Par Naïm Kamal Dans son analyse (Le Monde Diplomatique de janvier 2013), le Prince Moulay Hicham se demande si les monarchies arabes ne seraient pas la prochaine cible des soulèvements populaires. Posées sur le mode interrogatif, les craintes du Prince restent ouvertes sur toutes les possibilités et sans aucun doute que ces monarchies ont besoin de profondes réformes pour mieux affronter les risques que leur font courir les évolutions actuelles dans le monde arabe. Le constat qu'il fait de la situation correspond bien à la réalité sociopolitique de plusieurs pays. Son travers est de traiter les monarchies arabes comme un corps monolithique de la même manière qu'il ne s'empêche pas de succomber à son péché mignon, celui de réduire à néant les réformes et les transformations qu'a connues le Maroc, non seulement depuis le 20 février 2011, mais bien auparavant. Ce n'est pas la défense d'une quelconque exception marocaine, mais peut-on réellement appréhender de la même manière le royaume d'ici et les monarchies du Golfe ? Du Maroc à l'Arabie Saoudite, écrit Moulay Hicham. En dehors de la langue et encore, en dehors de la religion et encore, quels points communs peut-on trouver à ces deux pays ? Quand au pays des wahhabites les femmes en sont encore à militer timidement à l'aube du troisième millénaire pour le droit de conduire des voitures, l'histoire de la première femme pilote au Maroc remonte à l'aube de la première moitié du siècle dernier. On peut multiplier à volonté, au féminin comme au masculin, les exemples des différences, mais on se contentera d'un seul : Dans la plupart des monarchies du Golfe et particulièrement en Arabie Saoudite, aucun régime en place, à une ou deux exceptions prés, ne souffre la contestation politique. Au Maroc, celle-ci lui est une seconde nature. Le débat sur la constitutionnalisation de la monarchie remonte à 1908. Depuis il ne s'est jamais arrêté et cahin caha le Maroc n'a cessé de progresser su ce terrain. La pluralité politique et culturelle, cette dernière réintégrant de plus en plus sa dimension ethnique, s'est toujours exprimée. Même dans les pires moments de ce que l'on appelle les années de plomb. Peu savait qu'en Tunisie il y avait des diplômés chômeurs avant l'immolation par le feu de Mohamed Bouazizi en 2010, tandis qu'ils n'arrêtent pas d'arpenter les artères des villes marocaines depuis une vingtaine d'années. Ce n'est pas un simple détail anecdotique, mais un outil de compréhension majeur. Il faut une mauvaise foi inouïe pour ne pas reconnaître que l'élargissement des espaces de liberté est en progression continue. En dépit des atteintes relevées ici et là. Il en faut autant pour nier les chantiers économiques lancés et les efforts sociaux déployés. Malgré la faiblesse des moyens et l'importance des attentes. Si bien que lorsque le mouvement du 20 février est sorti dans la rue, le pays ne bouillonnait pas dans une cocotte-minute hermétiquement fermée. La réactivité du Roi et, ce n'est pas une simple close de style, l'adhésion des Marocains ont permis de poursuivre le changement dans la progressivité qui a toujours été celle du Maroc. Et là où le Prince Moulay Hicham, qui relègue le changement au cosmétique, se trompe c'est quand il refuse cette progressivité au Maroc et la revendique dans la même analyse pour la transition islamiste dans les autres pays. Voir à ce sujet Libre cours de la semaine dernière.