L'œuvre de Paul Pascon (1932-1985), fondateur de la sociologie marocaine a fait l'objet d'une rencontre à la Bibliothèque nationale du royaume du Maroc (BNRM), à Rabat. Compte rendu. Le 28 mars dernier, la salle de conférence de la BNRM n'a pas pu accueillir tous les amis, les étudiants et les collègues de Paul Pascon. Vingt huit ans après sa tragique disparition dans un accident en Mauritanie, le fondateur de la sociologie rurale marocaine séduit toujours. La BNRM et Zakya Douad, fondatrice de la revue Lamalif lui ont accordé le privilège d'ouvrir le bal d'un cycle dédié à l'histoire contemporaine du Maroc. L'héritage intellectuel numérisé Najib Bouderbala, Abdellah Herzenni, Gricha Lazarev ou encore Mohamed Tozy sont parmi les nombreux collègues de Pascon qui ont répondu à l'appel des organisateurs. Chacun d'eux explique l'apport de Pascon dans la création d'une science sociale post indépendance, libérée du poidsdes études coloniales. L'enfant de Fès veut faire le deuil de la colonisation. Cette contribution ne peut se faire sans l'attachement de Pascon pour le Maroc. «Je ne perçois l'avenir de mon existence que dans ce pays», confie-t-il à sa jeunesse. Il a une conscience aigue des retards du pays et il met son savoir à la disposition des ses concitoyens et plus spécifiquement le Maroc rural. Avec Lazarev, il réfléchit à l'épineuse question du foncier rural. Ses pistes de réflexions ne trouvent pas d'écho auprès de l'Office national d'irrigation. De cette période est née l'interaction entre la recherche et l'action. Pour Pascon, la sociologie ne sert à rien si elle ne dévoile rien, comme l'explique Bouderbala : «Pour changer la société, Pascon tente d'abord de la comprendre». Il fonde l'ERECH, première équipe de jeunes chercheurs marocains qui constitue actuellement l'ossature des sciences sociales, Pascon revisite les systèmes d'irrigation traditionnelle, les rites, le monde rural, le statut des terres, le travail, le temps et ses différents modes d'utilisation, etc...Ses recherches sont une expression d'une volonté de changement dans une société marocaine qu'il décrit comme «composite» à l'époque. Une société que ce «vulgarisateur» observe brillamment au Haouz : « c'est-à-dire qu'elle n'est pas purement ceci ou cela, mais que plusieurs modes de production participent à sa formation sociale [...]: patriarcat, tribalisme, féodalisme, capitalisme. Le socialisme aussi, mais ce dernier type de formation sociale n'existe qu'au niveau de l'idéologie et d'organisation politique». Cette rencontre n'a pas été qu'un hommage mais elle a permit d'en savoir plus sur le sort réservé aux documents (livres, notes, outils de recherches) laissés par Pascon. Une convention entre la BNRM, l'association Targa et l'IAV a permit de numériser ces archives et les rendre accessible au grand public. Paru le n°212 de L'Observateur du Maroc