A mi-mandat, Abbas El Fassi, vient de recevoir un nouveau camouflet du Palais. Le troisième depuis sa nomination, fin octobre 2007, au poste de Premier ministre. Dimanche 30 mai, en début d'après-midi, la MAP se fait l'écho d'un communiqué du cabinet royal. « Dans le cadre de l'intérêt particulier que sa majesté le roi Mohammed VI, que Dieu L'assiste, ne cesse d'accorder à la réalisation des grands chantiers de développement et des infrastructures dans le royaume, le souverain a oeuvré à réunir les moyens financiers nécessaires à la concrétisation du projet ambitieux du Train à Grande Vitesse (TGV) TangerCasablanca (…). Le souverain a, à cet égard, veillé à la mobilisation d'un financement national à ce projet important d'un montant de 500 millions d'euros… », précise l'agence officielle. Il n'est plus question de simples « orientations » royales, mais d'« implication » directe du roi dans un chantier économique. L'on s'en souvient encore,fait noter un observateur, dans toute la communication officielle qui a accompagné le lancement et la concrétisation du méga-projet de Tanger-Med « il n'a jamais été fait mention d'une implication aussi directe du roi dans les différentes phases techniques du montage financier et du projet ». Pour le politologue Mohamed Darif, ce communiqué du palais royal, «bien que venant concrétiser une ligne politique royale entamée il y a plus de dix ans est, néanmoins, porteur de deux importants messages». C'est d'abord, explique notre interlocuteur, «une forme de consécration de ce qu'on pourrait désigner comme une légitimité par les réalisations. En gros, la monarchie renforce sa légitimité par son implication et sa capacité à lancer et concrétiser des projets socio-économiques». Le communiqué suppose toutefois une seconde lecture. «L'on y décèle, en effet, un reproche et une critique par le roi de l'action du gouvernement et des responsables de la gestion aux niveaux régional et local». Autrement, explique notre interlocuteur, «le sujet (le montage financier du TGV) aurait pu être traité dans le cadre du Conseil des ministres (que préside le roi)». «C'est donc un message clair adressé au gouvernement», ajoute le politologue. Cela d'autant, note la même source, que ce communiqué du dimanche dernier, «vient élargir le domaine réservé au roi. Ce domaine s'étend désormais, aux volets religieux, de la politique étrangère, la justice, du domaine socio-économique et plus particulièrement les grands chantiers d'infrastructure». Il n'en reste pas moins qu'en termes de camouflets, ce n'est pas le premier auquel a droit le Premier ministre depuis son investiture. Novembre 2007, Abbas El Fassi, nouvellement nommé chef du gouvernement, signe un décret qu'il publie, ensuite, au Bulletin officiel, confiant la tutelle des Agences de développement à son ministre de l'Habitat, Ahmed Taoufiq Hejira. Ce qui semblait logique, en cette période du partage des prérogatives entre les différents ministères, puisque l'Aménagement du territoire relève des compétences du ministre istiqlalien. Du coup, les Agences du Nord, du Sud et de l'Oriental (dont le directeur général n'est autre que l'ancien secrétaire d'Etat à l'Habitat, le socialiste Mohamed Mbarki) passent donc, par la force de ce décret, de la tutelle du Premier ministre, ce qui était le cas depuis Abderrahmane Youssoufi, à celle du ministre Taoufiq Hejira. Janvier 2008, un communiqué du Cabinet royal, également relayé par la MAP, vient retirer la gestion de ces agences au ministre istiqlalien. Les observateurs estimaient, alors, que «ces agences mènent de grands chantiers de développement et offrent une très grande visibilité médiatique». Les bailleurs de fonds et même certains directeurs de ces organismes craignaient «une tentative de récupération». Le deuxième revers remonte également à cette même époque. Il a été décidé de retirer la tutelle de la Direction des investissements extérieurs (DIE) au Premier ministre pour la confier à son ministre du Commerce et de l'industrie, le socialiste Ahmed Reda Chami. Pour le politologue Mohamed Darif, l'implication du roi dans les domaines socio-économiques est «un choix». Sauf que, fait-il noter, «cette implication s'est manifestée à différents degrés. Il est claire qu'elle n'a pas été aussi grande du temps de l'ancien Premier ministre Driss Jettou, par exemple». IGF Tentative de récupération via le Parlement Avril 2008, une proposition de loi déposée par le groupe du parti de l'Istiqlal tentait de faire relever directement l'IGF (Inspection générale des Finances) des prérogatives du Premier ministre. Après tout, estiment les députés du parti de Allal El Fassi, c'est le chef du gouvernement qui se charge de la coordination entre différents départements et de la bonne mise en exécution des programmes gouvernementaux. Selon cette logique, mettre l'IGF sous sa tutelle donnerait à cette institution un rôle clé dans l'économie marocaine, davantage de pouvoir et surtout de moyens pour accomplir sa mission du contrôle de la gestion des deniers publics. Les députés de l'Istiqlal entendaient ainsi, accessoirement, couper l'herbe sous les pieds de différentes ONG et partis politiques alors très portés sur la lutte contre la corruption et les détournements de biens publics. Cette refonte du texte portant création et organisation de l'Inspection générale des finances est une manière, entre autres, d'opérer une fuite en avant et pourquoi pas grignoter quelques points sur l'échelle de l'électorat. La proposition n'a jamais été programmée pour examen et vote.