Les Etats-Unis de Barack Obama comptent toujours dominer le monde pour y promouvoir leurs intérêts, mais ils s'engagent à le faire d'une manière moins agressive et plus consensuelle que sous l'administration précédente, et en s'efforçant de prêcher par l'exemple. La Maison Blanche a publié hier son premier exposé de stratégie de sécurité nationale depuis l'entrée en fonction du président démocrate il y a 16 mois. Si ce document affirme clairement que les Etats-Unis ne renoncent pas à leur suprématie militaire «qui a assuré la sécurité de notre pays et celle du monde entier pendant des décennies», il n'en définit pas moins cette sécurité en termes beaucoup plus larges que l'avait fait George W. Bush en 2002 et en 2006. La doctrine de Barack Obama, qui abandonne la terminologie de la «guerre contre le terrorisme», accorde ainsi plus d'importance à la sécurité intérieure, tout en énumérant les actions à mener dans des domaines aussi divers que la diplomatie, l'économie, la science, la sécurité alimentaire, la santé publique et l'environnement. «Notre stratégie reconnaît que notre force et notre influence dans le monde commencent par les mesures que nous prenons chez nous, affirme Barack Obama dans la préface du document. Nous devons faire croître notre économie et réduire notre déficit. Nous devons instruire nos enfants afin qu'ils puissent affronter la concurrence dans un monde où les connaissances revêtent une importance capitale. [...] En deux mots, il faut voir dans notre capacité d'innover le fondement de la puissance américaine». Le président démocrate se démarque de son prédécesseur républicain à plusieurs égards. Ainsi, il reconnaît que les Etats-Unis ne peuvent pas régler seuls les défis du XXIe siècle. «Avec fermeté, nous devons renforcer les anciennes alliances qui nous ont si bien servis, tout en les modernisant afin de relever les défis du nouveau siècle», affirme-t-il. La suite du texte souligne aussi la nécessité de «bâtir des partenariats plus profonds et plus efficaces avec d'autres centres d'influence» comme la Russie, l'Inde, la Chine, le Brésil et l'Indonésie. Le nouvel énoncé de stratégie préconise toutefois une approche sans illusion dans les relations avec l'Iran et la Corée du Nord, dont les programmes nucléaires suscitent l'inquiétude à Washington et dans plusieurs autres capitales. Il réitère par ailleurs la volonté américaine de débloquer les pourparlers israélo-palestiniens, actuellement au point mort. D'une façon plus générale, la Maison Blanche s'engage à «renforcer les institutions internationales et à galvaniser l'action collective en faveur d'intérêts communs» tels que la lutte contre la «violence des extrémistes», la prolifération des armes nucléaires, les changements climatiques et les pandémies. Contrairement à son prédécesseur, Barack Obama renonce à placer la «guerre contre le terrorisme» au centre de sa stratégie de sécurité nationale, quoiqu'il réaffirme la nécessité de neutraliser le réseau al-Qaïda en Afghanistan et au Pakistan. La Maison Blanche préfère parler d'une «campagne mondiale contre al-Qaïda et ses terroristes affiliés», une entreprise qui doit selon elle être menée sur plusieurs fronts et de concert avec d'autres Etats et avec les institutions multilatérales. La nouvelle doctrine affirme que les Etats-Unis ne recourront à la force qu'en dernier recours et d'une façon «qui reflète nos valeurs et renforce notre légitimité [...] en travaillant avec des institutions comme l'OTAN et le Conseil de sécurité de l'ONU». Publié dans la foulée de deux attentats avortés sur le territoire américain, le document de la Maison Blanche décrit les mesures prises ou à prendre afin de renforcer la sécurité des frontières, des ports, des aéroports, des infrastructures et des réseaux informatiques. «Les efforts de nos services de renseignement et du département de la Sécurité intérieure doivent être intégrés à nos politiques de sécurité et à celles de nos alliés et partenaires», précise-t-on. La notion d'intérêt bien compris revient régulièrement dans le texte. Un exemple: «La stratégie de sécurité nationale repose sur un renouvellement du leadersphip américain afin que nous puissions promouvoir nos intérêts au cours du XXIe siècle. [Elle] tient compte du lien fondamental qui existe entre notre sécurité nationale et notre compétitivité, notre résilience et notre exemple moral. Elle réaffirme l'engagement des Etats-Unis à promouvoir ses intérêts dans un système international dans lequel tous les pays ont certains droits et devoirs». Selon la présidence américaine, la sécurité du pays dépend aussi en grande partie de sa supériorité morale.