A première vue, Soufiane ne donne pas l'impression d'être un grand champion de Taekwondo, qui compte déjà 18 ans d'expérience. Dès qu'il se met en tenue de combat, sa musculature annonce la couleur. Huit heures d'entrainement par jour, cela forge bien un sportif. Du haut de ses 22 ans, Rbati de naissance n'a d'yeux que pour le Taekwondo. Bien qu'il ait déjà pratiqué le Kung Fu, le Karaté, le Hup Kido ou le Full Contact, il tient à sa discipline fétiche même s'il aurait pu rafler des titres mondiaux en Full Contact, selon nombre de champions et entraineurs qui connaissent bien ses capacités. 1995 voit les débuts de Soufiane El Moumane. Il avait juste cinq ans. « Mes parents ont eu l'idée de m'inscrire en Taekwondo. J'étais très turbulent, voire très violent et je me disputais beaucoup. Tous les amis du quartier venaient solliciter mon aide dès qu'il s'agissait d'une dispute. La seule solution pour canaliser cette énergie était de m'inscrire dans une salle d'arts martiaux. Mon père, sportif militaire, voulait à tout prix me mettre dans n'importe quel sport pour me pousser à me calmer », raconte Soufiane. Titulaire d'un baccalauréat en sciences mathématiques, le jeune homme intègre d'abord le club Hilal Rabat où il passe trois mois. Vient ensuite le club d'Oussoud Al Atlas de Salé où il reste quatre ans. Installé à Casablanca depuis 2001, il s'est alors inscrit à El Wifak El Bidaoui où il demeure encore jusqu'à aujourd'hui. Dès le début de sa carrière sportive, Soufiane a multiplié les victoires dans la catégorie 58kg. Il pouvait même battre facilement un adversaire de 74kg. Champion du Maroc en 2009, 2010, 2011, 2012, champion de la Ligue en 2005-2006, 2007-2008, 2009-2010, 2011-2012, champion des champions en 2011 et en 2012, champion du Maroc et de la Ligue Total Contact en 2012, champion de la coupe de l'ambassadeur de la Corée en 2010 et 2011, champion des champions Sadaka Maroc-Corée 2011, meilleur joueur national en 2011 et en 2012... Sans oublier les certificats, les diplômes et son palmarès dans les open internationaux ainsi que les hommages et les médailles des petits tournois raflés par ce jeune homme. Tout compte fait, Soufiane El Moumane a raflé pas moins de 216 médailles ! Malgré ce palmarès, ce grand champion reste un grand oublié. Il ne fait même pas partie de l'équipe nationale et n'a jamais été convoqué malgré son niveau plus qu'excellent en Taekwondo. Soufiane raconte, dépité : « Mohamed Amzoune, mon professeur, est le meilleur entraineur au niveau africain, selon plusieurs experts et champions. Après six mois seulement en sa compagnie, j'ai gagné un titre. Grâce à son soutien, j'ai pu battre en 2008 le champion du Maroc et de la Coupe d'Arabe qui fait partie de l'équipe nationale sur un score de 7 à 0. Ma victoire a d'ailleurs suscité un grand débat. Tout le monde s'est alors demandé comment le petit Soufiane qui s'entraîne dans une petite salle à Derb Sultan a pu battre le champion du Maroc qui touche 20.000 dirhams par mois sur un score aussi humiliant. C'est à ce moment-là que mon professeur m'a confié : Si on ne te convoque pas cette fois-ci, tu ne feras malheureusement jamais partie de l'équipe nationale». C'est ce qui allait arriver. Le jeune homme ne baisse pas les bras malgré tout. Même si la Fédération lui a claqué la porte au nez, Soufiane tente tant bien que mal de continuer sur son chemin et de se payer des stages de préparation à l'étranger afin de garder la forme. 40 jours aux Emirat Arabes Unis à 50.000 dirhams, 20 jours en Tunisie à 8.000 dirhams, sans oublier la Turquie qu'il a visitée deux fois. Ses prochaines destinations seraient l'Espagne, la Corée et l'Iran, premier pays de Taekwondo au monde. Financièrement, c'est la famille de Soufiane qui le prend entièrement en charge. « Mes parents et mes sœurs me disent que je dois faire l'impossible pour réaliser mon rêve. Ils sont très compréhensifs et conscients que j'ai abandonné ce que j'avais de plus cher au monde : mes études. Je dois donc lutter pour réaliser mon rêve. Il faut savoir qu'un athlète commence à lâcher à 30 ans. Mais à 35 ans, c'est fini pour lui », explique Soufiane. Pour entretenir justement le corps d'un athlète, cela nécessite approximativement 4.000 dirhams par mois pour la nutrition (protéines, multi-vitamines...). Aujourd'hui, Soufiane a compris que pour intégrer l'équipe nationale, il faut autre chose que des exploits sportifs. « C'est ce que je ne ferai jamais. D'ailleurs, à mon corps défendant, je vais opter pour la nationalité émiratie. Le Maroc que j'aime plus que tout ne m'a rien donné. Aux Emirats Arabes Unis, un simple athlète qui remporte une coupe dans un simple tournoi local est vivement honoré et remercié. Il arrive à se faire un nom et à devenir célèbre même si son niveau n'est pas excellent. Que demander de plus ? », précise Soufiane. Même s'il est diplômé en infographie et continue d'étudier la comptabilité, il est toujours difficile pour lui de s'assurer une stabilité sur le plan professionnel à cause des compétitions ou des stages de préparation. Fils unique entre cinq filles, Soufiane rêve de décrocher une médaille d'or dans le championnat du monde ou dans les jeux olympiques malgré toutes ces difficultés. Sa détermination montre qu'il est capable de décrocher des étoiles. Palmarès 1995 Début de sa carrière 2001 S'inscrit au Club Al Wifaq Al Bidaoui De 2009 à 2012 Remporte le Championnat national 2011 et 2012 Champion des champions Paru dans le n°210 de L'Observateur du Maroc