faux, abus de confiance, faillite organisée, surendettement, etc. Les exemples ne manquent pas. Tous racontent des débuts attendrissants, des rêves et des projets, des labeurs et des sacrifices... C'est-à-dire des hauts et des bas avec comme perspective souhaitée celle de pouvoir vivre un peu de réussite. Et c'est là où tout bascule. Au lieu de jouir des fruits mérités de tant de labeur, c'est la souffrance au quotidien. C'est la détestation incarnée. Une femme qui se fait belle pour accompagner son mari à une sortie s'entend traitée de « pin girl ». Elle réclame un mot doux, expression d'un amour tant convoité, mais reçoit une rafale de gifles et d'amertume… Certains hommes vivent hélas le même sort. Après avoir été vidé de tout et surtout de sous, l'époux est là, amer, à regarder sa femme volage se faire belle pour d'autres… Comment on en arrive là ? Comment les structures sadiques se mettent-elles en place dans un couple, ou dans un simple rapport humain ou de citoyen ? Est-ce à cause de la haine du désir ? Il n'y a chez certaines personnes de la bonté et de la tendresse, de la droiture et de l'abnégation qu'en cas de peur et de fragilité. Aussi bizarre que cela puisse paraître, ces personnes se métamorphosent complètement dès que leur statut change ou que leur situation financière s'améliore. Elles ont une attirance pour le pouvoir et aiment rendre les gens serviles. Ces personnes vous seront reconnaissantes tant qu'elles sont dans le besoin, mais dès qu'elles sont assurées de quelques succès vous les verrez vous tourner le dos, comme si vous n'avez jamais existé pour elles. La haine du désir, comme son nom l'indique, hait le désir, ainsi quand la peur et la faim tenaillent, cette haine se fait silencieuse. Elle se met comme en hibernation. Mais elle (la haine) vous scrute derrière un masque, elle vous maudit pour vos actes de charité. Car le sujet qui en est atteint pense que vous ne l'aimez pas réellement, mais que votre acte est en réalité calculé. Qu'au fond vous êtes mauvais, mais que vous n'avez pas le courage de le reconnaître. Alors vous jouez à être bon, vous faites semblant d'être droit et aimant. Mais voilà, il vous a démasqué lui, et il saura vous asséner le coup de grâce le moment venu. Car des personnes aussi viles et méchantes que vous doivent rencontrer leur maître qui saura mettre fin à leurs jeux et à leurs basses comédies… Celui ou celle qui porte en lui la haine du désir se met à croire qu'il est l'avocat et le défenseur de ceux et celles qu'il croit que vous pourfendez. J'ai encore en mémoire le récit d'une jeune mère abandonnée et brisée dans son amour, elle et toute sa famille, par un mari qu'elle a choisi, dit-elle, par amour. Après quelques années de mariage et des enfants heureux, l'époux se retourne contre eux pour les traîner devant les tribunaux, elle et tous ses proches qui lui ont toujours témoigné sympathie et lui ont offert le gîte et l'emploi. Cette jeune épouse répétait sans cesse cette phrase : « Il me disait que c'est moi qui t'es faite, tu n'es rien, toi et toute ta famille vous n'êtes rien… ». Et elle répondait justement : « C'est comme s'il me punissait de l'avoir aimé, on dirait qu'il me déteste pour ça, le pire c'est qu'il semble jouir de cette situation horrible ». Je tiens juste à préciser un point très important, toutes les personnes démunies ou en situation de précarité ne sont pas automatiquement sadiques. Il faut se garder de toute interprétation hâtive empreinte d'hyper vigilance ou de paranoïa. Le véritable garde fou demeure le droit, qu'il nous faudra apprendre à mettre en œuvre dans quasiment tous nos actes de la vie quotidienne. Il faut certes préserver la spontanéité dans nos relations et nos amitiés, mais il est primordial de verrouiller tous nos rapports par le juridique dès qu'il y a un enjeu. Il ne faut pas non plus croire que cela empêchera ces structures d'exister, mais cela peut au moins avoir un effet réducteur, c'est déjà cela de gagné. La haine du désir est tellement profonde à analyser, que je risque de vous inonder de quelques centaines de pages. Sachez que personnellement je crois en la culture qui rehausse la vie des hommes et des femmes, par l'entremise d'idéaux et de rêves qui mettent l'argent et le pouvoir au second rang pour mettre en avant la beauté de l'échange d'un sourire et d'un geste gratuit. La folie est une ombre portée qui suivra partout et pour toujours les hommes, elle est là prête à envahir et à prendre place. La nature n'accepte jamais le vide. Lequel, s'il demeure, engendre le chaos, car le génie est une œuvre qui se réalise et exige moult efforts…