Procédure civile : la réforme renvoyée au Parlement après la censure constitutionnelle    Parlement : Ouahbi botte en touche sur le projet de loi relatif à la profession d'avocat    La SRM Fès-Meknès mobilisera des investissements de 9,9 MM DH entre 2026 et 2030    Les retenues d'eau à 1.770 millions m3 depuis septembre    Casablanca : Le parc zoologique d'Aïn Sebaâ rouvre ses portes    Maroc : L'indice des prix à la production augmente de 0,3% en un mois (HCP)    Maroc : Des changements sur les droits à l'importation en 2026    Meubles en kit : JYSK poursuit son expansion au Maroc    Rabat : Une mise à jour foncière et un SIG dans le pipe    Info en images. Business Ready : Le Maroc améliore davantage ses indicateurs    Manœuvres militaires : Simulation chinoise d'un blocus des ports de Taïwan    Ukraine : Trump tout près d'un accord, sans annoncer de percée    CAN 2025 : les 16 nations qualifiées pour les huitièmes désormais connues    CAN 2025 : «Tous les matchs seront des finales» (Walid Regragui)    CAN 2025 : «On ne s'attendait pas à un tel scénario face au Maroc» (sélectionneur de la Zambie)    CAN 2025 : Achraf Hakimi boucle sa 60e victoire avec la sélection du Maroc    CAN 2025 : Le Maroc face à la Tanzanie en huitièmes de finale    CAN 2025 : Brahim Diaz égale un record mythique et ravive le rêve marocain    CAN 2025 : la fan zone de Live Studio se déploie à Casablanca    Fireworks and small fires in Molenbeek after Morocco beats Zambia    Election du Maroc à la présidence du CA de l'Institut de l'UNESCO pour l'apprentissage tout au long de la vie    CAN 2025: Achraf Hakimi alcanza su 60a victoria con la selección de Marruecos    La prison locale d'Ain Sebaa 1 dément les allégations de torture contre Saida El Alami    Parlamento: Ouahbi elude el proyecto de ley sobre la profesión de abogado    Le streamer Ilyas El Malki condamné à dix mois de prison ferme    Accidents de la route: 15 décès et 2.559 blessés en périmètre urbain durant la semaine dernière    Recherche en mathématiques : Les jeunes champions marocains en conclave à Al Akhawayn University    Malgré les stéréotypes, le darija gagne en popularité parmi les apprenants étrangers de l'arabe    Ouverture des candidatures pour la 12e édition du Prix national de la lecture    Rachat de Warner Bros. Discovery : Le conseil d'administration s'orienterait vers un rejet de la dernière offensive de Paramount    Fondation Chouaib Sdaiki, vigie culturelle sur la côte de Mazagan    CAN 2025: le Maroc bat la Zambie et se qualifie pour les huitièmes de finale    Droits de l'Homme: La DIDH adhère au Portail national du droit d'accès à l'information    Les Brigades Al-Qassam annoncent la mort de plusieurs de leurs dirigeants, dont Abou Obeida    BCIJ : «CAN ou pas CAN, pas de relâche face au terrorisme !»    Pétrole : le calme trompeur des prix bas    Révision des listes électorales des Chambres professionnelles : Fin des inscriptions le 31 décembre    Drames de Fès et de Safi : Le PJD pointe le retard des réponses du gouvernement à ses questions    Israël reconnaît le Somaliland, une décision qui ravive les équilibres régionaux    Diplomatie maroco-égyptienne : Ce que révèle la nouvelle concertation entre Nasser Bourita et Badr Abdelatty    La Thaïlande accuse le Cambodge d'avoir violé le cessez-le-feu    Mouhamadou Youssifou : "Le Maroc a placé la barre très haut"    Italie : Des tags sur les murs d'une église liés aux ultras d'Agadir    Vernissage de l'exposition nationale «60 ans de peinture au Maroc» le 6 janvier 2026    L'exposition «Mohammed Ben Allal : Récits du quotidien» célèbre la mémoire populaire de Marrakech    Essaouira et les Provinces du sud unissent leurs mémoires pour la nouvelle génération    La "Bûche de la Fraternité" rassemble chrétiens, juifs et musulmans à Casablanca    L'icône du cinéma français, Brigitte Bardot, n'est plus    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les confidences de Mahi Binebine
Publié dans Le temps le 21 - 12 - 2010

Lauréat du Prix de la Mamounia, Binebine nous livre ses impressions et dévoile les sources de ses inspirations.
Comment devient-on à la fois peintre et romancier ?
Je crois que l'on naît artiste. C'est comme une sorte de joyau brut incrusté dans la roche, qu'il faut extraire sans trop l'abîmer. Puis, le tailler, le ciseler, le sertir dans la monture d'un bijou, dans le chaton d'une bague et le regarder briller… Il est question de talent, certes, mais la motivation et un travail acharné sont fondamentaux pour son accomplissement.
Vous enseigniez les mathématiques à Paris. Est-ce qu'exercer la peinture et l'écriture vous permet de vous réaliser ou bien avez-vous opté pour cette vocation pour des raisons pécuniaires ?
Picasso disait : «Les 50 premières années d'un artiste sont difficiles !» même si lui n'a pas eu à manger de la vache enragée. Il y a très peu d'artistes qui vivent de leur travail. Ma peinture a été propulsée grâce à un pur hasard qui m'a ouvert les portes d'un grand musée. Autrement, j'aurais ramé comme beaucoup de mes amis. Une toile que j'exécute en une seule journée me rapporte autant qu'un livre que je mets deux ans à écrire… Alors voyez-vous, si l'argent était ma première préoccupation, j'aurais cessé d'écrire depuis longtemps ! A moins que je ne sois masochiste…
Que préférez-vous ? Ecrire ou peindre ?
