Vous êtes ici : Actualités / Economie / La décision volontaire de la Centrale Laitière Les dessous de la décision unilatérale de la Centrale Laitière de majorer à partir du 15 août les prix de vente du lait restent difficiles à cerner, quoique le premier groupe laitier du pays motive généralement sa mesure inattendue par «la revalorisation du prix payé aux producteurs laitiers, qui est effective depuis le 1er août». Pourtant, jusqu'à aujourd'hui, il n' en est rien sur le terrain. Preuve en est : «aucune négociation n'a eu lieu avec les éleveurs laitiers pour prendre une telle décision», nous explique au, Seddik Zniber, président de l'Association nationale des éleveurs de bovins (Aneb). Plus encore, la filiale du groupe français Danone n'a pas communiqué sur les détails chiffrés de la réévaluation en question qui est considérée comme «un effort». Le seul élément d'information rapporté par le communiqué publié sur son site laisse entendre que cette démarche vise à «garantir un revenu annuel moyen, qui couvre correctement l'augmentation de leurs charges d'exploitation, particulièrement en période de basse lactation». Contacté par le Soir échos pour plus de détails, Jacques Ponty, PDG de la Centrale laitière et président de la Fédération interprofessionnelle marocaine du lait (Fimalait) s'est refusé à tout commentaire. En s'appuyant sur la liberté des prix et saisissant le «contexte économique très difficile», le leader du marché a entamé sa révision à la hausse de «manière volontaire» pour reprendre ses propres termes. Normal. Puisque «c'est lui qui détermine les prix», explique Zniber. «Les autres concurrents (Copag, Safilait,…) ont suivi et ont aligné leur prix sur ceux de la Centrale laitière», confirme-t-il. Cette réaction automatique, attendue d'ailleurs, interroge sur le respect du libre jeu de la concurrence et de ses répercussions sur le pouvoir d'achat. La centrale prétexte la hausse des intrants sur le marché international La récente majoration du prix du lait après celle de 2008 (+40 centimes le litre) «a pris en compte, également, la hausse des salaires au Maroc dont l'augmentation moyenne a été de 5% entre 2009 et 2012 quand le SMIG a augmenté de 15% sur la même période» souligne t-on. Comme l'analyse l'économiste, Mohamed Chiguer, il n'y a pas de crainte sur les tensions inflationnistes. «La marge de manœuvre du gouvernement à ce titre est jouable. Le Maroc est l'un des rares pays à maintenir le taux d'inflation en dessous de 2%», éclaire-t-il. Il ajoute que la hausse jugée excessive ne devrait pas aller jusqu'à amenuiser sérieusement le pouvoir d'achat des ménages, «étant donner que le lait reste un produit alimentaire substituable. D'ailleurs, les Marocains en sont de petits consommateurs avec moins de 55 litres de lait par an et par habitant. Mais ce qui inquiète le plus Chiguer c'est que la nouvelle décision confirme la tendance générale future à la hausse des prix. Il pense que les mois à venir réserve de mauvaises surprises pour les consommateurs. Quid du timing choisi? L'économiste répond que c'est le moment opportun, car «c'est la période des vacances», précise-t-il. À ses yeux, les craintes sur d'éventuelles tensions sociales en lien avec les bouleversements socio-politiques dans la région ne sont pas fondées. «Je ne pense pas que cette hausse des prix puisse mettre en danger l'équilibre social au Maroc. La classe moyenne ne peut pas être affectée par une telle mesure. De plus, les couches plus basses de la société sont habituées au mode de consommation à effet de substitution intemporel», éclaire-t-il. Qu'en est-il du réajustement de 5% ? Il croît que c'est «trop», bien que la Centrale Laitière avance d'autres prétextes dont essentiellement la hausse des intrants sur le marché international. «Cette décision intervient dans une conjoncture nationale et mondiale marquée, sur les dernières années, par une forte hausse des cours des matières premières utilisées dans la production du lait et de son emballage : énergie, plastique, carton, main d'œuvre…», note le communiqué. La hausse des prix des carburants située entre 15 et 20 % en 2012 n'est pas en reste. La question qui se pose maintenant est de savoir si de nouveaux rajustements auront lieu en 2014 avec la fiscalisation prévue de l'agriculture.