Jusqu'à quand cette situation de ni paix ni guerre durera-t-elle entre Rabat et Alger ? Et a-t-on un espoir raisonnable de voir le nord-ouest africain et Finistère arabe entrer définitivement dans une ère paisible, marquée par un développement durable aussi bien politique qu'humain économique, également bien sûr. Car, il faut bien que les choses redeviennent comme on a pu l'espérer à certains rares moments de l'histoire récente de la région quand on avait pu clamer haut et fort (et dans le tréfonds des curs comme des consciences) que les peuples algérien et marocain n'en faisaient qu'un et un seul. Qu'ils étaient ensemble le cur battant de ce petit continent au large de la rive sud de la Méditerranée et que c'est autour de ce duo que pouvait légitimement et sérieusement s'agglomérer les autres peuples (Tunisie, Libye et Mauritanie). Autres temps, révolus peut-être en quelque sorte, diront esprits chagrins et éternels sceptiques. Quitte à se faire traiter allègrement d'amoureux du paradoxe, nous persisterons à dire que nous croyons fermement à l'avenir de l'union de ces peuples qui ont tant de choses en commun : religion, rite, langue, dialecte, murs sociales et tutti quanti Il y a quelques décennies, nous avions entendu des dirigeants à Alger en appeler au «Maghreb des peuples» contre un hypothétique «Maghreb des Etat». Dichotomie démagogique à l'usage douteux de l'instant fugace d'une politique inter-régionale fondée sur l'hostilité et les arrières-pensées bellicistes nourries de visées stratégiques d'un autre siècle, à forte connotation prussienne. Un pas en avant, deux pas en arrière, telle était l'impression qu'on pouvait tirer des errements qu'a traversés la (trop) lente marche vers l'unité du Maghreb arabe - de Tripoli à Nouakchott. Et à intervalles réguliers, on entendait une voix à Alger le plus souvent, ou inspirée par Alger la plupart du temps, affirmer que l'unique obstacle à l'objectif commun était la question ou l'affaire ou le problème du Sahara. Le choix du mot adéquat ne laissait pas de révéler le fond de pensée de chaque partie «concernée», «intéressé» ou simplement curieuse dès qu'était abordé ce dossier traîné en fait, selon notre avis, depuis un peu plus d'un bon siècle, c'est-à-dire à partir du moment où la France prenait toutes ses dispositions pour fonder son empire colonial et dont le Maroc - allait être l'ultime victime avec la signature du Traité léonin de Fès, le 30 mars 1912. Cette convention, qui ne fut qu'une formalité à l'époque, eut lieu quelque quatre-vingts ans après le débarquement des troupes militaires françaises à côté de l'Alger ottoman, à Sidi Ferruch en 1930. Depuis lors, il est indubitable que les Marocains ont tenu à ne jamais faillir à l'ardente obligation de solidarité à l'égard de leurs frères de l'Est. Bataille d'Isly principalement ainsi qu'aide et soutien concrets à la révolution algérienne bien avant le 1er novembre 1954 et durant toute la période du soulèvement populaire jusqu'à juillet 1962. En revanche, il faut rappeler qu'en Algérie, de part en part, il y eut constamment une solidarité active à l'endroit du Royaume, notamment lorsque le sultan Mohammed Ben Youssef a été détrôné et envoyé en exil. La date du 20 août, celle du forfait français, a été constamment célébrée avec vigueur et ferveur par les populations du pays frère voisin. Les dissensions apparurent très vite, au grand désespoir des unionistes des deux camps au lendemain de la dissolution de la tutelle française au début de la décennie soixante du siècle écoulé. La tragédie de la guerre dite des sables et l'attitude méprisante des nouveaux gouvernants d'Alger, avec à leur tête le premier président Ahmed Ben Bella, qui ont considéré comme un vulgaire chiffon de papier le document signé et par Hassan II et par le chef du gouvernement provisoire algérien Ferhat Abbas, qui annonçait solennement que le tracé des frontières entre les deux pays, fait par la puissance coloniale, devait être révisé, donc rectifié, sitôt la France partie définitivement de l'Afrique du Nord. Les tumultes commencèrent et perdurèrent jusqu'à aujourd'hui. Le vacarme, heureusement très peu celui du fracas des armes, occupa les esprits partout, rendant les deux opinions publiques obsessionnelles sur fond mensonger de nationalisme excessif infondé. La fermeture aberrante des frontières terrestres contribua à donner une dimension dramatique, parce que humaine, à la question des rapports entre deux pays si proches. Les Marocains, dans leur ensemble, se demandaient ce que cherchait, ce que voulait un Abdelaziz Bouteflika à l'égard duquel ils avaient des sentiments mitigés et mélangés. Oui, que veut-il - ce natif d'Oujda et ancien militant de l'Istiqlal -, par cet attentisme étudié et savamment dosé avec beaucoup de perfidie ? La question aura, peut-être, sa réponse la semaine prochaine