Pour la première fois de l'histoire, la finale de la Copa Libertadores, la Ligue des Champions sud-américaine, se joue entre River Plate et Boca Juniors, derby de Buenos Aires à haute tension dont la manche aller aura lieu samedi à 21 heures. Tout le pays retient son souffle.Même s'il est un pur « hincha » (supporter, NDLR) de Boca Juniors, Rodrigo, qui résidant dans le quartier d'Almagro en plein Buenos Aires, est dubitatif avant que ne se joue la première finale de Copa Libertadores entre son équipe préférée et son ennemi ancestral de River Plate, avec la manche aller programmée samedi à la Bombonera. Même s'il est un pratiquant et un grand fan de football, ce grand fan de Juan Roman Riquelme craint quelque peu la confrontation qui donne la fièvre à son pays et regardée par le monde entier : « On risque de vivre un véritable moment de l'histoire du football avec ce Boca-River en finale. Mais dans le même temps, je me demande réellement si notre pays est prêt à faire face aux excès de passion que ce match va générer. » Cette question, il n'est pas le seul à se la poser, tant le Superclasico argentin entre les deux clubs les plus populaires du pays à travers le monde dépasse de loin le seul cadre footballistique. La passion pour ce match a relégué au second plan la crise économique qui secoue la 3e économie d'Amérique latine.Il n'y a qu'à voir les prix pratiqués au marché noir, où les places pour la rencontre de samedi s'arrachent à plus de 5.000 dollars, pour mesurer combien personne n'est indifférent à cette rencontre entre les Bosteros de Boca, le club à l'origine modeste mais aujourd'hui très riche, et celui des beaux quartiers (River). Quand le président argentin traite l'entraîneur de River de « gros cul » Pour The Sun, un Boca-River est «l'expérience sportive la plus intense du monde», pour l'effervescence qui entoure le derby entre deux équipes nés dans le même quartier, La Boca, «l'embouchure» en espagnol, car non loin de là, la rivière Riachuelo se jette dans le Rio de la Plata. Même à des milliers de kilomètres de là, dans le Nord-Est du pays, un homme a brûlé la maison d'un voisin avec qui il se disputait sur l'identité du plus grand club entre les deux finalistes. Dans une vidéo qui fait un malheur sur internet, un Argentin explique qu'il annule sa participation à un mariage pour pouvoir regarder à la télévision le Boca-River. «Celui qui se marie pendant la finale du Mondial, c'est un idiot. Celui qui se marie pendant un Boca-River, c'est pour faire chier. Le pays va être paralysé. Après la finale du Mondial, c'est le match le plus important».La ferveur a même gagné le palais présidentiel. Le président argentin Mauricio Macri, ancien patron de Boca Juniors entre 1995 et 2007, est sorti de sa réserve. Il a traité de «gros cul» l'entraîneur de River Plate, Marcelo Gallardo. Un temps, Macri a suggéré que les supporteurs des deux clubs pourraient coexister, mais les dirigeants ont mis leur veto. Les présidents de River Rodolfo D'Onofrio et de Boca Daniel Angelici, qui ont appelé au calme dans un communiqué commun, ont refusé. «Je ne veux pas prendre le risque qu'il y ait un mort», a déclaré D'Onofrio. Angelici a abondé. Il est rare que River et Boca parlent d'une même voix. Boca va-t-il devenir le « Virrey de Copa » et rejoindre Independiente? Sur le terrain, Boca Juniors et River Plate ont respectivement éliminé en demi-finale les équipes brésiliennes de Palmeiras et Gremio de Porto Alegre, tenant du titre. Au palmarès de la Copa Libertadores, Argentins et Brésiliens sont aux avant-postes, les clubs colombiens ou uruguayens se mêlant par période à la lutte. Avec un effectif riche en stars (Tevez, Zarate, Pavon…), Boca Juniors veut remporter sa 7e Copa Libertadores, qu'il n'a plus gagnée depuis 2007, et égaler le record d'un autre club argentin, Independiente, club situé à Avellaneda au sud de la capital dont les supporters sont fiers du statut du « Rey de Copa » et n'ont pas envie de le voir égaler par un rival. Sous les ordres de Gallardo, River a déjà soulevé la coupe en 2015, la 3e de son histoire. Et il a surtout redonné des titres et une philosophie de jeu séduisante à son équipe emmenée par le Colombien et ex-Rennais Pablo Quintero ou le jeune Ezequiel Palacios. Les jeunes internationaux Ezequiel Palacios (River Plate) et Francisco Pavon (Boca), capables de déséquilibrer une défense, tenteront de faire basculer le match. Tout comme les supporters des deux camps, prêts à tout pour intimider l'adversaire avec autant d'enjeu.