Je prends davantage de plaisir à peindre qu'à écrire. Quand j'entre dans mon atelier, je ne vois pas le temps passer. Je suis immergé dans la matière que je triture, griffe, caresse… avec laquelle je fais corps comme si j'en étais une partie intégrante… Tandis que l'écriture me coûte, je passe ma vie dans les dictionnaires à chercher le mot juste, la façon dont l'on utilisé mes prédécesseurs…
Quel est le prix que vous avez obtenu qui vous a le plus ému ?
J'ai reçu pas mal de prix pour mes livres antérieurs. J'avoue que le prix de la Mamounia que je viens de recevoir pour «Les étoiles de Sidi Moumen» m'a particulièrement fait plaisir car il s'agit d'une reconnaissance dans ma ville, Marrakech, par un jury international prestigieux. Et j'étais en compétition avec des poids lourds de la littérature marocaine.
Quelle est votre relation avec votre frère, Aziz Binebine ? Son calvaire à Tazmamart a-t-il été pour vous une source d'inspiration ?
Nous sommes très proches l'un de l'autre. Oui son épreuve a beaucoup influencé mon travail, en littérature (Les funérailles du lait) comme en peinture. Mais Tazmamart n'est plus une histoire marocaine, elle appartient à l'humanité entière. Elle montre jusqu'où des hommes peuvent aller dans la torture de leurs semblables, à la façon des camps nazis, des génocides Khmers, Rwandais...
Etes-vous un pacifiste ?
Pacifiste, dites-vous ? Je ne saurais répondre. Si on rentre chez moi pour s'attaquer à mes filles, je crois que je redeviendrai l'animal que j'étais à l'origine !
Propos recueillis par Amine Amerhoun
Mahi Binebine vu par Abdellatif Laâbi
Le grand poète A. Laâbi dresse le portrait de Binebine et analyse son œuvre.
Les écrivains qui peignent et les peintres qui écrivent ne sont plus légion. Révolue aussi l'époque où, dans la même poussée de renouvellement esthétique, peintres et poètes œuvraient de concert en s'invitant mutuellement au plus intime de leur expérience créatrice. Nostalgie mise à part, ces moments ont été d'une fécondité exceptionnelle dans l'histoire de la création artistique contemporaine. Ils ont permis de repousser les frontières de l'imaginaire et de la pensée, ouvrant ainsi à l'aventure de la modernité des champs d'exploration inouïs. Mais il semble qu'aujourd'hui cet esprit n'est plus de mise. Il est même tenu en suspicion. L'Histoire, passée maîtresse en ruses, serait en train d'établir encore une fois la «naïveté » des artistes et le peu d'emprise qu'ils ont sur la réalité humaine et le cours du monde. Le territoire qu'elle leur concède désormais est celui de la marge, là où la subversion, condamnée à des jeux narcissiques, finit par s'autodétruire. Sans pactiser nécessairement avec cette logique sommaire, d'aucuns en viennent à la résignation. D'autres au contraire, et parce qu'ils ont bien observé les flux, reflux, creux de la vague et montée des eaux auxquels la marâtre Histoire nous a habitués, y perçoivent plutôt un défi.
Une violence objective
Je prends sur moi, sereinement, de situer l'œuvre de Mahi Binebine dans la deuxième attitude. Et le fait que ce peintre soit aussi un écrivain me conforte dans cette appréciation. Une telle singularité n'est pas anodine. Elle met en synergie deux types d'investigation différenciés qui, par la force des choses, sont amenés à s'agréger et se mettre en osmose. Voilà qui éclaire à mon avis ce plus que Binebine apporte à la polyphonie déjà existante dans le foisonnement que connaît actuellement la peinture marocaine. Car ce qui le distingue de bien des peintres de sa génération, c'est cet affleurement remarquable de l'histoire (proprement marocaine, et globale aussi) dans ses œuvres. Inutile de dire que nous sommes loin de tout anecdotisme, même si «l'anecdotique» au Maroc a eu, au cours des dernières décennies, son poids écrasant de souffrances et de sang. Ici, la démarche est différente de celle du citoyen soucieux de tourner la page après l'avoir bien lue. Elle va au-delà de ce que l'on appelle le devoir de mémoire. De celle-ci elle s'occupe plus précisément à reconstituer les strates, à cerner les lignes de faille, à signaler les chaînons manquants, à projeter les images de son théâtre d'ombres. La capacité du récit à reconstituer la durée s'allie ainsi aux fulgurances visionnaires de la poésie pour produire des formes en perpétuel mouvement, s'engendrant les unes les autres, se déchirant et s'épousant, narrant par leur silence même l'inaudible de leur tragédie, gravant dans l'espace de la toile autant de fictions où la condition humaine se médite à notre vu et su. Il arrive que, pour ce faire, la matière, le trait, soient violents, notamment dans les premières œuvres. Dans les plus récentes, l'inquiétude gagnant, nous sommes confrontés à ce que la violence objective finit par opérer en chacun de nous, aux interrogations sur les énigmes éternelles que nous essayons de percer depuis des lustres. Et si Mahi Binebine n'en a pas plus que nous les clés, sachons-lui gré de se les poser à sa manière et de nous les reposer dans une langue, que dis-je, une bi-langue dont la subtilité est d'un grand secours quand tant de voiles enveloppant comme un suaire le cœur humain font obstacle à sa quête de lumière.
Abdellatif Laâbi
* La capacité du récit à reconstituer la durée s'allie aux fulgurances visionnaires de la poésie.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.