En ce 30 juin 2013, pour le plus grand bonheur d'un public bouillant et massé dans les tribunes rénovées du Maracanã, les Auriverdes écrasent les champions du monde et doubles champions d'Europe en titre sur un score sans appel (3:0). Il n'en fallait pas davantage pour exacerber cette rivalité naissante et faire de cette affiche le choc annoncé de la prochaine Coupe du Monde. Forts de leurs effectifs bien rodés et composés de joueurs talentueux, le Brésil et l'Espagne figurent logiquement parmi les grands favoris du tournoi. Leurs joueurs se connaissent bien car ils évoluent ensemble ou s'affrontent régulièrement dans les championnats les plus huppés de la planète. La Seleção et la Roja ayant été versées respectivement dans les Groupes A et B, la soif de revanche des Espagnols pourrait être étanchée dès les huitièmes de finale. Par contre, si chacune de ces deux équipes terminait à la première place de son groupe, leurs retrouvailles ne pourraient avoir lieu qu'en finale… au Maracanã. "J'y compte bien", confie Xavi à FIFA.com au sujet d'une revanche en huitième de finale. "Elle pourrait aussi avoir lieu en finale, pourquoi pas ? Sachant qu'il s'agit de la Coupe du Monde et compte tenu de la difficulté de notre groupe… Mais les Brésiliens non plus n'ont pas un groupe facile. Le football vous donne toujours une deuxième chance. J'espère que cela arrivera cet été et le plus tard possible dans la compétition." Pour l'exportation L'histoire du football espagnol au Brésil remonte au début du vingtième siècle avec la création, en 1914, du Hespanha Foot Ball Club, ancêtre de l'actuel Jabaquara Atlético Clube. Si le nom n'a pas survécu, le jaune et le rouge de la tenue sont toujours là. Quant au stade, il porte le nom d'Estádio Espanha depuis sa construction en 1963 à Santos, dans l'Etat de São Paulo. À Bahia, le Galícia Esporte Clube a été créé en 1933 par des Espagnols qui résidaient à Salvador et voulaient renforcer les liens entre Baianos et les Galegos, comme la population locale appelait les Espagnols, qu'ils soient originaires de Galice ou non. Cela dit, les liens les plus forts entre l'Espagne et le Brésil ont été tissés par stars brésiliennes qui ont traversé l'Atlantique pour mettre leur talent au service des plus grands clubs espagnols. Dans ce domaine, la voie a été ouverte par Evaristo de Macedo, qui a quitté Flamengo pour rejoindre Barcelone en 1957. Le natif de Rio de Janeiro est resté en Espagne jusqu'en 1965, effectuant même trois saisons au Real Madrid. Aujourd'hui encore, Evaristo conserve un souvenir très positif de cette expérience. "Ce fut une très bonne chose pour moi. En fait, j'ai joué plus longtemps en Espagne qu'au Brésil. J'ai appris, j'ai observé les différentes écoles européennes et tout cela a fait mon éducation. J'ai joué avec de grands footballeurs et j'ai pu voir comment ils se comportaient sur le terrain et en dehors. J'ai appris petit à petit et c'est comme ça que je me suis fait un CV", affirmait-il dans un entretien accordé à FIFA.com. L'heure de Neymar ? Evaristo a ainsi amorcé une longue tradition, qui s'est notamment poursuivie dans les années 70 avec le départ de Luís Pereira et de Levivinha, de Palmeiras, vers l'Atlético de Madrid. Dans les années 90, la relation entre le Brésil et l'Espagne s'est intensifiée, toujours selon le même scénario : un attaquant de génie est recruté par Barcelone ou le Real Madrid, il rafle tous les titres imaginables et referme la boucle en remportant une Coupe du Monde de la FIFA™ avec la Seleção. Ainsi Bebeto et Romario ont quitté Vasco da Gama pour rejoindre le football européen, le premier à destination du Deportivo La Corogne et le second vers le PSV Eindhoven, avant de connaître les plus belles années de sa carrière à Barcelone. O Baixinho (le Petit) a fait le bonheur de son entraîneur de l'époque, Johan Cruyff, qui l'a même surnommé le "génie de la surface de réparation". Plus tard, les buts de l'attaquant ont servi de monnaie d'échange dans un marché pour le moins étonnant. "Une fois, il est venu me demander s'il pouvait manquer deux jours d'entraînement pour assister au carnaval de Rio", raconte Johan Cruyff. "Je lui ai répondu : si tu marques deux buts demain, je te donne deux jours de repos de plus que les autres. Le lendemain, il a marqué son deuxième but à la 20ème minute de jeu et il m'a immédiatement fait signe qu'il voulait sortir. Il m'a dit : mon avion part dans moins d'une heure !" Pour la petite histoire, le technicien néerlandais a tenu sa promesse... Bebeto et Romario ont été les fers de lance du Brésil en 1994. Cette année-là, Romario a également été élu Joueur Mondial de la FIFA. La génération suivante n'a pas été en reste, avec des joueurs de la trempe de Ronaldo, à Barcelone et au Real Madrid, Rivaldo ou encore Ronaldinho, tous les deux au Barça. Ce dernier a rejoint le Barça en 2003 pour incarner la renaissance du club catalan. Dès la saison 2004/05, il a contribué à la conquête du premier titre de champion d'Espagne décroché par les Blaugranas depuis cinq ans. "J'ai eu la chance de partager pas mal de choses avec lui", explique Lionel Messi au micro de Barça TV. "Je peux dire que c'est un grand monsieur. C'est ça le plus important. Ronaldinho a tout changé au Barça. On traversait une mauvaise passe et son arrivée nous a complètement relancés." À eux trois, Ronaldo, Rivaldo et Ronaldinho ont gagné quatre Ballons d'Or, six titres de Joueur Mondial de la FIFA et la Coupe du Monde de la FIFA 2002. Après une première saison à Barcelone, l'heure de Neymar a-t-elle déjà sonné ? Pourra-t-il imiter ses glorieux aînés et triompher en juillet au Brésil ? Dans l'autre sens Si les Brésiliens sont nombreux à avoir tenté et réussi l'aventure en Espagne, la réciproque est moins vraie, que ce soit en raison de la richesse du vivier de joueurs locaux au Brésil ou pour des raisons économiques. Rares sont les footballeurs espagnols qui ont évolué dans le championnat du Brésil. Le jeune Fran Mérida, 23 ans, fait donc figure d'exception. En mal de temps de jeu à Arsenal puis à l'Atlético de Madrid, le milieu de terrain a signé à l'Atlético Paranaense en 2013. Au début de cette année, il a été rejoint par son compatriote Miguel Ángel Portugal, nouvel entraineur du Furação. "En Espagne, on sait tout du football brésilien", explique Portugal au micro de la chaîne d'information de l'Atlético Paranaense. "Il y a de nombreux joueurs brésiliens dans notre championnat et beaucoup de Brésiliens travaillent dans le milieu du football espagnol. Le Brésil incarne le talent individuel et le spectacle. Pour l'Espagne, ça a toujours été l'exemple à suivre." Les échanges entre le Brésil et l'Espagne n'ont pas toujours été équilibrés, mais les choses sont en train de changer. Si les transferts se font toujours en grande majorité en direction de l'Espagne, l'influence commence à s'exercer en sens inverse, sous l'impulsion du succès rencontré par la Furia Roja ces dernières années. "Je n'ai jamais compris autant de principes fondamentaux que lors de mes entraînements en Espagne", avait révélé un jour Rivaldo à FIFA.com. "C'est le secret. Quand un style de jeu aussi bien rodé s'impose, ce n'est pas par hasard."