Vous êtes ici : Actualités / Edito / Les graines de la violence Les gens qui manifestent en Egypte sont-ils tous inféodés aux Frères Musulmans, ou bien ne compte-t-on pas dans leurs rangs des citoyens inquiets du rôle permanent de l'armée dans l'histoire de leur pays ? Car en réalité, la question est là. Les faits étant têtus, nous avons été témoins d'un coup d'état qui a certes été vite digéré par nombre de chancelleries, mais qui reste une atteinte à un gouvernement démocratiquement élu. Au delà de la question théorique de savoir si la fin (qui reste à déterminer) justifie les moyens, la configuration actuelle du pouvoir au Caire doit se conformer à un cadre démocratique établi. Or, l'agenda de l'armée reste la plus grande inconnue à ce jour. L'appel à la manifestation par le général al-Sissi et l'appel à la contre-manifestation par les opposants au coup d'état portent en eux les germes de la violence. Le parallèle avec la situation des années 90 en Algérie est une erreur, tout autant que celui avec la vague terroriste de la Gamaa al-Islamiya à la même période. L'intervention de l'armée va certainement entraîner le pays dans une vague de violence quotidienne, qui a déjà fait près de 200 morts, sapant la confiance dans le pays et aggravant sa situation économique, éloignant de facto pendant un bon moment toute perspective de stabilité. Au lieu de se ranger arbitrairement derrière l'un des deux camps qui s'opposent, il serait plus sain que les pays du Golfe s'alignent sur la ligne du droit, parce que le passage en force ne peut pas résoudre de façon pérenne les blocages de la société égyptienne, ni d'aucun autre pays de la région. En témoigne le chaos irakien et la spirale dans laquelle s'est enfermée la Syrie. Affronter un problème peut se faire en réduisant au silence son adversaire, plutôt que d'adresser ce qu'il défend. C'est l'option qui semble avoir le vent en poupe. Mais elle est aussi la base de toutes les frustrations et de tous les conflits à venir. Y aura-t-il une voix dans ce brouhaha pour rappeler les deux parties à la raison ou bien nous contenterons nous de compter les morts et de regarder le pays se transformer en pandémonium ?